Tribune de A.Pakoua

LE CENTRAFRIQUE N’EST PAS TRANSFÉRABLE

Nous ne saurons jamais nous arrêter de souligner et de crier notre amertume face à l’irresponsabilité des dirigeants qui ont conduit pendant de très longues années, le pays dans l’abîme où il se trouve à ce jour.

Cette irresponsabilité s’est caractérisée par un aveuglement et une surdité à ne pas entrevoir les risques d’une mauvaise gouvernance qui favorisait une fracture indéniable dans la société centrafricaine, en dépit des signaux d’alarme lancés çà et là par les différentes oppositions et par les esprits éclairés de cette nation, qui n’ont jamais voulu participer au bal des faux culs, mais qui, pour éviter la catastrophe au pays, ont tenté par leurs écrits et parfois par leurs interventions lors des réunions et débats, à apporter leur contribution dans le sens du relèvement du pays.

En dépit de tous ces efforts, les dirigeants centrafricains se sont toujours entêtés à croire qu’ils avaient raison partout et surtout, qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient tout simplement parce qu’ils étaient au pouvoir et que « leur tour était arrivé ».

Mais quel tour ? Tous les centrafricains savent de quoi il s’agit. Ils savent que c’était le tour de dépecer le gibier centrafricain entre copains et en famille. Mais quelle famille ? Et le CENTRAFRIQUE et les Centrafricains dans tout cela ? Ça n ‘avait jamais été leur affaire.

Aujourd’hui que le pays et son peuple sont en plein bourbier et en plein désarroi, les candidats qui ont déposé leurs dossiers ou qui se préparent à le faire au concours d’entrée au forum de la réconciliation à Brazzaville, n’ont aucune pensée à la dignité de ce pays et de son peuple. Ils sont prêts à courir dans cette ville du CONGO pour aller tenter de régler là-bas ce qu’ils ne peuvent régler chez eux à BANGUI, cette ville devenue un enfer pour eux et pour tout le monde, au point qu’ils n’ont même plus honte de voir les quelques rares institutions qui avaient leur siège à BANGUI, prendre la poudre d’escampette pour aller trouver résidence ailleurs, à cause de la peste qui y règne.

Mais pourquoi se dépêchent-ils pour aller à BRAZZAVILLE ? Parce qu’ils ont peur pour leur sécurité à BANGUI ? Et le peuple qui subit cette insécurité quotidiennement, n’est-il pas un « être » capable de ressentir lui aussi la peur ? Alors, pourquoi l’abandonner pour aller ailleurs chercher à régler les problèmes ?

La meilleure façon de chercher à trouver réellement une issue rapide à la crise est de se mettre au milieu du peuple et de parler avec lui pour l’associer à la prise des décisions finales.

On connaît la misère qui règne en CENTRAFRIQUE, et on sait que le petit morceau de viande, qu’on jetterait devant ceux qui se prétendent délégués du peuple, ne laisserait aucun d’entre eux insensible, car ils s’y jetteraient corps et âme perdus, au détriment des intérêts de ce peuple dont ils seraient les représentants « indignes ».

Le CENTRAFRIQUE n’est pas transférable. Une fois déjà, on a fait dépêcher les membres du CNT à NDJAMENA pour décider du limogeage du chef rebelle qu’on avait encouragé à prendre les commandes du pays. Pour un pays souverain, c’était un procédé honteux mais la honte a été dissipée parce qu’il s ‘agissait de débarrasser le pays d’un pouvoir diabolique.

Maintenant, on demande aux Centrafricains d’aller à BRAZZAVILLE pour les aider à trouver un nouveau Premier ministre et à composer un gouvernement potable. Il faut être si immature pour accepter une telle démarche.

Le CENTRAFRIQUE a toujours fonctionné administrativement sans qu’on entende parler de sensibilités religieuses. Dès l’indépendance de ce pays en 1960, il y avait des députés musulmans à l’Assemblée Nationale, sans que ceux-ci soient distingués de leurs autres collègues par leur étiquette religieuse.

Aujourd’hui, même la Présidente de la Transition, qui avait officiellement déclaré que la crise centrafricaine n’avait pas de fondement à caractère confessionnel, accepte de dire que la formation du futur gouvernement tiendra compte des sensibilités religieuses.

Voilà comment, inconsciemment, on accepte d’être manipulé et voilà comment, à petites doses, on arrive à des dérives qui à long terme conduisent à des catastrophes.

On ne peut pas fonder la formation d’un gouvernement sur des critères religieux. Et encore, ce serait une très grosse contradiction quand on sait que le CENTRAFRIQUE est un pays laïc. Il ne faut pas laisser croire aux musulmans de Centrafrique qu’ils sont une communauté à part, tout comme ce serait ridicule de laisser croire aux ngbaka ou banda (et toute autre tribu de ce pays) qu’ils sont une communauté à part.

Les musulmans doivent prendre leur part de responsabilité dans le développement de ce pays, sans qu’ils soient étiquetés comme tels.

Les dirigeants de CENTRAFRIQUE qui ont favorisé leurs parents pendant qu’ils étaient au pouvoir, n’ont pas rendu service à la nation.

Kolingba n’a pas donné à manger à tous les yakoma même si certains d’entre eux ont bien tiré profit de son pouvoir.

Patasse n’a pas reçu à sa table nationale tous les kaba de sa région, même si certains ont bien grandi et pris de l’embonpoint avec son passage au pouvoir.

Bozize n’a pas invité tous les gbaya de Bossangoa à sa table officielle pour partager le repas national, même si certains gbaya de Bossangoa ont profité du mets présidentiel.

En somme, il y a eu aussi des centrafricains « neutres » qui ont bénéficié des largesses gouvernementales de Kolingba, de Patasse ou de Bozize . Et tous ces gens sont ceux qui auraient pu aider leur différent chef à mettre en place une politique de développement, qui bénéficie à tout le monde centrafricain.

Malheureusement, leurs pratiques de courte vue et de « c’est notre tour » nous valent ce que nous méritons aujourd’hui, si ce n’est ce que nous ne méritons pas aujourd’hui. Nous ne savons plus quelles sont nos responsabilités, où sont passés notre honneur et notre dignité, et nous sommes prêts à courir là où on nous demande d’aller, quand bien même nous saurions à quel plat insipide nous allons être cuisinés.

La réconciliation des Centrafricains ne peut pas se faire ailleurs qu’en CENTRAFRIQUE, autrement la trahison qui a présidé aux destinées de ce pays ne fera que se perpétuer et on n’aura pas fini avec le cycle d’instabilité politique, avec le cortège de destructions et de misère que cela génère.

Adolphe PAKOUA

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Un commentaire

  1. Il est hors de question que les centrafricains se rendent dans un pays autre que le leur pour décider de l’avenir de la RCA…La tendance de la classe politique et la société civile de boycotter la tenue à Brazzaville de cette concertation doit être maintenue.
    Nous sommes un peuple souverain même si nous traversons une période difficile de notre histoire,notre dignité ne doit pas être traîner dans la bout par les relais de la sous-région de l’impérialisme FRANCAIS qu’on active pour nous imposer leurs »DELIRES »

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