Analyses et réflexions

L’INGRATITUDE DES VIVANTS

Par GJK

« J’étais ce que vous êtes, vous serez ce que je suis ».

À elle seule, cette épitaphe anonyme abusivement attribuée souvent à Corneille, vaut dix mille campagnes d’évangélisation, des centaines de milliers d’oraisons funèbres, 1000 millions de traités métaphysiques sur la vie et la mort.

Ite missa est. Allez-y la messe est dites !

Me permettriez-vous, chers amis lecteurs, en cette période de fêtes et de réjouissances entre deux années, de vous inviter à avoir une petite pensée pour tous ceux qui ne sont plus.

Pour ma part, je me souviendrais encore longtemps, de nos juvéniles virées nocturnes hyper arrosées d’antan. Surtout, des « comptes-rendus d’activités » auxquels nous nous livrions les lendemains matins des nuits chaudes de Bangui, assis à deviser à l’ombre d’un manguier – ou à nouveau dans un « nganda » (vente à domicile) du coin. C’était alors, que nous nous autorisions des plats de bouillon de poisson ou de pattes de bœuf bien pimentés, accompagnés de quelques bouteilles de bières glacées, à ingurgiter en guise de « dose d’équilibre », laquelle finissait souvent en « dose de déséquilibre éthylique ».

Et c’est pendant ces moments de causeries légères d’autrefois, qu’un des amis de mes connaissances, « grand viveur » devant l’éternel, et comique à plein temps, avait l’habitude de nous raconter de ces petites histoires à mourir de rire. Il disait par exemple notamment à propos de la mort :

;« Vous savez les gars, moi, de la mort j’en ai vraiment pas peur à vrai dire. Mais simplement, le fait de penser que si je meurs un jour, vous allez continuer à faire la bamboula, à festoyer, à manger, à boire et à danser sans moi et sans penser à moi…hum ! Franchement, je ne vous dis pas les gars !».

Aussitôt dit, il repartait de l’un de ces éclats de rire dont il avait seul le secret.
Voici que le destin jaloux, a voulu qu’il fût de ceux de notre génération à partir dans la fleur de l’âge. Et c’est à tous ceux-là que je pense à chaque fois qu’il m’arrive de chantonner « LE VIEUX JO » (https://www.youtube.com/watch?v=RGKwWnSncXQ) :

« Ils ne sont plus les beaux jours de l’amitié

Tous mes amis ont quitté les cotonniers
Ils sont partis au pays du grand repos
J’entends leurs douces voix chanter: eh oh! vieux Joe.
Me voilà, me voilà, tout brisé par les travaux
J’entends leurs douces voix chanter: eh! oh! vieux Joe. »

« J’étais ce que vous êtes, vous serez ce que je suis ».

Sans aucune intention de jeter la moindre once de tristesse sur ces jours de joie et de réjouissances que nous vivons depuis plus d’une semaine, qu’il me soit permis néanmoins de m’interroger :

Combien de vivants – que nous sommes tous encore à titre temporaire -, ont-il vraiment pensé à célébrer – d’une manière ou d’une autre -, ces différentes fêtes de fin d’année, avec amis, parents, et connaissances, tous ceux qui aujourd’hui habitent la terre qu’ils n’ont pas choisi d’ habiter alors qu’hier encore, on festoyait ensemble, mangeait et buvait en boîte de nuit, dans les bars, les « nganda », les maisons, les villas ou palais ?

La Noêl et le nouvel an, sont-ils exclusivement des fêtes pour vivants, quitte à attendre uniquement la Toussaint ou le lendemain, pour faire un « petit tour » dans les cimetières saluer nos morts, nettoyer et fleurir leurs tombes ?

« Les morts ne sont pas morts »,, soufflait Birago Diop. Cependant, c’est souvent quand ils sont en difficulté, que les vivants pensent à les appeler au secours et à invoquer leur esprit. Presque jamais quand tout semble leur réussir, et surtout quand ils sont en fête.

L’ingratitude des vivants !

C’est à croire que nos messages de condoléances et de compassion, « Que la terre te soit légère », « RIP », « À jamais ton souvenir restera gravé dans nos cœurs », « Nous ne t’oublierons jamais »…ne servent plus à grand-chose, une fois l’inhumation terminée.

« J’étais ce que vous êtes, vous serez ce que je suis ».
« Les morts ne sont pas morts »,

Ne les oublions jamais. Surtout pendant nos moments de gaîté et de fête.

GJK – Guy José KOSSA

 

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