ANALYSE CRITIQUE DES DISCOURS DES AUTORITES DU GOUVERNEMENT : DE LA RECHERCHE PERMANENTE D’UN BOUC EMISSAIRE A LA MECONNAISSANCE DES MOTIVATIONS REELLES DU PEUPLE CENTRAFRICAIN

Par Paul-Crescent BENINGA
Les récents évènements qui ont défrayé la chronique, aussi bien sur le plan national qu’international, ont été différemment appréciés par des acteurs politiques centrafricains. La divergence des points de vue s’explique par l’influence du lieu à partir duquel chaque acteur a perçu les évènements. Toutefois, au regard de la gravité de la situation, il devient, dès lors, nécessaire que les autorités en charge de la transition fassent abstraction des opinions afin de poser objectivement un diagnostic susceptible de frayer une piste de solutions durables.
Au grand dame des observateurs politiques nationaux, et, sans surprise aucune pour nous analystes sociopolitiques, les discours qui ont été tenus par des autorités de la transition ont pour but de chercher un bouc émissaire. Ainsi, les anciens dignitaires des régimes défunts ont été accusés à tort ou à raison. L’objectif qui est mienne dans cette analyse n’est pas de déconstruire une accusation aussi sujette à débat qu’elle soit. En revanche, cette accusation a, sans doute, constitué une entrave à la recherche de la vérité. Assurément, les autorités de la transition ont délibérément confondu le ras le bol d’un peuple abandonné à son triste sort à la tentative d’une récupération politique.
En effet, il apparait très facile de mettre en lumière la responsabilité des anciens dignitaires des régimes passés. La mobilisation du peuple centrafricain à la suite des tueries est l’expression d’un ras le bal, y en a marre, trop c’est trop, rien à perdre, bref, d’un désespoir. Seulement, une mobilisation spontanée et non structurée pourrait déboucher sur des dérives et des récupérations politiques. L’infiltration des militants de certains partis politiques à l’instar de ceux du KNK peut être assimilée, à tort ou à raison, à une tentative de récupération politique. Toutefois, cette lecture ne doit pas être exclusive dans la mesure où ces militants sont également des centrafricains et ont le droit de manifester leur mécontentement. Bien entendu, cela n’empêche pas qu’il y ait une tentative de récupération politique. Seulement, il y a lieu de préciser que cette dernière n’est pas le mobile premier de la mobilisation observée, encore moins des tueries.
Il ressort de cette recherche permanente d’un bouc émissaire la méconnaissance des revendications du peuple centrafricain. Aujourd’hui, le peuple centrafricain est au bord du désespoir au point qu’il ne discerne pas les moyens d’expression. C’est dans ce sens qu’il importe de comprendre certains actes de pillage et de violence qui ne sont que l’expression de difficiles conditions de vie marquée par une absence totale de sécurité aussi bien sur le plan alimentaire, physique que morale.
L’environnement socio-anthropo-politique de la RCA est tel que la violence et le vandalisme deviennent les moyens par excellence d’expression du peuple. L’affirmation de soi se fait par le biais de la violence, la survie oblige les jeunes à s’adonner à des actes aussi condamnables que sont le pillage, la violence physique, l’assassinat, etc.
Au regard de ce qui précède, les autorités de la transition doivent faire une lecture qui assume les réalités socio-anthropologiques de l’environnement centrafricain afin d’éviter toute polémique qui constituera une entrave à la gestion de cette fatidique transition.
Paul-Crescent BENINGA
Chercheur en Sciences Politiques
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