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ROMAN: SURSAUT PATRIOTIQUE

NOTE DE LECTURE DU ROMAN SURSAUT PATRIOTIQUE

Le paysage littéraire camerounais a connu ces dernières années une cure de jeunesse. Son ouverture à de nombreux jeunes auteurs notamment dans le domaine de la poésie et du roman a participé à cette cure de jouvence.  Cette ouverture progressive permet de percevoir un horizon qualitatif  marqué par un style jeune, alerte et érectile consigné au travers des œuvres ayant mission de dire le sociopolitique et même la sociopoétique des contextes actuels. C’est probablement dans ce sillage qu’il faut situer le roman SURSAUT PATRIOTIQUE d’EPHRAIM LEKA, qui se situe dans le renouveau de l’écrire camerounais. Oui de l’écrire… cette notion littéraire suppose l’assignation d’une mission à l’acte d’écrire qui s’inscrit non comme essentiellement le fictionnel-distractif mais plus comme l’agir inscrit le psychogramme de l’auteur avec pour vocation de dire la société.

Le précieux sésame se compartimente autour de cinq chapitres majeurs comme les cinq… les cinq doigts de la main. Niché dans un prologue et un épilogue, de nombreux titres rappellent la justification cosmogonique du monde « Au commencement était… » et certains riment avec l’attachement à la patrie « Révolution/Résolutions »ce qui fait distinguer deux mouvements qui interpellent à la fois la létale et l’action. C’est la même configuration qu’épousent les données onomastiques relatives à la configuration narrative de l’action au travers du profil des personnages. La cohabitation entre les noms bantous  et occidentaux fait transparaitre une logique de l’assimilation identitaire, de la mixité dans un rapport intégral de force dont le présent roman s’efforce à égaliser.

Drapé dans un linceul de deuil symbolisé par le clair obscur matérialisé par les nuances noires et rouges, la première de couverture exprime à la fois le fardeau, l’inévitable, l’amertume, les luttes de libération d’où l’appel au patriotisme. Ce signe est repris par le symbole de la détermination porté par le point fermé qui vient rappeler le combat des nationalistes africains, cubains, noirs américains et dans une certaine mesure camerounais.

couverture_sursaut_patriotique_ephraim_teka

L’auteur porte une invite au lecteur à travers les 160 pages de ce donner-à-lire aux peuples africains pour la destruction/construction des jalons de sa libération. Une espèce d’ordonnancement du chaos. Certes, l’action se déroule en Centrafrique dans une lutte d’alternance au pouvoir, des coups d’états, de couardise, de luttes d’intérêts, mais cette métonymie de la partie pour le tout porte sur l’Afrique, objet de machination de l’occident et d’hommes puissants qui dans l’ombre tire les ficèles de l’échiquier ou encore distribue les cartes au détriment des véritables bénéficiaires : le peuple.  Le cri de l’auteur est assimilable à un réveil matin d’où l’expression du sursaut qui rappelle une forte somnolence de son personnage principal Joseph Minkoulou ayant passé la majeure partie de sa vie au sein d’une manufacture ; espace urbain et industriel servant de camp tranché aux acteurs de la destabilisation de la Centrafrique. Ce cri pluriel retentit également au sein de la diaspora centrafricaine à Amsterdam qui vient secourir l’économie de cette terre riche tant dans son sous-sol que dans son sol.

Ephraim Leka se présente réellement comme un auteur confirmé dont le nom s’inscrit en lettres majeurs dans la jeune littérature camerounaise. Un style alerte, vif et poignant vient rappeler la complexité du sous genre romanesque qu’il manie avec dextérité. C’est désormais une voix littéraire avec laquelle il faut faire, précurseur d’un autre type de polar où les questions politiques demeurent au cœur des problématiques. Il est aussi cet auteur missionnaire qui s’inquiète de l’avenir de son Afrique et interroge la force de la diaspora africaine, le rôle de la cour pénale internationale comme instance judiciaire, l’applicabilité de la démocratie en Afrique, les politiques agraires facteurs inaliénables de tout décollage économique pérenne. Autant de thèmes posés sur la table de nos réflexions.

L’auteur constate enfin que la Centrafrique n’a jamais véritablement connu le même destin pacifique que plusieurs autres Etats.  Certains personnages tendent à s’identifier à la longue liste d’hommes qui se sont succédés à la tête de la Centrafrique : Barthélémy Boganda, David Dacko, Jean-Bedel Bokassa, le Général André Kolingba, Ange Félix Patassé, François Bozizé, Michel Djotodia. Que manque t-il donc à la Centrafrique pour se relever, pourrait-on s’interroger avec l’auteur ? Des hommes ? De l’ambition ? Un instinct patriotique ? C’est au cœur de toutes ces réflexions qu’Ephraim Leka nous plonge dans les rues de Bangui avec des personnages presque réels, dans l’unique but d’exhorter tout un peuple à un véritable SURSAUT PATRIOTIQUE.

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