Chronique de GJK

RCA : JE MENS DONC JE GOUVERNE

« Le mensonge est la seule et facile ressource de la faiblesse. »(Stendhal)

En Afrique de l’Ouest, on dit souvent du menteur notoire, que la seule vérité dont il soit capable, se limite aux mots « bonjour ou bonsoir ». Dès qu’il commence à dire « comment ça va», attendez-vous à ce qu’il finisse sa phrase par une contre-vérité.

Faut-il tromper le peuple pour son bien ? Voilà par ailleurs, la question que pose, sur un mode satirique, le livre « L’Art du Mensonge en Politique », attribué tantôt à Jonathan Swift, tantôt à John Arbuthnot et dans lequel il apparaît clairement que « l’art du mensonge politique est en effet l’art de faire croire au peuple des faussetés salutaires, pour quelque bonne fin ». Aussi, pour que le mensonge soit véritablement un art, il faut notamment :

  • le soustraire à toute vérification possible ;
  • ne jamais outrepasser les bornes du vraisemblable ; 
  • faire varier les illusions à l’infini ; 
  • rationaliser la production des contrefaçons politiques en instituant des sociétés de menteurs.

En Centrafrique, il est clair que Madame Samba-Panza, la Dame de Paix en pagne couleur verte, a beaucoup de mal avec la vérité. Et quand il lui arrive de laisser s’échapper de sa propre bouche, des sonorités creuses qui s’apparentent à des paroles vraies, elle peine naturellement, à leur donner corps et vie, être et mouvement. Tout aussi paradoxalement, quand la Présidente de la Transition qui se rêve Présidente de la République, se mêle de mentir au peuple comme chaque fois qu’elle veut lui adresser un message, elle le fait de manière si éhontée, de façon si grossière, comme qui dirait, c’est tout de fil blanc cousu. Pour tout dire, Nzapa-Panza, qui ne dit jamais la vérité, ne sait même pas mentir en plus. Des exemples sans expression artistique de mensonges présidentiels, en voulez-vous ?  Florilège en voilà. A commencer par la déclaration faite par Mère Pagneuse, suite au drame de l’Eglise de Fatima du  28 mai 2014 :

« Je demande donc aux forces de défense et de sécurité de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que toute la lumière soit faite sur ces événements de Fatima et que leurs auteurs soient traqués jusque dans leur dernier retranchement pour être traduits en justice. J’instruis par ailleurs la Sangaris et la MISCA d’apporter tout l’appui nécessaire à la police et à la gendarmerie Centrafricaines pour qu’elles fassent aboutir rapidement les procédures déjà engagées dans tous les cas similaires et dans le cas particulier de l’église de Fatima .»

Entre nous soit dit. Demandez à n’importe quel gamin Centrafricain de moins de 5 ans, combien des fois a-t-il entendu de tels refrains et surtout s’il peut encore y croire. D’ailleurs, toutes les autorités centrafricaines semblent en faire autant. A cet effet, et avec votre permission, je voudrais adresser ici, mes sincères remerciements à cet ami inconnu qui a bien voulu poster hier sur facebook quelques « éléments de langage », de ce qui devrait s’appeler désormais « Dictionnaire des plus belles expressions mensongères en politique centrafricaine » :

  • La lumière sera faite
  • Une enquête est en cours
  • La justice a ouvert une enquête
  • une enquête est d’ores et déjà ouverte pour que la justice soit rendue
  • Les auteurs seront recherchés
  • Nous sommes sur des pistes, assure le procureur
  • Une enquête judiciaire a été ouverte. Elle suit son cours
  • Charnier à Bangui: le procureur optimiste sur l’avancée de l’enquête

A ajouter  depuis le 30 mai 2014 :

  • Les auteurs seront traqués jusque dans leur dernier retranchement pour être traduits en justice
  • J’instruis par ailleurs la Sangaris et la MISCA
  • Pour faire aboutir rapidement les procédures déjà engagées
  • Il y a désormais une lueur d’espoir
  • Nous sommes sur la bonne voie et qu’avec l’appui acquis de la communauté internationale

Pour en revenir à notre discours, s’il vous plaît, lisez ce qui suit :

« Nous avons la chance que grâce aux efforts accomplis depuis le 20 janvier 2014, la communauté internationale est fortement mobilisée à nos côtés et qu’il y a désormais une lueur d’espoir pour que nous voyions très bientôt le bout du tunnel…100 jours de mon exercice de pouvoir, je vous ai dit que nous étions sur la bonne voie et qu’avec l’appui acquis de la communauté internationale, nous devons avoir confiance en l’avenir». 

Et nous voici ainsi installés une fois de plus, en pleine autoglorification insensée, où le pire des échecs se nomme réussite et la réussite ici a pour nom Samba-Panza.

Elève, je lisais souvent des phrases du genre « le pouvoir rend fou, et le pouvoir absolu rend absolument fou ». A cette époque, il ne pouvait me venir à l’esprit d’imaginer qu’un jour  je serai dans l’obligation d’affirmer et d’écrire à propos d’une Présidente en Transition : l’ivresse du pouvoir rend vraiment arrogante ; et l’arrogance au pouvoir, rend plus que sourd et aveugle.

S’il vous plaît, Madame la Présidente et  Madame la Présidente, s’il vous plaît. Sauf respect de ma part, dites-nous comment oser, comment concevoir et laisser écrire noir sur blanc, plus est, dans le texte d’une adresse à la Nation, justifiée par d’intolérables meurtres crapuleux; comment oser dire donc « qu’il y a désormais une lueur d’espoir pour que nous voyions très bientôt le bout du tunnel », quand tout le monde sait que ce deuil vient s’inscrire sur une longue liste ouverte de tragédie nationale, qui ne s’est jamais estompée malgré l’avènement de la seconde transition, et la présence des forces internationales ?

Comment vous prendre au sérieux, Madame la Présidente, quand le 30 mai 2014 vous annoncez :« Je prendrais toutes les dispositions pour que le désarmement tant demandé se fasse partout y compris dans les  3ème et 5ème arrondissements de Bangui, afin de permettre une libre circulation et un meilleur contrôle de tous les quartiers de Bangui ». Aussitôt, les jeunes de Lakouanga et des autres quartiers vous ont applaudi et se sont mis à balayer et à mettre de l’ordre dans les endroits qui ont souffert après leur marche de la veille. Le 31 mai 2014, des étrangers auxquels se sont joints certains Centrafricains musulmans, conscients d’entretenir  depuis des décennies au km5 plus qu’une poudrière digne d’une armée nationale, lancent envers vous des menaces claires. Et voilà que le 1er juin 2014, profitant d’une visite aux rescapés du carnage de Fatima, vous faites preuve de rien moins qu’une reculade ahurissante en ces termes «le désarmement ne se fera pas dans le désordre. Il faut que ce soit organisé avec la Misca, Sangaris et les forces de défense intérieure pour mettre en place un programme qui en même temps protège les populations. Il n’est pas question d’arriver, de boucler les 3e et 5e arrondissements, de désarmer et de laisser les populations à la merci de ceux qui voudraient venir les attaquer». Autant dire qu’il faut demander aux uns et aux autres leur permission et à quelles conditions ils veulent être désarmés. Dans un passé récent, les choses s’étaient passées avec fermeté et dureté, quand il s’était agi de faire rendre gorge aux habitants des quartiers Boy-Rabe, Gobongo, Fouh.

Madame la Présidente Samba-Panza, Chef suprême des armées, comment lutte-t-on contre ce que vous vous plaisez à appeler la « guérilla urbaine » ? Depuis combien de temps vous nous lassez avec des rengaines du genre « nos Forces Armées Centrafricaines pour lesquelles les discussions sont bien avancées avec la communauté internationale qui commence à comprendre nos préoccupations ?» Vous-entendez-vous parler, quand vous dites aux oreilles des Centrafricains ces mots qui sonnent faux de « ma ferme détermination à ne reculer devant rien pour défendre mon pays ?» Souvenez-vous  qu’à « vaincre sans péril, on triompher sans gloire ».

Chers compatriotes et lecteurs, tout ce que j’ai noté ci-haut, ressort exactement du discours prononcé le 30 mai 2014 par Madame Samba-Panza la Présidente. Et s’il faut ajouter à cela toutes les fourberies, les promesses non tenues, les paroles creuses et l’absence totale du moindre résultat visible en matière de sécurité, on peut dire que la Centrafrique a vraiment fait un grand bond qualitatif depuis plus de trois mois ! N’empêche ! L’on veut en plus nous précipiter déjà dans la pré-campagne électorale, non seulement à travers le pagne du sang et de la honte, mais en ne manquant désormais plus aucune occasion de rappeler et faire valoir un bilan dont l’actif réel  équivaut à nul et le passif à « toujours plus sang, de larmes et de cadavres ! »

Décidément, en RCA , JE MENS DONC JE GOUVERNE

GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social

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Un commentaire

  1. Et OUI! SAmba Mbana fait danser la samba à sa manière…On éructe des fariboles pour endormir les esprits surchauffés et le le lendemain ,on fait deux pas en arrière… et on revient au statu quo
    C’est peut être sa version de la danse Mbana NA Mbana qu’elle apprend aux centrafricains habillés en pagne estampillé DAME DE MASSACRE , pardon j’ai voulu dire DAME de PAIX
    Les bras m’en tombent!

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