Libre opinion

LA VOLONTE POLITIQUE ET LA COMPÉTENCE SUFFISENT-ELLES A FAIRE DÉPLACER LES MONTAGNES ?

Par Martial ADOUMBOU

Bien que la transition conduite par Madame SAMBA-PANZA n’ait pas permis de créer les conditions d’une sécurisation de notre pays et d’un retour à la paix, je ne peux me satisfaire des critiques et des attentes irréalistes de certains compatriotes à l’égard de la Présidente. Je pense que nous nous focalisons sur “l’inaction ou l’incompétence” des uns et pas assez sur les acteurs de ce conflit. Ce qui conduit à des analyses erronées de ce qui se passe chez nous. Dans la situation complexe de la Centrafrique, il est urgent d’engager une approche plus réaliste des évènements.

Notre pays traverse une crise économique et sécuritaire catastrophique et confuse. Je ne nierai pas les responsabilités de la Présidente Catherine SAMBA-PANZA dans la conduite de cette transition.

D’abord, elle est issue de la branche séléka et à ce titre, elle aurait pu nous épargner la présence dans son cabinet du fou furieux Monsieur Jean-Jacques DEMAFOUTH, un homme qui a été à la tête d’un mouvement politico-militaire, un groupe armé. Un individu tellement assoiffé de pouvoir qu’il vendrait son âme et celle de notre nation pour devenir président. Sa présence dans ce cabinet me fait croire sans aucun doute qu’il est l’initiateur des tactiques nébuleuses pour empêcher le pays d’aller aux élections le plus tôt possible.

Ensuite, un cabinet pléthorique de 27 membres comporte plusieurs dangers : conflits d’intérêts, déséquilibre ethnique au sein de l’équipe, poids administratif et financier important, etc. Dans un contexte budgétaire catastrophique, l’économie devrait être de rigueur. Elle récompense peut-être ainsi des amis de longue date.

Enfin, j’ai l’impression que sa transition n’a pas réussi à mettre en mouvement une pédagogie de la crise. Entre l’affaire “Angolagate” et les soupçons d’achats des villas au Cameroun et en France, les centrafricains ont le sentiment que certains se goinfrent éhontément et mènent grasse vie au détriment des familles endeuillées. L’opinion centrafricaine ne comprend pas comment la Présidente de Transition, son fils, les membres de son cabinet et les membres du gouvernement de Monsieur KHAMOUN, du CNT paraissent s’enrichir soudainement alors que le pays subit des exactions, des meurtres, le chaos. A ce jour, aucun document n’a été présenté pour apporter des précisions et des réponses sur la gestion de ce don angolais. Leur capacité à détourner des dizaines de millions de FCFA n’est plus à démontrer.

Mais le jour viendra où un audit sera fait concernant la période transitoire. Le pays aura besoin d’une véritable césure par rapport aux précédentes gestions. Il suffit de demander aux fils BOZIZE, un bien mal acquis…Jamais.

Le peuple centrafricain a donc le sentiment, a tort ou à raison, qu’il n’y a pas un pilote dans l’avion Centrafrique. D’où les nombreuses critiques souvent virulentes à l’égard de la Présidente et de son équipe, de son fils ou pout faire simple, de son clan.

Cependant, nous avons tendance à traduire la complexité du conflit centrafricain par un soit disant incompétence des autorités de la transition. Nous avons tous ce mot à la bouche. D’ailleurs toute la classe politique est taxée d’incompétente. Ce raccourci plombe et ferme le débat, nous empêche d’aller plus loin dans nos réflexions.
Mais la volonté politique et la compétence suffisent-elles toujours à elles seules à déplacer les montagnes ?   

A moins de rêver d’une société où triompherait la pensée unique, nous ne pouvons pas imputer l’échec de cette transition uniquement à Madame SAMBA-PANZA et son équipe. Il faut analyser avec rigueur et dans les détails les obstacles et les blocages liés à cette transition. Nos prises de position sont souvent réalisées en fonction de nos intérêts individuels, ce qui fausse le débat. Aucun acteur – la présidence ne fait pas exception – ne contrôle entièrement l’ensemble du système mis en place par la séléka et les antibalaka dans ce conflit.

Madame Catherine SAMBA-PANZA a été élue à la tête d’un pays sans Etat, gouverné par des seigneurs de guerre, miné par des violences et des divisions ethnique, politiques et confessionnelles profondes. La situation financière s’était effondrée déjà au temps de PATASSE, puis BOZIZE et DJOTODIA, laissant les gouvernements exsangues et incapables de sauver une économie déjà moribonde. Le pays ne disposait plus de forces de défense et de sécurité capables de maintenir l’ordre et la sécurité. La situation sécuritaire était très dégradée, il pesait sur le pays la menace d’une partition. Un pays sans institutions dans lequel s’affrontent plusieurs fractions politico-militaires et milices armées. On craint désormais une sommalisation de la RCA.

Aux nombreux obstacles en apparence matériels, aux infrastructures inexistantes, s’ajoutait le problème des armes lourdes en libre circulation dans tout le pays. Elle a donc hérité un pays comateux, dont l’encéphalogramme est plat, au bord de l’implosion, un pays sous tutelle de l’ONU.

La situation est tellement complexe que seule la compétence ne suffira pas à faire face aux débordements des forces non conventionnelles qui essaient par tous moyens de déstabiliser notre pays. Le problème qui se pose, c’est un problème de moyens, d’outils, d’éléments pour enrayer les violences. La compétence est définie comme « la capacité d’un sujet à mobiliser, de manière intégrée, des ressources internes (savoirs, savoir-faire et attitudes) et externes pour faire face efficacement à une famille de tâches complexes pour lui », mais faille-t-il encore que le sujet puisse disposer de moyens, d’outils, d’éléments pour accomplir ces tâches. Nous demandons à Madame Catherine SAMBA-PANZA de creuser un puits avec ses mains ou ses dents, de jouer de son charme pour stopper les forces du mal. Elle n’y arrivera probablement jamais. Sans une Armée républicaine comment réaliser le désarmement ? Comment combattre les forces voyous séléka et antibalaka ? Le Président HOLLANDE que d’aucun qualifie de “mou”, d’incompétent, a su trouver les moyens dont dispose l’Etat français pour mettre hors d’état de nuire les frères KOUACHI. L’Armée est appelée en renfort dans le cadre du plan Vigipirate en France. Donc même en étant pas “mou” et incompétent, on peut quand même agir efficacement du moment où les moyens sont mis à disposition. L’Armée burkinabée avait réagi de manière intelligente pour écarter le Général DIENDERE et sa bande. En Tunisie, le Général Rachid AMMAR s’était portant garant de la révolution tunisienne. Chez nous les forces de défense et de sécurité n’existent pas. Nous pouvons être au moins d’accord sur ce point pour affirmer que la Présidente Catherine SAMBA PANZA est démunie face aux forces des voyous séléka et antibalaka.

Madame Catherine SAMBA-PANZA voulait au début de son mandat réarmer les forces armées centrafricaines. C’était le vœu des membres de la transition et de la population centrafricaine. Mais elle se rend compte aujourd’hui que la plupart des FACA agissent en coulisse pour BOZIZE.
Elle envisage de reconstituer une Armée républicaine. Malheureusement les promesses d’engagement de la communauté internationale pour le rétablissement de cette armée républicaine se heurtent à des délais de procédure toujours trop longs.

Le décaissement des fonds tarde à se mettre en place. C’est peut-être un problème de crédibilité vis-à-vis de nos autorités dû à l’Angolagate ?  Mais, la communauté internationale doit revoir ses priorités en Centrafrique. Elle doit, en même temps que l’organisation des élections, restituer très rapidement une armée républicaine centrafricaine pour stabiliser le pays. Car sans stabilité dans un pays en proie au chaos, aux nombreuses forces non conventionnelles, l’issue du conflit sera très difficile à déterminer.

Il s’agit pour nos autorités et la communauté internationale de neutraliser Nouredinne ADAM et ses hommes qui sèment la terreur dans nos territoires ainsi que BOZIZE et ses troupes qui terrorisent la population centrafricaine. Nous, citoyens, nous opposer chaque fois que nous le pouvons à BOZIZE, DJOTODIA, NOUREDINNE et tous ceux qui manipulent une partie de notre jeunesse à commettre des actes odieux sur nos populations. Il n’ y a pas très longtemps BOZIZE donnait des directives à certains miliciens antibalaka :

https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=4&cad=rja&uact=8&ved=0CDcQFjADahUKEwjt0oCj3tPIAhVL0YAKHcntBOM&url=http%3A%2F%2Fwww.alwihdainfo.com%2FRCA-Un-enregistrement-audio-demasque-Bozize-et-les-Anti-Balaka_a10065.html&usg=AFQjCNH43jDiJmWrAldUI9JIR8kbcpYczw.

BOZIZE qui ne digère toujours pas son éviction forcée du palais de la Renaissance essaie à travers ses miliciens qui ont infiltré les antibalaka pour la requête du pouvoir. Certains chefs rebelles de la séléka, qui ont gouté au pouvoir continuent de mobiliser leurs troupes disséminés un peu partout dans le pays.

Je récuse donc l’idée d’utiliser très facilement contre les autorités de la transition le terme “tous des incompétents”. C’est tellement facile !

Nous ne pouvons pas continuer d’imputer l’échec partiel ou total uniquement aux autorités de la transition. Notre pays nage en plein Oubangui infesté de “talibi” et je ne vois pas l’ombre d’un navire venant à sa rescousse. La communauté internationale nage au milieu des “talibi” sans les détruire en sachant pertinemment que nos autorités manquent de moyens pour mettre fin aux agissements des “talibi”.

Ayons de la mémoire. Notre combat ne doit pas seulement être dirigé contre Madame Catherine SAMBA –PANZA. Il doit être mené contre tous les criminels qui poussent nos jeunes, nos soldats, nos enfants à tuer. Ce sont eux les vrais coupables.

Je reste persuader, comme la Présidente de la République, que la résolution du conflit centrafricain nécessite de « donner un mandat plus robuste aux forces de la Minusca pour un désarmement complet et immédiat des forces non conventionnelles ». En France, pendant la chasse aux frères KOUACHI, nous avons vu la puissance des unités du GIPN, du RAID et du GIGN pour dégommer ces terroristes. Les moyens avaient été mis à la disposition de ces hommes pour retrouver très rapidement les deux terroristes. La Présidente Catherine SAMBA-PANZA n’a aucun moyen militaire pour briser la chaîne des tortionnaires. Donc pour les neutraliser, l’ONU doit redonner un mandat qui va au-delà de la simple protection de la population civile. Ce mandat doit être clair avec un délai précis: ils désarment où le désarmement sera de force. Plus question de discuter. L’ONU doit sonner la fin de la récréation.

Nous devons soutenir nos autorités et exiger de la communauté internationale le désarmement forcé des forces non conventionnelles. Le moment viendra où nous pourrions demander des comptes à Madame Catherine SAMBA-PANZA. Mais l’essentiel au jour d’aujourd’hui c’est le désarmement des forces occultes et la reconstitution d’une Armée républicaine.

Unissons nos forces à celles des autorités de la transition pour réclamer l’usage de la force par la Minusca et la Sangaris contre les bandits de la séléka et antibalaka. Ne nous trompons pas de combat. Le moment viendra où nous demanderons des comptes à l’équipe de la transition sur sa gestion. C’est aussi ça l’impunité.

Martial ADOUMBOU ! 

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