Grand format de J.Gréla

GRAND FORMAT – CENTRAFRIQUE : « LA GRENOUILLE QUI NE SAVAIT PAS QU’ELLE ETAIT CUITE… »

Par Joseph GRELA

RE-PUBLICATION ARTICLE DU 10/07/2015

La transition centrafricaine cuit lentement le centrafricain. La transition, ce contrat à durée déterminée est devenu élastique. Elle invente des pseudos événements infertiles, improductifs, nombrilistes pour trouver les moyens de se maintenir au pouvoir : les forums de Brazzaville et de Bangui. Et maintenant la course contre un chronogramme intenable sous l’influence de la communauté internationale. Elle se lève, s’active, confond la rapidité avec la précipitation. Elle ment. La transition de madame Samba Panza entraîne le centrafricain dans une vie par procuration. Les objectifs sont fixés : le déploiement de l’autorité de l’Etat dans tout le pays, le désarmement, la sécurité… mais le résultat, décevant.

« Imaginez une marmite remplie d’eau froide, dans laquelle nage tranquillement une grenouille. Le feu est allumé sous la marmite. L’eau chauffe doucement. Elle est bientôt tiède. La grenouille trouve cela plutôt agréable et continue de nager.

« La température commence à grimper. L’eau est chaude. C’est un peu plus que n’apprécie la grenouille, mais elle ne s’affole pas pour autant, surtout que la chaleur tend à la fatiguer et à l’engourdir.

« L’eau est vraiment chaude, maintenant. La grenouille commence à trouver cela désagréable, mais elle est aussi affaiblie, alors elle supporte, elle s’efforce de s’adapter et ne fait rien.

« La température de l’eau va ainsi continuer de monter progressivement, sans changement brusque, jusqu’au moment où la grenouille va tout simplement finir par cuire et mourir, sans jamais s’être extraite de la marmite.

« Plongée d’un coup dans une marmite à 50°, la même grenouille donnerait immédiatement un coup de patte salutaire et se retrouverait dehors ». 

Ce qui se passe en Centrafrique n’est pas étrangère à cette fable d’Olivier CLERC. Elle participe de l’histoire présente du centrafricain.
Le centrafricain cuit lentement mais progressivement, sans brutalité aucune dans la marmite de la présidente de transition, madame Samba Panza. Il ne s’en aperçoit pas. Le Centrafrique est un pays qui ressemble à sa propre chenille qui peine à déchirer son cocon, devenir un papillon et prendre son envol. Madame Samba Panza ressemble à cette vipère, dans la fable de cet auteur, engourdie par le froid, que le centrafricain, bon gré mal gré, et surtout sans avis demandé, a recueillie, a réchauffée avec ses ressources, son peu d’argent, et qui se retourne contre lui-même. Madame Samba Panza engourdit la pensée et la conscience du centrafricain qui finit par se complaire de l’habitude ; cette habitude devenue fatalité ; fatalité permanente et stable ; fatalité véritable seconde nature. Le centrafricain s’installe aussi dans une sorte de continuum, une « suite des comportements instinctifs que nous adoptons depuis notre naissance avec les gens et l’environnement qui nous entourent » selon Jean Liedloff dans son livre, Le concept du continuum aux éditions Ambre, 1975.

Le berceau des bantous soumis, brimé et cuit lentement

Ainsi la transition mène le centrafricain vers des sentiers rocailleux, sinueux et interminables. Or, à l’école indigène de brousse de Bakouté, le maître, dans sa leçon de vocabulaire nous apprenait le mot TRANSITION. Du latin, martelait-il, transitio-transitionis veut dire « passage ». Cette définition devrait être retenue par cœur. Car, ce mot implique, selon ses propres termes, une action courte, brève, éphémère. La transition est donc un passage, une alternance, une brève action intermédiaire, un passage progressif entre deux états, deux situations. En rédaction, assurait ce même instituteur, vous verrez que la transition est un tout petit paragraphe qui apparaît entre les blocs des parties développées.

En Centrafrique, l’enseignement de mon maître est encore trahi. Madame Samba Panza Catherine baptisée Mame Randatou-la-Fée par quelques-uns pour sa distribution d’argent, et sa compagnie ont nié la définition de leur maître. Ils ont déformé la transition ; une transition devenue élastique par la force de la manipulation. Elle s’éternise. Le peuple s’épuise sous le poids des bandes armées et de petits prédateurs. Mame Randatou-La-Fée invente et réinvente des astuces pour s’accrocher durablement, malgré l’impatience subie des populations. Tout le monde est fatigué. Les politiques sont essorés, vidés. Des manipulations dispendieuses et inutiles pour les forums. Celui de Bangui a brillé par son amateurisme et son clientélisme. Chacun a défendu sa parcelle de pouvoir. Pis, chacun s’est campé sur ses intérêts personnels. Les pressions cyniques sur les uns et les autres ont fait voler en éclat le but de la tenue de ce forum. Une feuille de route incompréhensible, illisible, sibylline est née. Madame Samba Panza, comme une déesse sortie de la machine, vit, toujours insouciante, dans ce pays, « berceau des bantous » qu’elle « soumet, brime et cuit » lentement.

Toute chose a un début et une fin. Il faut savoir partir. Des prédécesseurs, arrivés au pouvoir, se sont accrochés ; ils sont partis malgré leur aveuglement.

Le forum de Bangui est terminé. Et quoi encore ?

L’entêtement et l’obstination dans l’échec ne sert qu’aux dictateurs et aux écervelés. Madame Samba Panza, Mame Randatou-La-Fée ne prend peut-être pas conscience de l’histoire de son pays. Elle peine à en faire la réminiscence. Elle peine à se projeter dans la souffrance de ses compatriotes. Oublie-t-elle peut-être son propre passé ! L’Alzheimer a effacé tous ses souvenirs ! Elle campe sur sa propre histoire présente, sur son pouvoir et dénie la situation chronique et incurable du pays qu’elle gouverne, transitoirement.

L’histoire des pouvoirs politiques en Centrafrique n’inspire guère cette dame. C’est « son tour » , celui de ses parents et amis, compétents ou incompétents dans cette transition qui perdure et qui perd tout son sens.

Le peuple est usé, sa voix s’affaiblit. Les chiens n’aboient plus sur la caravane de Samba Panza qui passe. Pauvre centrafricain toujours foulé aux pieds des pouvoirs cyniques. La Centrafrique vit ainsi sur une nouvelle planète dénommée : « Transition, chacun son tour ». Quelques années auparavant, on aurait traduit à la manière d’un ancien régime au pouvoir : « E gbou kakaka, é kpi da ». Entendez, nous ne lâcherons pas le pouvoir jusqu’à la mort. Mais le peuple a eu raison d’eux. Le peuple a toujours le dernier mot. Ces pseudos politiques égoïstes sont quand même partis. Madame Samba Panza mame Randatou-La-Fée qu’on croyait salvatrice, partira. Le pouvoir des hommes est éphémère et surtout celui de Bangui. Démunie, impuissante avec sa cour de résoudre la situation désespérée de Centrafrique, la manipulation demeure l’unique arme contre ce peuple piégé, otage des groupes armés et de sa transition. Samba Panza et sa transition empoisonnent les centrafricains et la communauté internationale.

« Le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas », ainsi parlait Georges Clemenceau

En Centrafrique, les mauvais citoyens sont tranquilles au détriment de bons qui souffrent. La transition ne veille pas sur les bons ; elle est malade, elle tousse, éternue mais ne se soigne pas. Et pourtant les médicaments prescrits par sa population, entendez les aspirations profondes du peuple sont en attente : la sécurité, l’autorité de l’Etat, la justice sociale, les élections libres, transparentes et crédibles comme le réclament la charte constitutionnelle et la communauté à son chevet.

Notre transition n’a aucune componction pour son peuple, aucune marque assurée d’une véritable repentance, aucun regret d’avoir offensé son peuple par ce « comportement anti-national ». Notre transition est prédatrice. Elle cultive un affairisme galopant avec des ressources des centrafricains. Elle accapare le peu d’appareils de production, les richesses naturelles du pays. Cette transition assèche les plumes des compatriotes épris du vrai changement. Leurs stylos accusent des pannes-sèche, manquent de vocabulaires et d’expressions littéraires ou politiques pour qualifier cette transition qui dure et perdure, cette transition qui ne cherche aucune porte de sortie pour céder sa place à un nouveau président issu des urnes ; un vrai président de la République, dépositaire de toute autorité qui procèdera au déploiement du pays sur le chemin de la réconciliation, de la sécurité, du développement. Cette transition s’accroche à la transition et veut se succéder à elle-même, toute seule, sans le peuple. Cette transition n’a plus de substance ni saveur parce qu’elle enfonce dans les soucis, aggrave les maladies, aiguise les épreuves, anéantit les efforts et amenuise l’espérance du centrafricain. Peu importe l’avis des compatriotes. Mame Randatou-la-Fée a son pouvoir. C’est l’essentiel pour elle et ses acolytes, en sourdine, manipulateurs.

La transition ment substantiellement au peuple. Elle annonce les élections, publie un calendrier, probablement, intenable, un chronogramme chimérique. Qu’à cela ne tienne. La transition souffre de l’amateurisme et d’un agrégat de plaisanteries puériles : se moquer des centrafricains. Le peuple centrafricain n’est ni un jouet, ni une poupée Barbie entre leurs mains. Il faut ramer, manœuvrer dans le même sens que les aspirations du peuple.

A titre de rappel, madame Samba Panza est aux manettes de la transition depuis janvier 2014, soit 18 mois actuellement. La feuille de route limpide qui lui a été remise est tout simplement oubliée. « Le pays n’est pas sécurisé pour permettre la circulation des candidats » susurrent les observateurs. Les transporteurs sont encore accompagnés par la minusca ou les sangaris. Ce constat autorise la réflexion suivante : Les élections n’auront, peut-être, pas lieu dans certaines localités dites insécurisées où la présence de l’Etat et des candidats risque d’être considérée comme une provocation par les « mauvais citoyens », profiteurs et petits chefs aux lois intransigeantes et prédatrices à la limite des règles religieuses.

Si, madame Samba Panza échoue, ce sera, pour elle, une échappatoire « La transition a proclamé des dates pour les élections. La communauté internationale n’a pas tenu sa promesse financière ». Ce qui justifiera ou ne justifiera pas sa mauvaise foi. L’échec sera comptabilisé au détriment de la communauté qui l’accule… qui lui a imposé les élections très éloignées de la réalité du terrain. Le caméléon, qu’elle est, épousera la couleur verdoyante (celle de l’espoir), attrayante pour endormir les politiques et certains compatriotes.

Le centrafricain doit-il attendre les conditions de sécurité ou en créer pour se libérer ?

La paraphrase de la pensée d’Olivier Clerc est édifiante : Le centrafricain est capable de créer les conditions de s’arracher par lui-même à l’inertie ambiante, endormante pour provoquer, déclencher le changement auquel il aspire.

Alors, centrafricain, ne te laisse pas cuire lentement dans la marmite de madame samba Panza. Comme une chenille, extraie-toi du cocon pour prendre ton envol.

Joseph GRÉLA
L’élève du cours moyen
De l’école indigène
De brousse de Bakouté

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