CENTRAFRIQUE : QUI VEUT SE PASSER DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE ?

A force de focaliser sur elle ces derniers temps, toutes les discussions politiques, les rencontres et les débats les plus importants en Centrafrique, les Centrafricains en viennent à se demander comment faire pour approcher, connaître et surtout s’adresser directement à cette communauté internationale, qui donne de sérieux maux de tête à chacun et à tous.
L’on se souvient qu’en avril 2014, au sujet de la relocalisation de plusieurs centaines d’habitants de certains quartiers de Bangui – principalement des centrafricains de confession musulmane -, décidée sans aucune concertation par certaines agences humanitaires internationales, au moins deux des membres du gouvernement des technocrates de l’ancien premier ministre Nzapayéké, soutenus par des populations en colère, avaient publiquement manifesté leur incompréhension et signifié leur désaccord par rapport au comportement de la communauté internationale.
A la veille du forum de Brazzaville sur la crise centrafricaine qui s’est déroulé du 21 au 23 juillet 2014, l’on a eu droit à des empoignades verbales entre deux camps adverses : d’un côté, se trouvaient les adeptes de la solution internationale – ceux qui étaient prêts pour partir dans la capitale congolaise -, et de l’autre côté, les « souverainistes », c’est-à-dire ceux qui tenaient coûte que coûte à ce que cette rencontre de Brazzaville se tienne sur le sol centrafricain.
Depuis plus de deux semaines en effet, la Présidente de la transition, Cathérine Samba-Panza, soutenue par son cabinet ainsi qu’une foule de centrafricains, a engagé une véritable partie de bras de fer avec la communauté internationale. Elle vient de remporter la bataille il y’a une semaine, en décidant de nommer le premier ministre de son propre choix, Monsieur Mahamat Kamoun. Mais la guerre déclarée à la communauté internationale, risque d’être longue et coriace
Ce qu’il convient de mentionner tout de suite, c’est que dans ces différentes prises de positions en faveur ou non de la communauté internationale, les acteurs ne sont pas toujours les mêmes et du même côté, dès que le sujet de discussion et les intérêts en jeu changent.
Schématiquement, l’on peut dire que pour Brazzaville en juillet dernier, Samba-Panza, la Séléka, les Antibalaka et leurs « partisans », étaient pour la communauté internationale, tandis que Ziguélé et les « siens », s’opposaient à cette communauté internationale.
Aujourd’hui, s’agissant de la nomination du premier ministre et surtout de la formation d’un nouveau gouvernement, Ziguélé, la Séléka et les Antibalaka – du moins une partie de ces milices -, font appel à la communauté internationale et au Médiateur Sassou-Nguesso. Face à eux, Samba-Panza et son équipe de la présidence, sont plus que jamais déterminées à faire preuve de souveraineté, et à prouver leur indépendance en allant jusqu’au bout de leur logique, celle de mettre en place l’équipe gouvernementale.
Cependant, cette communauté internationale dont on parle tant, qui est-elle, qu’est-ce qu’elle représente, d’où vient-elle, pourquoi est-elle ici présente, et que fait-elle en Centrafrique ? Quand, comment, et pourquoi faut-il tantôt être avec elle, tantôt contre elle ? Ce sont là certainement des questions que le Centrafricain lambda se pose, et auxquelles ceux qui sont souvent amenés à prendre position dans un sens ou dans un autre, ont l’obligation d’y apporter les bonnes réponses au lieu d’embrouiller tout le monde.
Et s’il m’était donné d’en placer une, je répondrais sur trois points :
1- Pourquoi la communauté internationale est-elle présente en RCA ?
Parce que toutes les fois que n’importe où dans le monde se déclenchent des tueries, crimes contre l’humanité, génocides et autres exactions, ces infractions dérangent la tranquillité et menacent par leur mauvais exemple la vie même du monde. Dès lors, elles deviennent toutes des problèmes internationaux et nécessitent en fin de compte l’intervention de la communauté internationale; parce qu’en Centrafrique, des crimes « contre l’humanité », des viols, pillages organisés et autres exactions n’en finissent pas. Pour essayer de les arrêter, la communauté internationale est obligée d’intervenir. Parce que ce sont les Centrafricains qui ont fait appel à elle.
2- Pourquoi la communauté internationale se mêle-t-elle de la conférence de Brazzaville, de la nomination du premier ministre et d’autres problèmes ?
Parce que « qui paie commande ». Or en RCA, c’est la communauté internationale qui fournit les hommes, les moyens matériels, et tout l’argent nécessaire, y compris celui qui sert à payer les salaires de Samba-Panza et des membres de son gouvernement, ainsi que ceux des autres fonctionnaires.
3- Que faire pour se libérer de l’emprise de la communauté internationale ?
Les Centrafricains doivent prouver qu’ils ont les capacités politiques, intellectuelles et financières pour pouvoir se prendre totalement en charge. Or la vérité c’est que nos dirigeants n’ont que leur bouche pour parler et tromper le peuple.
C’est aussi simple que cela ! Et l’on n’a pas besoin de faire des marches, de plastronner et de tenir des propos indécents pour s’attirer la sympathie du peuple !
Mais au-delà de ces questions du citoyen ordinaire, il semble de plus en plus inévitable et souhaitable, que la communauté internationale très impliquée en RCA, en accord avec les différentes composantes de la société centrafricaine qui prennent part activement aux différents débats sur la transition, engagent une réflexion collective. Ainsi, ils pourront arriver, à la lumière des textes qui régissent la transition, à fixer un cadre idéal minimum, pouvant leur permettre de traiter des questions spécifiques relatives à l’implication de la communauté internationale. Pour cela, les puristes du droit, devraient reconnaître et accepter au préalable et de manière consensuelle, que des entorses sont susceptibles d’être portées à certaines dispositions juridiques importantes, de manière ponctuelle, adaptée et limitée aux sujets traités.
Au demeurant, on peut souligner de plus en plus dans les débats et échanges entre Centrafricains, notamment sur les réseaux sociaux, une forte propension aux propos et discours « indépendantistes et souverainistes » à la mode. Ils ne relèvent à mon avis, que d’une simple coquetterie politico intellectuelle bon marché. Car au fait, l’argumentation souvent avancée pour soutenir les points de vue des « nationalistes centrafricains égarés », donne presque toujours à croire que le peuple n’a pas à se plaindre de ses dirigeants, qui eux par contre peuvent se livrer à toutes sortes de dérives. Du coup, tous ceux qui s’aventurent à défendre, mais surtout à argumenter et démontrer les raisons et le bien fondé d’un choix, d’une proposition ou suggestion conformes à ceux de la communauté internationale, doivent s’attendre généralement, à se voir traiter de valets de l’impérialisme, suppôts du néo-colonialisme ou asservis à la race blanche. A tous ceux qui se croient obligés de tenir ces propos sans élégance, que grand bien leur en fasse.
Mais jusqu’où compte aller cette RCA des poussées spectaculaires, des déclarations présidentielles sans lendemain, des embrassades publiques hypocrites, des barouds d’honneur déshonorants et des bras de terre qui se risquent sans méthode à croiser des bras de fer ?
Qui veut se passer de la communauté internationale ?
« Placé entre les pompiers et le feu, je refuse absolument d’être impartial », comme dirait Churchill.
Guy José KOSSA
GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social
Commentaires
0 commentaires



