Tribune de A.Pakoua

OÙ VA LE CENTRAFRIQUE, QUEL AVENIR POUR LE PAYS ?

BOGANDA est mort, le CENTRAFRIQUE est devenu EMPIRE, les SELEKA sont passés, on nous a parlé de PARTITION du pays.

Nous sommes allés voir les Nganga du CONGO, les Marabouts du SENEGAL, du NIGERIA et du MALI, et nous sommes revenus pour consulter les génies pygmées de l’OUBANGUI-CHARI pour leur demander pourquoi ce pays des Bantous, ce territoire d’Afrique Centrale avait tant de mal à se donner une identité, à s’affirmer en tant que NATION au même titre que les autres nations du monde, partout où nous sommes passés, on nous a assené la même réponse :

« Monsieur, ne vous étonnez de rien. Le CENTRAFRIQUE, ce pays pour lequel vous vous acharnez à savoir pourquoi il est si tumultueux, est un pays blessé, un territoire blessé, où l’on utilise le sparadrap, la rustine comme le diraient beaucoup d’autres, pour soigner les gangrènes. Le pays est blessé depuis l’époque coloniale. Il est blessé depuis le 1er Décembre 1958 et ses blessures se sont transformées en gangrènes depuis le 13 Août 1960, sans que ses habitants se plaignent de leurs douleurs ou feignent de les ressentir.

Les gangrènes se sont ensuite transformées en cancer, avec l’ouragan de la SELEKA qui a soufflé sur le pays pour lui anéantir ou lui supprimer une bonne partie des organes vitaux. Si vous ne remontez pas l’histoire depuis l’époque coloniale, pour refaire le chemin parcouru par le pays afin d’en connaître les écueils et les périodes de haute et basse température, et saisir les raisons et les éléments perturbateurs de ces variations atmosphériques, sociales et géographiques, vous tournerez toujours en rond, vous repartirez toujours au point de départ, vous ferez souvent deux pas en avant, pour ensuite reculer de trois ou quatre. Votre pays est un territoire où l’on utilise le sparadrap pour soigner les gangrènes ».

Il se réveilla tout d’un coup et réalisa que ce qu’il venait d’entendre tenait d’un cauchemar et non d’une scène de la vie courante. Pourtant les dates et les noms n’avaient rien de cauchemardesque. C’était bien de son pays qu’il s’agissait.

Les Marabouts, les Nganga et les Génies lui avaient dit la même chose. Ils lui avaient demandé de remonter l’histoire pour savoir ce qui s’était passé à l’époque coloniale. Ils lui avaient demandé de remonter l’histoire pour savoir ce que ses parents avaient vécu le 1 Décembre 1958. Ils lui avaient demandé de chercher à savoir ce qui s ‘était passé entre 1958 et 1959 et pourquoi l’une des premières catastrophes du pays avait lieu le 29 Mars 1959 . Ils lui ont demandé de chercher à savoir par lui-même, à travers ses propres analyses, la voie que devait emprunter son pays pour arriver à bon port. Il fallait qu’il le sache par lui-même, car de là dépendait son avenir, l’avenir de sa progéniture et celui de son pays tout entier.

Des exactions avaient été commises sur son peuple, des traitements inhumains lui avaient été infligés, des êtres humains avaient été déplacés, déportés contre leur gré, des tortures ou des assassinats avaient été étouffés ou présentés dans l’emballage d’accidents de toute nature et nés de l’imagination humaine, des hommes de paille, des marionnettes dansant au rythme de la voix de leur maître avaient été exhibés au peuple comme des génies doués de faculté extraordinaire pour le représenter, des hommes ayant surgi comme de nulle part ont été exposés sous les projecteurs d’officiers autochtones ou cosmopolites publicitaires, pour imposer leur diktat ou demander la partition de son pays, sans en avoir la moindre légitimité. Certains les ont écoutés et leur ont accordé le crédit qu’ils ne méritaient pas, pour la simple raison qu ‘ils avaient des armes, défendaient des intérêts privés et qu’ils pouvaient multiplier davantage les exactions qu’ils avaient déjà réalisées et qui rivalisaient en horreur avec les actions les plus extrémistes enregistrées dans les annales de l’histoire humaine.

Mais que faire ? se demanda-t-il, après avoir pris conscience de l’ampleur de la tâche à accomplir.

«  Remontez votre histoire, prenez-la et analysez, explorez-la, étape par étape, en essayant de comprendre les causes qui ont produit les effets qui se sont répétés. Vous ne pourrez vous en sortir que lorsque vous aurez compris ce qu’il faut faire, pour éviter la reproduction de ces mêmes causes, et lorsque vous aurez compris que tous les choix qui seront faits pour corriger les expériences passées et expérimenter de nouvelles, le seront en tenant compte de ces résultats, qui seront approuvés et adoptés par le plus grand nombre de vos congénères. »

Il eut ce cauchemar, quelques jours après que le forum de BRAZZAVILLE eut tiré ses rideaux, à un moment où les partis politiques, haletant comme des chiens en quête de voir les urnes germer dans tous les coins du pays pour recueillir les voix de la victoire, s ‘agitaient pour se lancer dans une campagne électorale dont l’issue était incertaine, bougrement incertaine et où l’avenir de tout un territoire était engagé, vachement engagé, mais où il était bien difficile aux Nganga, aux  Marabouts et aux Génies de la forêt bantoue, de prédire quelle silhouette sortirait des boîtes électorales.

Adolphe PAKOUA

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