Grand format de J.Gréla

ANALYSE DE PRESSE : CENTRAFRIQUE – L’INACTION COMPLICE DES FORCES INTERNATIONALES

Un conflit et une culture de l’« impunité »

L’anonymat autour des tueries impunies en Centrafrique devient assourdissant par le nombre des morts dans la Ouaka. Les centrafricains s’interrogent sur le vrai rôle des forces internationales dans leur pays. Elles ne remplissent pas leur mission initiale de désarmement de tous les groupes armés ou de tout homme armé dans la rue et ne peuvent donc remettre le pays sur la voie de la sécurité et de la paix. Plusieurs fois, des voix se sont levées dans la presse et dans les communautés pour dénoncer la passivité de la France et de la Misca, pour désapprouver leur attitude complice vis-à-vis de ceux que le général Soriano avait déjà désignés d’ « ennemis de la paix », traités de « bandits ». Les trafiquants de toute sorte profitent de cette anarchie sans précédent pour piller le pays. Chaque groupe armé, nanti de son armement impose sa loi dans les contrées sous son contrôle.

La vraie fausse fermeté
de la Misca, de sangaris et du général Soriano

Selon COMANFOR Sangaris, le général brigade Eric Bellot des Minières qui relève le général de brigade Francisco Soriano, a pris le commandement de l’opération Sangaris le 17 juin 2014. « Il va prolonger, dit le ministère français de la Défense, l’engagement, en portant son effort sur l’établissement des conditions de déploiement de l’opération de maintien de la paix des Nations-Unies, en appui des soldats de l’Union Africaine et en étroite coordination avec ceux de l’opération EUFOR RCA ». Ainsi la minusca attendu devra frapper plus fort au cœur des séléka et des anti-balles AK pour les anéantir et activer le processus de la sécurité de la paix et de la restauration de l’administration inexistante. Les observateurs de la Centrafrique ont remarqué les jeux de ping-pong, de cache-cache entre les selekas et les force internationales.

En février 2014, les miliciens anti-balles AK étaient considérés comme de « hors-la-loi » et devraient être traités en « bandits » s’ils persistaient à attaquer les musulmans, les populations civiles. « Ceux qui se disent anti-balles AK sont devenus les principaux ennemis de la paix en Centrafrique, ce sont eux qui stigmatisent les communautés », avait souligné l’ancien patron de Sangaris, tandis que la présidente centrafricaine de transition, Mme Catherine Samba Panza, galvanisée par la visite triomphale de Le Drian à Mbaïki, avait promis « d’aller en guerre » contre les anti-balles AK et qui « ne sont pas des troupes conventionnelles contrairement à leurs prétentions ». Dans le même ordre d’idées, ministre français de la Défense, de son côté, avait asséné que « la ligne de la France en Centrafrique est claire […] Sa mission est de faire que la sécurité revienne, que le désarmement ait lieu et se fasse de façon impartiale, et que la transition politique puisse se mettre en œuvre pour que ce pays retrouve enfin un minimum de sécurité et des conditions humanitaires acceptables » avait-il indiqué. Mais on ne voit rien venir. Le peuple centrafricain a vécu le contraire des déclarations intempestives et inefficaces.

Des musulmans sont délocalisés, évacués dans le nord du pays. La séléka en a profité pour multiplier le nombre de ses troupes en enrôlant les plus fragiles, notamment certains peulhs et autres musulmans désireux de se venger. Tous ces individus désœuvrés, incontrôlés ont investi villes et villages, ont installé leur suprématie guerrière et se livrent à des exactions inhumaines de tout genre. Les humanitaires ne sont plus respectés. Les convois sont attaqués par ces ennemis de la paix. Les hôpitaux sont investis à l’instar de Boguila dans le nord. Les groupes armés ne craignent pas les sangaris et leurs moyens supérieurs. Ils seront défiés, affrontés dans cette région et seront secourus par la voie aérienne venue de Ndjamena. Les seleka, comme les autres groupes armés tuent, assassinent, incendient les maisons, pratiquent l’autodafé sans punition, sans être inquiétés. Les villageois ne peuvent ni vivre au village, ni dans leurs plantations en brousse. Où vivre ? En brousse les anti-balles AK et les peuhls sévissent. En ville les selekas et leurs commandants « comzones », nommés par djotodia ont pris position, lèvent les impôts, rackettent les populations. Dans les villes et villages des barrières sont érigées pour spolier les passants.

A chaque exaction, son lot de meurtres et de vengeances. Mais du côté de sangaris la réponse consiste seulement en une forte mise en garde. Aucune poursuite. Aucune arrestation. Bien sûr, certains avancent le manque de maisons pénitentiaires en Centrafrique. Est-ce une raison de ne pas rechercher les coupables et les punir ?

La vraie fausse fermeté des sangaris ou tout simplement sa mollesse s’est concrétisée avec la rencontre des sélekas à Ndélé pour le congrès et pour la réorganisation de leur mouvement. L’assistance logistique et la sécurité des congressistes « selekistes » avaient été assurées par les forces internationales. Ce qui leur a permis la mise en place d’un état-major dans un pays qui en compte déjà. Bambari, la deuxième grande ville de Centrafrique est érigée en capitale. Les anti balles AK ne doivent pas s’en approcher, au risque de se faire « mater », avait averti le nouveau chef d’etat-major, Joseph Zoundeko. Tout cela est une preuve tangible de provocation, non seulement à l’encontre du pouvoir de Bangui, mais des sangaris et de la Misca.

Lors de sa visite à Bambari en mai dernier, l’ambassadeur de France Charles Malinas a expliqué que « ce qui est sorti du congrès de Ndélé […] ce sont des choses qui s’appellent « état-major », des choses comme ça. Et bien, cela, ce ne sont pas des mots acceptables. On ne peut pas avoir d’armée parallèle, on ne peut pas avoir de structure militaire parallèle aux structures militaires autorisées par les résolutions des Nations unies et les mesures de confiance qui vont avec ». Quant au chef de la force Sangaris, le général Soriano, il a enfoncé immédiatement le clou en rappelant que seules les forces régulières sont habilitées à porter de l’armement. Aucune personne ne doit se promener dans les rues de Bambari, portant des armes.

Mais on a vu

Le lendemain, de violents affrontements entre forces françaises et rebelles à Bambari. Trois pick-up conduits par des Séléka ont ouvert le feu sur des soldats français qui, après des tirs de semonce, ont riposté et détruit l’un des trois véhicules. Les groupes armés ne respectent rien et narguent les forces internationales qui ne peuvent agir que par légitime défense.

Tout le pays ne vit qu’au rythme des attaques aux grenades. A Bangui, pendant les veillées mortuaires, ou dans l’église de Fatima. A Grimari, les populations meurent à cause des conflits d’intérêts des groupes armés. A Bambari et dans ses environs, les villageois sont  livrés à des vengeances, à la loi de talions. Des villages sont incendiés. Des populations sont poursuivies jusques dans la brousse pour se faire tuer. Les habitants continuent à fuir vers la cathédrale, l’évêché, la gendarmerie et aussi à la résidence du préfet, selon une source.

L’engrenage de la violence est à son comble. A la violence, les groupes répondent par la violence contre les innocents. Or le mandat qui a été donné par le Conseil de sécurité, c’est d’être présent dans toute la Centrafrique, de désarmer voire par la force et de faire en sorte que l’autorité de l’Etat soit restaurée. Malheureusement, la Ouaka n’a pas cessé de compter ses morts. Dans la région, des interrogations fusent sur l’utilité de la présence des sangaris qui ne défendent pas les populations et qui ne se déplacent que sur l’instruction de Bangui, à en croire les autorités de Bambari, sur les lieux des crimes.

Djotodia et les siens exploitent la faiblesse des forces internationales

De tout ce qui précède, Djotodia et Nouréddine Adam ont pris la mesure de leur capacité de nuire et de la faiblesse des forces internationales. Tous les commandants de régions militaires selekas, communément appelés « comzones » comme en côte d’ivoire et leur adjoint, nommés par le décret n°13/406 du 08 octobre 2013, signé par Djotodia lui-même, Président de Transition, maître Tiangaye Premier Ministre et le général Bertrand Mamour ministre délégué à la Défense Nationale, ne sont pas démis de leur fonction. En d’autres termes, madame Samba Panza n’a pas abrogé ce décret de nomination. Ils sont présents, règnent donc dans leur région d’une manière indépendante et la gèrent à leur convenance. Ils sont toujours  protégés par la loi et ce décret. Ils peuvent exploiter les richesses, spolier les populations, lever toutes sortes d’impôts. Ils recrutent, élèvent des foyers de ripostes, entretiennent les conflits et les divergences pour résister par tous les moyens à ce que les sangaris clament vainement : restauration de l’autorité de l’Etat. D’ailleurs, les fonctionnaires nommés par Samba Panza pour les provinces, ne peuvent prendre leur fonction. Ils ne sont pas légitimes aux yeux des comzones. Ceux-ci sont donc prêts à livrer bataille pour Djotodia et son acolyte Noureddine Adam qui nourrissent l’espoir de revenir par les armes.

Djotodia, depuis son exil de Cotonou au Bénin, a confié à un visiteur, qui l’a surpris en pleines tractations avec des hommes d’affaires, « nous serons de retour au pouvoir à Bangui avant la fin de l’année », rapporté par Jeune Afrique. Selon lui, aucune force présente sur le terrain, y compris les Français et le contingent de la Misca, ne sera en mesure de s’opposer longtemps à une nouvelle offensive de la Séléka, dont il évalue les effectifs à dix-sept mille hommes. Désinformation ou information ?

Pendant ce temps, en Centrafrique, la situation reste explosive. Les armes pullulent et coûtent le prix d’une pacotille. Le banditisme s’envole. Les groupes armés sont toujours très puissants devant ces forces qui devraient délivrer le pays. Le conflit de l’« impunité » prospère. Des violations graves des droits humains et des crimes internationaux  s’intensifient cruellement loin des caméras.

Joseph GRÉLA

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