Libre opinion

ABDICATION PROVERBIALE D’UN PARLEMENT DE TRANSITION DANS SA MISSION D’ECHAFAUDAGE DU DEVENIR COMMUN EN CENTRAFRIQUE

Par Gervais Douba et Orphée-Douaclé Ketté  ([1])

La démolition de la cohésion sociale en République Centrafricaine  par les marteaux-pillons  de la Séléka et des antibalaka, depuis bientôt trois ans, est entrain,  d’être  achevée par la confrontation insidieuse de deux marteaux-piqueurs ; le tandem Catherine Samba-Panza et Alexandre Ferdinand Nguéndet.

Le tandem s’était  arrogé  le sacerdoce  de sauver l’Etat en Centrafrique de l’apocalypse menaçant. Ils se sont vus pousser des ailes  en se croyant ; narcissiquement  capables – par l’affichage de volonté de puissance de l’un vis-à-vis de l’autre- de restaurer la République et l’Etat. Ils croyaient avoir reçu l’onction  des mains -de nous ne savons quelle divinité – l’injonction de sauver ce pauvre  territoire exsangue  mais maintenu sous dialyse par le déploiement de nouvelles forces du maintien de la paix  des Nations unies et les généreuses ONG. Le projet du forum de réconciliation nationale  piloté par l’un et l’initiative malencontreuse de rédiger, dans la précipitation une constitution  par l’autre ; constituent à nos yeux d’analystes, le coup de grâce donné à la dalle, par ces deux marteaux piqueurs et  révèle  comment l’attelage ne sait rien  des attentes  des populations meurtries et du peuple en désarrois et errant.

Nous ne récusons pas les pouvoirs de ces « Souverains » et « autocrates » de la Transition  d’aggraver et d’amplifier l’anomie pathologique qui détricote l’histoire des institutions Centrafricaines  mais la convocation du forum et la rédaction précipitée d’une constitution sont des choix politiques erratiques et plus qu’’hasardeux. AFN a poussé  la République dans le vide, a fait avec la République un saut dans l’inconnu, sans filet de sécurité, sans parachute. Même si les Centrafricains sont frappés d’amnésie généralisée, ils ne peuvent- à ce point -oublier que  le cirque qui se joue manque particulièrement d’acrobates aguerris  et des bêtes dressées pour. Pour mémoire, nous assistons à du  déjà vu dans l’histoire des mœurs et pratiques politiques en Centrafrique ; dont le plus récent est le tristement célèbre DPI. Bozizé a été capable  de mettre en scène un dialogue ronflant, folklorique et méprisant  par rapport à la défense des intérêts élémentaires de l’Etat.  Sa majesté Catherine de Centrafrique aurait été nommée Présidente du Comité de suivi des résolutions. Cette autocrate en puissance  a tellement fait de bonnes préconisations,  qu’aujourd’hui  la suite se passe de commentaire.

La même ; aujourd’hui à la tête de l’Etat, concocte un forum dit de réconciliation nationale ; aussi pompeux sinon plus folklorique pour amuser la galerie extérieure et justifier de ses émoluments. Le gouvernement bicéphale qu’elle préside, parcourt le pays pour aller prêcher et disséminer la démagogie. Si cette fille était sérieuse, elle n’userait pas des mêmes ingrédients que ceux du DPI. Elle aurait fait de ce forum, la fabrique de nouvelles de légitimité et de légalité, lesquelles serviraient de référence à l’architecture de la nouvelle constitution. Le forum se tiendra-t-il ? Que peut attendre la nation de ce forum en termes de valeurs de progrès ?

Pendant que  CSP gesticule, AFN et ses aristocrates bricolent  dans leur hangar une constitution bâtarde, sans filiation idéologique, ne visant la guérison d’aucune des pathologies, qui ont ensanglanté les populations. Les aristocrates du CNT et leur chef de file ne se  sont pas  rendus  compte, que cette constitution fait office de marteau-piqueur, dont ils se servent pour terminer la démolition de  la dalle, qui tient encore debout. Cette constitution est toxique, cancérigène  pour ce qui représente le concept de Nation.  Pendant que l’autre se livre à son jeu favori de grande messe et de carnaval folklorique, AFN sort de son chapeau- tel un magicien- une constitution, qui n’est rien d’autre qu’un empilement  anachronique des articles de la déclaration universelle des droits de l’homme du 8 décembre 1948 et ses différents protocoles.

L’un et l’autre travaillant, chacun  dans sa tour d’ivoire et ne se préoccupant de construire ni rempart ni digue ; c’est-à-dire le socle  de  valeurs communes et les principes- guides, pour éviter qu’à l’avenir, d’autres  violentes et dévastatrices  inondations ne viennent envahir les esprits et le territoire.  Le  cirque CSP-AFN n’est rien d’autre que la diversion en rhétorique  politique et en stratégie militaire.  Au lieu de déconstruire le mur de l’Etat dont les fissures ont servi de repaires aux cafards et autres brigands, ils se contentent de « ravaler » les façades, de badigeonner les mêmes troncs d’arbres et prétendent qu’ils introduisent du changement. L’un agite les foules assoiffées de justice élémentaire, sans se mettre à leur  service,  pendant que  l’autre  dévoie et bifurque  les attentes et les prérogatives de la nation. La constitution- dans le contexte qui est le nôtre, appelle une entreprise de déconstruction ; ce qui implique d’ailler  à contre – courant   pour  ensemencer  les  germes de profonds changements.

Postulant – dans une démarche de plaidoirie de rupture – on devrait reconnaître au forum des attributions d’assemblées pré-constituantes. Fort d’une telle logique, les rencontres, qui ont lieu devraient servir à récolter des doléances ; à identifier les représentations qu’ont les populations des pouvoirs et de l’organisation de l’Etat,  les principales attentes et aspirations  des représentants des régions quant aux mœurs et pratiques ne faisant pas société jusqu’alors. Ensuite, initier et impulser  des dynamiques nouvelles   pour faire émerger  la nation,  fixer son ancrage  et donner de nouvelles orientations à l’Etat.

Ainsi, CSP-AFN passant le pouvoir au nouveau Président de la République et au nouveau Président d’une authentique et nouvelle Assemblée nationale,  remettraient ; chacun en ce qui le concerne la charte de la nation comme plateforme d’une Assemblée constituante. La dynamique de déconstruction implique l’élaboration d’une constitution fondée d’une part sur un rejet des mœurs et pratiques de la société fermée actuelle  et orientée vers une société ouverte.  La souveraineté et l’inaliénabilité de  l’Etat  étaient à part entière. Depuis trois ans, cette souveraineté est désormais entièrement à part. La République Centrafricaine est réduite à n’être que  la sous- région de la République du Congo et de celle du Tchad. La souveraineté entièrement à part au sein de la CEMAC  a transformé l’ancien Territoire de l’Oubangui-Chari en territoire entièrement à part et d’une vulnérabilité extrême. Or, le jeu auquel se livrent le tandem  CSP-AFN est une manœuvre de dévoiement de cette souveraineté. La constitution dans sa mouture actuelle est une façon, pour CSP-AFN de préempter les prérogatives de la nation et de ne même pas mettre en gestation la nation. Fort de ce postulat, nous émettons deux observations :

La première raison : L’un ; CSP organise, non sans folklore, la réconciliation  dite nationale avec les deux gouvernements pléthoriques dont elle est la seule  tête  et au Palais de la Renaissance et l’autre, d’apparence dirigé par Kamoun.

D’une part, le forum, qui aurait dû  être l’occasion, pour le peuple de se donner de nouvelles bases, à la fois de légitimité et de légalité en termes d’organisation de pouvoirs ne remplit nullement son rôle ; qui plus est, tarde à se tenir.  Le forum ne s’étant pas encore tenu-  ce qui devrait constituer la trame de la nouvelle constitution n’est pas encore restitué, à partir de quelle base la constitution a été rédigée. Selon des analyses dignes de foi d’une parlementaire Canadienne, en dépit du déploiement de nouvelles forces de maintien de la paix des Nations unies, la violence s’amplifie, le territoire n’est ni sécurisé ni désarmé ( [2] ).

D’autre part, sa Majesté Alexandre Ferdinand Nguéndet  concocte une soit disant « Constitution », qui – en toute logique – devrait  être la résultante des travaux du forum, la clé de voûte de la consultation nationale.  AFN et sa citadelle d’aristocrates sont supposés constituer un Parlement ; les défenseurs du peuple et des intérêts de la Nation face à une Présidente de Transition.

Force est de constater que le conflit, qui entre dans sa troisième année, a ébranlé, voire déraciner plus de 2,7 millions civiles ; c’est-à-dire comportant les déplacés ; attendant de l’aide, engendrer près de 500 000 réfugiés dans les pays voisins que sont le Tchad, le Cameroun, le Congo Démocratique, le Soudan du Sud et la République du Congo. Si on fait le calcul, 3200 000 Centrafricains sur les 4. 900 000 que compterait la République sont déjantés, n’ont ni toit ni repères. Il reste 1700 000 dont on n’est sûre de rien puisque  6 000 sont des enfants-soldats enrôlés de forces par des forces et groupes armés, tant du côté Séléka que du côté Anti-balaka.  La démolition  a relégué le pays au rang des Etats en déroute à l’instar de la Syrie, du Soudan du Sud, de la Somalie ; à lire l’article de la Parlementaire Canadienne ([3] ) comme si la qualification de pays pauvres très endetté d’avant les hostilités ne lui suffisait pas. Le Centrafrique a été transformé en incubateur de violence sous toutes ses formes et, en pays exportateurs ; non de mains d’œuvre mais des miséreux, des pommés . Voilà l’état pitoyable du théâtre de confrontation insidieuse entres les autocrates CSP-AFN.

Une constitution ne se résume pas à compiler et de façon désordonnée  les articles de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Une constitution n’est pas qu’un alignement de  techniques juridiques. Elle est d’abord  l’expression de la philosophie politique d’une Nation ayant fait naître un Etat. Dans le contexte de l’histoire des institutions des pays d’Afrique au Sud du Sahara, l’Etat a vu le jour avant la Nation et devrait se donner pour « New deal », pour défi de bâtir la Nation sur la base de deux pactes ; l’un social servant de socle de valeurs communes à l’autre ; le pacte républicain. L’étendue des dégâts humains et matériels générés par les trois ans d’un conflit innommable devrait servir de fondement et de fondation à l’édification de ce « New deal ». Malheureusement le jeu de CSP et  AFN, renforcé par l’anémie politique des partis de l’opposition traditionnelle – ne peut être qualifié que de  jeu éminemment dangereux. Le premier joue avec le mot « population » et le second avec le mot « peuple ».

L’un va les galvaniser avec une démagogie, qui n’a d’équivalence nulle part et l’autre sort de son chapeau,  une constitution sans légitimité, ni historique, ni anthropologique ni sociologique. Une constitution d’un degré de toxicité redoutable. Ce jeu s’appelle la diversion en stratégie militaire et en rhétorique politique. Cette diversion cache des intérêts et ambitions politiques d’une  telle  mesquinerie, qu’on comprend les raisons de la montée des pouvoirs des puissances tutélaires régionales ; le binôme Sassou – Déby.

Nous appelons les organisations centrafricaines militant pour le progrès de la démocratie et les droits humains a exploré tous les recoins de cette constitution et à exiger  de la clarification sur cette logique acéphale de piloter  la « Transition ».

AFN et CSP ne connaissent ni l’insécurité ni la peur. Bien qu’ils vivent et se déplacent quasiment dans des « bunker » ambulants, au lieu de partir des impacts de la crise sur le pays, la population, ses aspirations, ses intérêts humains et territoriaux pour échafauder d’abord le forum,  et en seconde phase trouver une traduction constitutionnelle aux résolutions, qui en sortiront, ils semblent ostensiblement manquer d’inspiration et de vision dans cet échafaudage du destin commun.  Au lieu de  s’entendre pour passer un compromis historique avec l’opposition dit démocratique, les forces et groupes armés, ils s’ingénient à des compromissions historiques dans leurs propres intérêts. Le forum et la constitution bâillonnent les populations et selon la formule consacrée, peut être mis en scène de la façon suivante : « Bien que vous soyez des compatriotes, pour l’avenir du pays, circulez, y a rien à voir. »

Si les deux  nous m’autorisent à revisiter le diagnostic dont ils sont les auteurs, nous leur dirions  que contrairement à leur diagnostic, la République Centrafricaine est secouée par le cyclone des mœurs et pratique du pouvoir ; c’est-à-dire ce qui fait la marque de fabrique de la culture politique en Centrafrique. Les pratiques professionnelles et politiques n’ont guère  reposé,  ni sur des socles de valeurs communes, ni sur le paradigme de « faire- société ». Dit autrement les gouvernements et parlements successifs ont eu pour préoccupations majeurs , la construction et la défense des castes. Les événements , qui nous déchirent, ne sont que la résultante des frustrations, qui se sont cristallisées. Si nous pouvons nous permettre un conseil à ces aristocrates, le peuple est davantage sujet de droit que objet de leur affect et nous leur crierons haut et fort «  Votre constitution est bâtarde ; sans filiation idéologique digne de ce nom et, est  potentiellement conflictogène ; d’où le concept de constitution toxique . »

Deux transitions en moins de vingt ans. La première chaotique, dirigée par le tandem Bozizé- Tianguaï et la seconde ; la plus toxique ; dirigée  par le tandem d’autocrates CSP-AFN.

La deuxième raison  est une inspiration d’origine Africaine. A quelques exceptions près les ingrédients dont la combinaison ont provoqué l’incendie la plus dévastatrice en coûts humains et en tribut économique est par nature comparable à ce qui s’est produit en Tunisie ; une crise causée par l’incurie des institutions héritées des indépendances à faire naître une société plurielle où l’économie de rente dénie la possibilité d’existence à l’économie informelle de subsistance.

Le jeune commerçant ambulant, qui s’était immolé, a révélé l’excès de l’arbitraire, des institutions, qui fonctionnaient pour elles-mêmes et autour d’elles-mêmes et en totale déconnexion avec les réalités socio-économiques qu’elles étaient supposées protégées.

Le mépris total des intérêts humains et territoriaux de proximité, malgré la violence et la brutalité de changements sociaux, qu’impose la mondialisation a déclenché l’indignation du peuple et de la Nation Tunisienne. Or, alors que la Tunisie  entreprend tant bien que mal sa métamorphose institutionnelle à partir de la Nation et du paradigme de faire- société ; pacte sociale ; socle du pacte républicain, rejet radical de passe-droit par toutes les organisations de la société civile et des partis politiques progressistes, les souverains autocrates de la transition en Centrafrique renouent purement et simplement, qui plus est, dans la précipitation avec les mêmes ingrédients porteurs de germes tout aussi  accidentogènes que vertiginogènes.

Sans faire d’insulte à personne, l’analyse ou l’exploration attentive de l’architecture actuelle de cette  Constitution toxique est un chemin à cul de sac. On y décèle aucune  valeurs de progrès et d’émancipation, de mise en perspective d’une Nation ; le New deal mais un renforcement à tout point vue des pouvoirs de l’Etat et uniquement de l’Etat ; lequel est en déliquescence avancée.  Une constitution, qui devrait être le reflet du forum est rédigée et imposée comme telle avant la tenue du forum et les travaux du forum !

Question à 5F CFA : A quoi servira  le forum  en termes d’objet et d’objectif ? Qui utilisera cette constitution ? Combien coûtera le forum au Trésor public (Pardon, ma langue a fourché) ; à la Caisse de Connivence de ces Majestés CSP-AFN ?

 Voilà des jeunes élites ; CSP et AFN, auxquelles l’histoire de leur pays  a donné l’opportunité en or d’être au service de la République  (Nation et Etat) blessée mortellement par les accidents de l’histoire, et qui ratent lamentablement cet éléphant dans un étroit couloir. A défaut de trouver une direction crédible pour le pays, ils sont dans des insidieuses confrontations. La conjonction des événements a mis devant eux, un boulevard bordé d’un côté par :

  • Une opposition dit démocratique  devenue  inaudible, désemparée  et constamment en panne de projet de société. L’opposition a manqué en son temps, l’occasion de poser la première angulaire de la construction de la Nation. Pour elle et les organisations de la société civile qui la soutenaient, le projet de nation est dans l’angle mort de la réflexion.

Et de l’autre par le comportement global de la diaspora :

  • Les éléments de la diaspora en Europe et ailleurs, leur font la cour à coups d’obséquiosité et d’allégeance, pour entrer dans une des castes et profiter de la sinécure. Se croyant nantis d’esprit de sacerdoce, de  dévouement, pour sauver l’Etat de l’apocalypse, ces justiciers se sont auto-désignés et ont pris le chemin d’une  exode  massive, pour aller éclairer les autocrates en puissance. C’ aurait été mieux si de telle démarche  était le corollaire d’une utopie ou d’un idéal. Malheureusement  ce n’est ni l’un ni l’autre. C’est plutôt le triomphe de l’allégeance, de l’obséquiosité aliénante et de la fascination du pouvoir politique.  Se réclamer appartenir à la diaspora de France, d’Europe ou  d’Amérique du Nord est une sorte de label ; [CSP elle-même a revendiqué son appartenance à la diaspora lors de son message téléphonique adressée à une partie de la diaspora de France le 14 Février 2015 ] une sorte de clé d’entrée  dans les castes. Ainsi dit-on  que tous  les  jours les prétendants ou aspirants vont chercher  le sésame-ouvre- toi , qu’est le décret des nominations . C’est ainsi que Bozizé a rempli  son carquois à  la Présidence de la République de chargés des missions. C’est ainsi aussi que CSP et AFN remplissent leurs cabinets de ministres-conseillers.

Les plus pourfendeurs des anciens dirigeants se reconvertissent et deviennent des procureurs généraux des principes et pratiques qu’ils avaient honnis. Vive l’ère de la dictature éclairée en Centrafrique…

Ainsi, malgré ce grand boulevard, auxquels  nous venons  de faire allusions, CSP et AFN   trouvent le moyen d’échouer. Ils n’ont qu’une force ; penser pour cette  nation meurtrie,  l’injurier, la vexer et l’humilier surtout quand elle réclame les arriérés de salaire.

Des 47 potentiels candidats aux futures élections, le patriote désireux de doter la République Centrafricaine  d’institutions adaptées et inébranlables, la débarrasser des luttes de castes et la mettre dans la perspective du 13 Août 2060 ; date du premier centenaire d’accession à la souveraineté internationale,  doit être un bâtisseur de Nation et non un sauveur de l’apocalypse, un arrogant narcissique. L’architecture globale de l’œuvre commune des souverains de la Transition souffre de plusieurs carences dont :

  • le diagnostic sommaire et approximatif de l’incurie de l’Etat ; générateur d’arbitraires,
  • les mesures thérapeutiques instituées pour sortir institutionnellement de la pathologie relèvent davantage du conjoncturelles et sont plus du coercitif que de la délibération de la Nation dans ses rapports avec l’Etat. Le culte de l’Etat centralisé et déconcentré est le moteur, le fil rouge du dispositif. Chose curieuse, pourquoi la notion de citoyenneté est absente de la constitution notamment du Préambule !
  • absence de perspective dans l’organisation des pouvoirs de l’Etat et dans la prise en compte de la lutte contre la pauvreté. L’organisation des pouvoirs demeure identique. La maladie s’est aggravée mais la potion ; l’élixir demeure le même ; c’est du replâtrage d’anciennes constitutions ; les cinq  précédantes.

Nous convenons  qu’il faut une certaine subversion de la réflexion politique et une dose de transgression pour bâtir cette Nation et l’Etat, dans ce pays, une trajectoire de développement. L’horizon réel de travail n’est pas l’après « Transition » mais le repositionnement du  pays dans le concert des Nations à l’horizon 2060 ; avec tout ce que cela induit.

A l’aune des  exigences du regard que nous venons de poser,  nous avons relevé 6 insuffisances à la mouture de cette constitution.

1ère catégorie de manquement : Le préambule aurait dû donner le « La » afin de corriger les maux endémiques des institutions de ce pays ; à savoir le pouvoir vacillant, une souveraineté chancelante mais une Nation résistante.

La crise en Centrafrique a trois dimensions : l’incurie de l’Etat qui a manqué  très longtemps d’offrir des pratiques « faisant-société » généralisant ainsi le terreau des « passe-droits », la dimension absence de référentiel et de filiation idéologique sur le plan politique et dans tous les partis politiques et la dimension « crise des droits humains » . CSP donne au forum le même contenu  que le DPI et assignera aux résolutions du forum ; si résolution il y a, le même sort que celui assigné aux résolutions du DPI, c’est-à-dire résolutions restées lettre morte et auxquelles CSP  a accordé un enterrement de première classe.

Sauf à mettre à la disposition des citoyens les travaux d’exégèse de cette constitution, le préambule d’une constitution est comme le couvercle d’une cocotte- minute.

Si elle n’est pas verrouillée selon les règles de l’art et les normes techniques, on ne doit pas s’étonner de ce qui se passera quand  la cocotte commencera à bouillir. On observe que le préambule de la constitution toxique ; versus CSP-AFN est réduit à un empilement de considérant creux, sans cohérence entre eux et sans distinction entre les socles de valeurs communes et les principes à partir desquels les lois seront élaborées. La volonté de guérir ; [panser]  la République Centrafricaine de la pathologie dont souffrent  ses institutions et l’impérieuse nécessité de lui tracer une trajectoire d’avenir[ penser] ne sont nullement mises en évidence.

Voici quelques exemples :

« Le peuple Centrafricain souverain : Comment s’est exprimée cette souveraineté ? Quand est que le CNT a donné la parole à la nation ? De quelle souveraineté parle-t-on ? De la Souveraineté à part entière ou de la souveraineté entièrement à part ; celle qui est chancelante de façon récurrente et  depuis trois ans au grès de la bonne volonté du binôme Sassou-Déby ; les puissances tutélaires de la région !   Quelle réalité recouvre « Le Zo kwé Zo de Boganda  pour la nation Centrafricaine ; réduit à ne servir que d’allégorie alors que notoirement cette référence a depuis Bokassa reléguée au rang de relique.  Est-ce le socle des valeurs communes dont se reconnaît la Nation ? S’agit-il d’un Principe qui inspirera les lois ? Quelle cohérence donnée à cette allusion métaphysique alors que le « forum » n’a même pas manifesté les valeurs constitutives de pacte social et de pacte républicain ?

« Le travail opiniâtre est-il une Valeur ou un Principe » ?

« Déterminé à construire un Etat de droit fondé sur une démocratie pluraliste… »

Dans le Préambule de la Constitution ; versus CSP – AFN, la République Centrafricaine n’aurait connu qu’une crise de l’Etat et non un déchirement de la Nation. Or, il s’agit d’une profonde désinstitutionnalisation. On aurait pu, au moins mettre la doctrine de la Nation comme structurant l’Etat que l’on veut mettre en gestation après la transition.

Pour une Assemblée dont la vocation naturelle est de représenter le peuple, c’est un véritable manquement  et c’est lamentable. C’est une honte pour le peuple Centrafricain. Le regard que le CNT pose sur lui est un regard snobe et d’Aristocrate.

Ainsi, dans le Préambule, on ne remarque rien, en termes de socles de valeurs communes et de principes qui soient  la Centralité. Qui influence quoi ! Les socles de valeurs communes ou les principes ?

Pourquoi ne pas considérer comme faisant partie du Préambule, l’interdiction du phénomène des enfants soldats ? Sur 600 000 enfants-soldats dans le monde, on en compte 6000 en Centrafrique.

Pourquoi ne pas constitutionnaliser le droit d’accès à l’école comme un droit opposable des enfants vis-à-vis de l’Etat et de toute collectivité publique puisque l’école ; au sens générique, système d’enseignement et de formation ;  est la fabrique de l’émancipation de l’individu ?

Pourquoi ne pas constitutionnaliser  la définition de la citoyenneté et de la collectivité publique.

La collectivité publique signifie-t-elle collectivité territoriale ; communes rurales, de moyen exercices,  de plein  exercice et les régions ? Dans ce cas, pourquoi  ne pas constitutionnaliser l’adhésion  de la Nation et de l’Etat aux principes de l’Economie sociale et solidaire comme forme d’activité structurante de l’espace régionale et levier de transformation et d’accompagnement du secteur informel vers le secteur formel marchand classique ?

Sur quel socle de valeurs communes et de principes bâtir l’Etat dit de «droit » et comment rendre accessible au commun des mortels, ce droit alors que l’Etat actuel ne répare guère les préjudices et ne met en œuvre aucun instrument d’évaluation de l’accès des citoyens à la justice notamment dans les zones rurales ?

Nous n’osons  pas aborder la cohérence structurelle du texte au risque d’énerver les procureurs généraux à la culotte courte du tandem.

2 ème catégorie de manquement : La constitution se borne à l’organisation des pouvoirs mais ne les construit pas à partir et autour des intérêts du concept  de citoyenneté.

On ne relève nulle part l’interdépendance entre la personne humaine et le citoyen ; laquelle est constitutive de bases fondamentales de la communauté nationale et de la République. Dans l’article 1er du Tire 1er , on aurait pu constitutionnaliser le citoyen et déclarer– au lieu de se contenter de « reconnaître »  que l’existence et le respect des droits de l’homme et des droits humains sont de véritables rempart et des forteresses ; voire des digues de protecteurs de la Nation et du citoyen. C’est à l’aune de cette déclaration que les lois et règlements s’articuleront.

On ne relève nulle part l’importance et les enjeux de la citoyenneté dans un pays meurtri, où l’on fait le culte du déni de respect des droits élémentaires. Les gens sont le plus souvent surpris d’apprendre qu’ils sont des citoyens. Ceux qui leur causent préjudice ne sont jamais inquiétés par des poursuites judiciaires et l’Etat les maintient en état de résignation alors qu’ils meurent de faim et soif  de justice et d’équité. Ils ne demandent qu’une chose à la nouvelle constitution ; de Constitutionnaliser les réparations des préjudices et l’arrêt de l’impunité de la classe politique.

Enfin, le titre Premier est un véritable fourre- tout : les libertés publiques et les libertés syndicales  sont mélangées aux libertés privées alors que le conflit a fait proliférer les expertises et amateurismes de toutes sortes dont le mélange des natures de  champs d’action entre société civile et partis politiques.

3ème catégorie de manquement : Considérer l’importance de la Nation comme instrument de conduite à termes du socle des valeurs communes et des principes démocratiques en gestation.

La période postcolonial a abdiqué dans l’édification de la Nation, en Centrafrique comme dans de nombreux pays du continent.  Je m’explique : Au lieu de prioriser la structuration des communautés humaines à partir des métiers, on a priorisé la divination des personnages prééminents et vu ces derniers comme étant au-dessus des mortels, de l’ordinaire. Les pratiques initiées par ces humains extraordinaires, immortels sont dépourvues de l’idée de « faire-société » ; de pacte social.

La désinstitutionnalisation a pris ses racines à partir de l’absence de  Nation ; pacte Républicain et  a fait éclater le fragile pacte social. Les communautés centrafricaines se résignent à vivre ensemble. Les fragiles fils du tissu pacte social a été facilement détricoté, effiloché par cette innommable  guerre.

La Nation se construit, s’édifie davantage qu’elle ne se décrète. Elle est le reflet de l’idéal et/ou de l’utopie.

Elle réunit les valeurs et principes constitutifs de l’identité nationale dont l’Etat est le garant.  Cette identité a été foulée aux pieds. On était en droit de s’attendre à ce que CSP-AFN ne s’improvisent pas « marteau piqueur » pour démolir le peu de dalle qui reste, mais mettre leur génie créateur à proposer une Constitution de restauration.

A notre humble avis, au lieu de passer leur temps à organiser des forum folklorique, insipide et à se fourvoyer dans des projets de constitution bâtarde, ils honoreraient la mémoire des morts sans sépulture en faisant traduire en justice Bozizé et Djotodjia.

Comment rebâtir l’Etat sans la nation et sans la forte implication des collectivités territoriales.

4ème manquement : Proposer à la population un maillage constitutionnel  du  territorial du système de sécurité.

Nouveauté des nouveautés en Centrafrique ; le chef de l’Etat n’était-il pas le chef naturel des armées.

Pourquoi le maillage du territoire par le système de sécurité n’a pas été constitutionnalisé ?

Pourquoi ne pas constitutionnaliser le système de sécurité en faisant la distinction entre forces de défense et de sécurité et les forces armées quitte à renvoyer la mise en œuvre par les lois organiques.  Les forces de défense et de sécurité dont l’une des missions est  de protéger les frontières en étaient  absentes. Les frontières sont poreuses.

Pourquoi la question n’a jamais été abordée sur le plan constitutionnel ? L’immunité des métiers des armes est reconnue de fait.

N’est-ce pas l’occasion d’innover par la constitutionnalité de cette remise en cause, des limites à cette prérogative exorbitante de puissance publique des forces armées

5ème manquement : Proposer à la population l’organisation des pouvoirs de l’Etat à l’aune des intérêts humains et territoriaux de proximité et doivent même inspirer la politique extérieure.

Le Titre II du projet de constitution se fout du monde. Quelle différence cette constitution dite « nouvelle »  fait-elle avec  et les cinq constitutions précédentes ?

Sauf à se contredire, la souveraineté est dite « nationale » c’est-à-dire plonge ses racines dans la Nation. Par exemple on parle de Carte Nationale d’Identité et non de Carte Etatique d’Identité.

Toute quête de clarté est vaine dans cette constitution. La République demande au tandem une constitution qui fasse école par son originalité, son caractère insolite en termes de reflet des attentes profondes de la Nation et, invitant l’Etat ; quel qu’il soit, à impulser et initier la défense des libertés et l’insertion dans les échanges internationaux des Régions.

6ème manquement : Rejet du bicaméralisme parce que inopportun et loin de constituer un laboratoire d’expérimentation de la gouvernance locale et de défense de la Nation et des intérêts humains et territoriaux de proximité.

L’introduction du bicaméralisme est la grande nouveauté en Centrafrique. Chapitre 2 du Titre IV.

De loin  nous suggérons la bonne organisation des pouvoirs entre l’Etat et les collectivités territoriales  Titre X et article 114 en lieu et place de l’existence d’un  Sénat.

Ce n’est pas l’absence de Sénat qui a mis le feu aux poudres. Cette institution ne saurait être perçue comme une réponse à la crise. L’empilement des institutions- témoins n’est pas constitutif de rempart et/ou de forteresse pour le peuple centrafricain. Ce mimétisme risque d’éloigner la classe politique de la population et, est de nature et d’effet à multiplier les structures inutilement budgétivores et constitutives de chambres à échos.

Les voies et voix de sortie de crise  ne se trouvent nullement dans la prolifération des foyers de tensions politiques et la duplication des instances avides de capture d’intérêts. La nouvelle constitution  gagnerait à poser les collectivités territoriales sur des socles solides. Proches de la population plus que ne le sont les collectivités publiques et l’Etat, elles sont les vecteurs de propagation des valeurs et principes démocratiques.  Nous souhaitons que la future Constitution énonce clairement les conditions de métamorphose des régions ; qu’elles aient vocation à passer des régions « réceptacles » à l’heure actuelle aux régions «  creusets, fabriques » de la citoyenneté et de la démocratie. Que la future constitution balise le chemin que doit prendre la loi organique en matière des structures de réflexion et d’observation et d’échange de bonnes pratiques inter-régionales dans des domaines comme la représentation et la structuration des entités socio-économiques, les leviers sur lesquels agir pour développer les régions  et leur rapport à l’Etat puis faire connaître la singularité et la diversité des régions.

L’article 114 du Titre X  en ne définissant, ni le rôle ni l’ampleur de la mission de cette institution de proximité sacralise l’abdication des autorités de Transition. Les collectivités territoriales sont les vrais fantassins de la Nation et de la Démocratie. Les régions et les communes ont payé le plus lourd tribut de la crise. Les maires des communes en zones rurales comme en zones péri-urbaines s’acquittent comme ils peuvent de leurs missions. Contrairement aux aristocrates du CNT, nombreux n’ont aucune formation politique et ne sont pas rétribués. Quant aux régions, c’est l’une des coquilles vides.

La décentralisation est regardée en Centrafrique comme ailleurs en Afrique comme l’ennemi de l’Etat, de la déconcentration.

Les prophètes de la bonne gouvernance doivent savoir que les collectivités territoriales sont les excellents laboratoires de cette notion. C’est à partir des collectivités territoriales qu’on chasse mieux la corruption, qu’on organise de façon pertinente  les regroupements villageois et l’inter-villageois.

Les collectivités territoriales devraient également servir de laboratoire d’observation politique et d’ancrage solide des partis politiques.

Conclusion :

Nous ne nous sommes pas cantonnés à la dénonciation. Nous avons avancé sur le terrain de l’énonciation, des propositions et de préconisations. La Nation Centrafricaine est d’abord sujet de Droit et ne saurait être réduite à n’être qu’un objet de droit. Cela revient à dire qu’en matière de constitution, il faut traiter la nation comme elle devrait l’être et il y a de chance qu’elle le devienne et non la traiter comme elle l’est.

Nous en appelons à la sagacité des  compatriotes et les amis de Centrafrique à redoubler de vigilance. L’œuvre commune du tandem CSP-AFN est plus de la poudre aux yeux qu’une constitution  à échafauder et à élaborer  pour sortir de la crise et repositionner la République Centrafricaine reléguée à la périphérie des Nations. Si CSP et AFN étaient des consultants en stratégies, il faut leur retirer leur licence. De même qu’appartenir à la communauté des Centrafricains vivant à l’étranger ne confère pas automatiquement l’habilité et l’habilitation à être femme ou homme politique. La diaspora n’est ni un Label ni une Appellation d’Origine Contrôlée.

Pour terminer, nous espérons  apporter une contribution aux différentes délibérations qui s’ouvrent sur la République Centrafricaine de l’ère post Transition au 13 Août 2060. C’est notre  utopie. Par rapport à cette utopie,  nous nous inspirons  de Platon le philosophe  (vers 427-348 avant J.C.) qui fît écrire au fronton du Campus de l’Académie qu’il avait fondée

«  Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre »

Le plagiant honteusement et dans le contexte des campagnes électorales agitées et en pensant :

  • aux morts sans sépulture ;
  •  aux exilés ;
  • aux déplacés et sans abris ;
  • aux sans voix
  • à toutes les victimes de violation des droits humains ;

Nous sollicitons la tolérance et l’indulgence des lecteurs de cette tribune pour voir écrire au fronton du Campus de la Nation Centrafricaine ceci :

« Que nul ne sollicite le suffrage des électeurs s’il n’est :

  • qu’ancien premier ministre ;
  • qu’ancien diplomate ;
  • que mécano de la politique ;
  • que Professeur d’Université ;
  • que Pasteur  substitut du Christ prophète et rédempteur ;
  • qu’ancien député ;
  • que compatriote … que savons nous encore ! 

La complexité du monde actuel  et la violence  avec laquelle la mondialisation impose des  changements sociaux, appellent le  dépassement d’un charisme ayant pour seul contenu ; sauver la République Centrafricaine de l’apocalypse ».

Gervais Douba et Orphée-Douaclé Ketté

[1])  Les auteurs ont récemment  signé une tribune  intitulée : Lettre ouverte à Mme la Présidente de Transition de la République, réfutant l’adoption de la notion de « forum » comme forme d’organisation de la Réconciliation nationale.

[2]Hélène- Laverdière. Députée NPD de Laurier-Ste-Marie. Huffpost Canada Québec 15 mars 2015

[3]) Evaluation des Nations unies citée par Hélène Leverdière.

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