Chronique de GJK

LA GALÈRE SERAIT-ELLE DONC LE SALAIRE DU FONCTIONNAIRE CENTRAFRICAIN ET SA RETRAITE UNE MISÈRE EN PERSPECTIVE ?

Par GJK

Parmi toutes les familles Centrafricaines de vos connaissances, chers compatriotes, nul doute qu’il vous serait difficile de trouver une longue liste d’anciens fonctionnaires de l’état qui, après de « bons et loyaux services » rendus à la nation, ont le bonheur de jouir paisiblement des droits convenables, inhérents à la disponibilité résultant de l’arrêt définitif de toute activité professionnelle. Je veux parler ici, des fonctionnaires toutes catégories confondues qui, une fois admis à faire valoir leur droit à la retraite, vivent actuellement à l’abri des plus petits besoins fondamentaux et qui, bonheur mérité, peuvent même se permettre de temps à autre, des loisirs inhabituels qu’ils n’avaient pu s’offrir, alors qu’ils étaient à l’époque très accaparés par la famille et la profession.

Personnellement, de cette catégorie de fonctionnaires centrafricains retraités, j’avoue ne pas en connaître beaucoup. Cependant, si je devais donner quelques noms de personnes en fin de carrière et en disponibilité définitive apparemment aisée et apaisée, je les trouverais plutôt ailleurs pour la plupart :  soit qu’il s’agisse des « anciens » passés par certaines fonctions internationales, soit ceux qui se sont reconvertis dans des activités professionnelles indépendantes et libérales, ou soit tout simplement, ceux qui bénéficient au crépuscule de leur vie, d’un « retour sur investissement » réalisé dans l’encadrement et l’accompagnement éducatif de leurs enfants qui ont socialement réussi, et tiennent à témoigner une certainement reconnaissance vis-à-vis de leurs parents.

Qu’il me soit permis, chère lectrice ou ami lecteur, à la faveur de la présente réflexion sur les salaires des fonctionnaires centrafricains, d’apporter le témoignage personnel que voici. J’ai été intégré dans la fonction publique centrafricaine en 1985 à l’âge de 22 ans. De ce que je sais, c’est pratiquement vers la fin de l’année 1990 et le début de l’an 1991, que les arriérés de salaires ont pour ainsi dire, (re)commencé à se faire sentir très sérieusement. Et depuis lors, chaque régime, chaque président centrafricain passé à la tête du pays, est venu trouver – de la part de son prédécesseur -, et laisser presque naturellement à son successeur, une ardoise de plus en plus salée d’arriérés de salaires, lesquels s’accumulent au fur et à mesure que les années passent. Ainsi, de Kolingba hier à Samba-Panza aujourd’hui, en passant bien sûr par Patassé, Bozizé et Djotodia, la RCA n’a fait que s’engluer et se perdre dans les dédales de la mauvaise gouvernance.

Que l’on veuille poser la question aujourd’hui à n’importe quel fonctionnaire centrafricain, je serais vraiment étonné qu’il soit à mesure de dire avec exactitude le nombre de mois d’arriérés de salaires que lui doit l’Etat centrafricain. Soit dit en passant, la RCA est le seul pays au monde où les fonctionnaires ont même renoncé – malgré eux -,  de réclamer à l’Etat des sommes qui leur sont dues au titre des salaires. Mieux, les arriérés sont devenus à la limite si normal, qu’un Premier Ministre peut annoncer aujourd’hui deux mois de salaire – parce qu’il est convaincu pour une fois qu’on peut réellement payer deux mois -, et le lendemain, une Présidente décide pour son plaisir – ou pour faire « chier » le monde -, de ne donner qu’un seul mois. Et tout cela n’émeut personne, ni ne pousse les fonctionnaires eux-mêmes dans la rue !

Mais à trop faire des promesses qu’ils ne peuvent pas honorer, et à force de considérer les Centrafricains comme des figurines animées, Samba -Panza la Présidente de la transition et son premier Ministre Kamoun, comme deux larrons en foire déjà très peu crédibles et sans autorité, risquent bientôt de déclencher à cause de leurs mensonges répétés, des situations sérieusement incontrôlables.

De tous les chefs d’Etat centrafricains, aucun n’a vraiment jamais voulu s’engager, ne fut-ce qu’en vertu du principe de la continuité du service public, à assumer et assurer ce que l’Etat doit aux fonctionnaires depuis 1990. Du reste, il faut dire que tous les agents de l’état n’ont pas toujours été logés à la même enseigne. Pendant que la plupart se plaignaient, certains privilégiés trouvaient moyen de s’ingénier et s’arranger à avoir des facilités et des solutions détournées au niveau des caisses du Trésor. De même, profitant de la confusion et du fait que « nul n’est censé ignoré qu’il existe des arriérés de salaires en RCA », beaucoup de malhonnêtes « billeteurs » ou agents payeurs de l’époque – avant la bancarisation -, avaient trouvé moyen de s’enrichir sur le dos d’honnêtes commis de l’état, en leur faisant souvent croire que les salaires n’étaient pas versés alors qu’ils avaient les sommes à disposition. A cela s’ajoutent le salaire des fonctionnaires décédés qui ont continué à être perçus.

Tout compte fait, en admettant qu’un jeune demandeur d’emploi fut intégré dans la fonction publique centrafricaine en 1991 à l’âge de 28 ans, il totaliserait à ce jour 23 ans de carrière et aurait 51 ans d’âge. En d’autres termes, depuis que notre compatriote est devenu fonctionnaire au service de l’état centrafricain, il n’a connu que des arriérés de salaire de sa vie. Imaginez donc le reste : cycle infernal d’endettement, impossibilité d’assurer une scolarité convenable aux enfants, de nourrir, vêtir, construire une belle maison et loger sa famille décemment. Et comme chez nous le salaire du travailleur est aussi celui de la belle famille, des parents et autres oisifs qui refusent généralement de comprendre qu’un fonctionnaire – rien que ce substantif –, soit dépourvu d’argent, alors, bienvenue les scandales et crises familiales avec toutes les conséquences qui s’ensuivent.

Dans neuf (9) ans exactement, c’est-à-dire en 2023, notre fonctionnaire de mon exemple ci-dessus et qui a aujourd’hui 51 ans, en aura bien 60, soit l’âge d’admission à la retraite. Ce qui est sûr, ce n’est ni le régime actuel de transition – et sauf miracle – , celui qui va lui succéder, qui pourront offrir au pauvre fonctionnaire en quelques années, les conditions d’une vie et d’une retraite idéale que 23 années de vie professionnelle n’ont pas pu lui offrir.

Tout bien considéré, comment imaginer et demander au fonctionnaire centrafricain moyen de se soucier de préparer sa retraite alors même que le repas quotidien au niveau de sa famille reste une gageure ?

Au demeurant, les dirigeants centrafricains ayant pris l’habitude de ne pas faire des salaires leur priorité, se mettent eux-mêmes en difficulté : l’employeur qui ne paie pas de salaire à son travailleur, ne saurait exiger de ce dernier des prestations pourtant obligatoires, moins encore le sanctionner. Son autorité est amoindrie. Et puisque c’est le travail qui produit l’argent, quand il n’est pas effectué, l’argent n’entre pas non plus. C’est la quadrature du cercle. Pourquoi travailler à plein temps et vivre dans la misère ?

Plus que tous les autres régimes, celui de Samba-Panza et de Kamoun a bénéficié des appuis financiers ponctuels du Congo, de l’Angola, de la Guinée équatoriale, et il reçoit depuis plusieurs mois, les apports permanents de la banque mondiale et du PNUD. Comment expliquer que les autorités de la transition n’arrivent-elles pas à mobiliser à titre de complément, environ 650 millions de F CFA d’apport budgétaire national pour payer les salaires ?

Enfin, un fonctionnaire mal payé, et pire, pas du tout payé, devient très vulnérable et donc facile à corrompre, bien que cela n’explique pas de manière absolue tous les ressorts de ce fléau finalement toléré et même encouragé à tous les niveaux en RCA du fait de l’impunité.

D’ailleurs, au moment où je m’apprête à boucler le présent article, je découvre que le Conseil National de Transition qui avait tenu à interpeller le gouvernement à propos du don angolais, vient d’officialiser sa décision de ne plus mettre en place la commission d’enquête parlementaire, à laquelle cette institution donnait l’impression d’y tenir tant. De qui se moque-t-on?

Ainsi va donc notre République bananière tropicale de l’Afrique centrale !

Décidément, la Centrafrique rend fou !

Guy José KOSSA
GJK – L’Élève Certifié

De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô

Penseur Social

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Un commentaire

  1. Comment pourrait-il en être autrement puisque CSP porte son boulet par le détournement en partie du don angolais, le CNT porte le sien par les dons congolais et soudanais. Ils se tiennent tous par la barbichette.Et que dire lorsque le Proconsul Malinas s’y mêle??? Pauvre RCA!!! Il n’y a personne dans ce monde qui soit du côté du peuple et du triomphe de la transparence sinon que le peuple lui même.
    Le CNT, ce machin des vendus de la République devra tout aussi être balayé comme ses complices de l’Exécutif et rejeté dans les combles des bannis de l’histoires. Plus vite il disparaîtra, mieux il en sera pour la RCA.

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