Mots contre maux de rjpm

COUP DE PROJECTEUR SUR LES ÉLECTIONS DE JANVIER 2011 : SCRUTIN PLUTÔT POLITIQUE QUE TECHNIQUE

Une fois qu’un candidat subit une bérézina électorale en Centrafrique, on a l’impression qu’il est atteint d’un syndrome de la voiture blindée. L’étude de cette maladie symptomatique met en exergue un patient saugrenu qui refuse d’entendre raison et de toucher du doigt la réalité mondaine. Un tel syndrome est généralement détecté chez les dirigeants qui vivent au deçà de la réalité quotidienne. Néanmoins la plupart des candidats, qui avait connu un échec cuisant au sortir du scrutin de Janvier 2011, avait contracté ce syndrome. Il suffit de « googliser » un peu sur la toile pour s’imprégner de la réaction tonitruante des uns et des autres à l’issue de cette élection. Pendant que certains candidats qualifiaient le scrutin d’une mascarade électorale, d’autres parlaient d’un tripatouillage électoral. D’autres encore évoquaient une élection truquée. Non seulement les qualificatifs fusaient de partout mais la parole politique s’était également libérée au point de se professionnaliser. Avec une politicaillerie centrafricaine, championne du monde toute catégorie en matière de contestation et d’accusation, il fallait surtout s’y attendre. Quoique l’élection couplée de 2011 ait fait une mauvaise presse un partout, il est impérieux que nous analysons les causes  exogènes et endogènes de ce processus. En partant de cette analyse quasi exhaustive, chaque Centrafricain pourra avoir une vue synoptique sur les échéances électorales passées de Janvier 2011.

Causes exogènes.

Peu de temps après la victoire de l’ancien président Bozizé aux élections de 2005, le pays faisait face à une prolifération de groupes rebelles et des foyers de tension. Afin de trouver une solution négociée à ces multiples confrontations armées qui empoisonnaient au fur et à mesure le quotidien des Centrafricains, le pouvoir de Bangui avait signé plusieurs accords de paix notamment à Syrte (Libye) et à Libreville (Gabon). Chose curieuse, tous ces accords se sont soldés par un partage du pouvoir et une mise en orbite du célèbre trilogie Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR). Malgré que ces rebelles avaient convenablement bénéficié du DDR, certains d’entre eux ont préféré regonfler l’effectif d’un autre groupe armé dans l’optique de reprendre le chemin du maquis. En revanche, d’autres ont formé l’entité militaro-politique et ils ont intégré l’armée nationale, la fonction publique, le gouvernement, le Comité d’Organisation du Dialogue Politique Inclusif et la Commission électorale Indépendante conformément à la clause des accords de paix qui stipulait que les mouvements rebelles devaient dorénavant être impliqués à toutes les étapes de la gestion du pays jusqu’aux élections de Janvier 2011. Le principe était certes noble mais les conséquences étaient très néfastes pour le pays. Certains rebelles ne savaient ni lire ni écrire mais cela n’empêchait pas qu’ils occupent des postes prestigieux pour la simple raison qu’il fallait donner une chance à la paix. C’est ainsi que la médiocrité et l’indécence se sont emparées de l’environnement du travail. De fil en aiguille, la cause endogène s’était entremêlée à la cause exogène.

 Cause endogène.

La mise en place de la Commission Électorale Indépendante (CEI) obéissait à une certaine norme préalablement établie par le législateur. D’après le code électoral, la CEI était composée de 30 membres repartis en six (6) entités à savoir : la majorité présidentielle, l’opposition démocratique, la société civile, le pouvoir publique, les autres partis et les politico-militaires. Selon les textes statutaires, chaque entité devait fournir cinq (5) personnalités à la Coordination nationale des élections. Aussi, les membres de la CEI devaient élire eux-mêmes leur président parmi les personnalités proposées par le Premier ministre et le Président de l’Assemblée Nationale. Pour simplifier l’administration électorale, le législateur a prévu au sein de la CEI un bureau exécutif composé de sept (7) membres parmi lesquels figurent les représentants des  six (6) entités sus mentionnées et le président (personnalité neutre). En plus, il prévoyait six (6) sous commissions : la sous commission finance, la sous commission candidature, la sous commission liste électorale, la sous commission logistique, la sous commission sécurité et la sous commission bureau de vote. Par souci d’implication, ces différentes sous commissions étaient présidées par les représentants de chaque entité. En outre, tous les membres de la CEI disposaient d’une zone précise de coordination. Pendant que certains coordonnaient les préfectures, d’autres géraient les arrondissements de Bangui. Je précise que toutes les préfectures, les sous préfectures et les arrondissements avaient un Comité local qui était structuré de la même manière que la Coordination nationale. Ces Comités locaux étaient chargés de fluidifier l’administration électorale sur le terrain.

Loin s’en faut, la réussite d’une telle mission passe nécessairement par l’efficacité et l’homogénéité du groupe. Ce qui revient à dire que l’incompétence ou l’amateurisme d’un membre de la CEI peut avoir une incidence majeure sur tout le processus. N’est-ce pas qu’une dent pourrie fait souffrir toute la mâchoire ? Il conviendrait de rappeler que si à cause d’une personne le bateau chavire, la conséquence peut être la même pour tout l’équipage. A partir du moment où les rebelles devaient occuper une place dans le bureau exécutif de la CEI, présider une sous-commission et coordonner 5 préfectures, l’on devait s’attendre à un travail bâclé. On se souviendra encore de ce rebelle qui coordonnait la préfecture de la Sangha Mbaéré. Suite à une mission de grande envergure effectuée sur le terrain, il était tenu de faire un compte rendu en plénière comme tout autre Coordonnateur d’ailleurs. Ce rebelle avait pris la parole ce jour en Sango pour raconter juste la difficulté de sommeil qu’il a eue dans sa zone d’action. Pire, il avait mélangé les données de la circonscription de Bambio avec celles de Nola. Dans une analyse sur la fraude électorale, je m’appesantirais sur ce cas précis.

En dehors des politico-militaires qui avaient implanté le virus de l’incompétence et de l’amateurisme au sein de la CEI, la classe politique centrafricaine avait également joué les trouble-fête. Dès la composition de la CEI, l’opposition démocratique et les autres partis avaient procédé au remplacement numérique de leurs représentants sous prétexte qu’ils avaient commis une faute lourde. Entre la sanction émise et le remplacement proprement dit, le processus électoral avait connu un blocage de fonctionnement. Le même scenario s’est reproduit peu de temps plus tard lors de la constitution des Comités locaux. A la demande de l’opposition démocratique, des autres partis et des politico-militaires, la mise en place des Comités locaux a été refaite sur toute l’étendue du territoire. Toutefois, la revendication injustifiée des politico-militaires retient encore notre attention. Vous conviendrez avec nous que les groupes rebelles n’existaient que dans certaines régions du nord et non sur tout le sol centrafricain. Or, les politico-militaires avaient dressé une liste des gens qui étaient censés les représenter dans les Comités locaux des 16 préfectures, des 56 sous préfectures et des 8 arrondissements de Bangui. En tant que coordonnateur de la Préfecture de la Kemo, ma mission était de faciliter l’intégration des représentations des différentes factions rebelles dans le Comité local. Grande a été la surprise de tout le monde car ces derniers étaient cooptés parmi les mécaniciens, pécheurs, chasseurs etc et ils sont dépourvus de qualités requises pour siéger dans une telle institution. Quoiqu’il advienne, nous étions tenus d’appliquer strictement cette décision et non la contredire sur le terrain.

Nonobstant, les nombreuses contestations dont faisait l’objet chaque étape du processus, des blocages et de consensus jusqu’à ce que les élections de Janvier 2011 aient eu lieu, ce n’est qu’après le premier tour qu’une partie de l’opposition avait quitté le bateau de la CEI. Si échec il y’a, la responsabilité n’était-elle pas partagée ? Pourquoi la classe politique centrafricaine avait t-elle cautionné le degré élevé de l’implication des mouvements rebelles dans la gestion du pouvoir d’antan ? Cette mascarade électorale n’était-elle pas la conséquence irréfutable d’un manque de maturation politique de nos leaders ? Je vous prierais d’éviter de tirer toutes conclusions hâtives car nous ne sommes qu’au début d’une longue série d’analyses qui éclairera votre lanterne et tout sera mis sur la place publique pour aider à éradiquer la magouille politique en Centrafrique. Nous avons tous failli et chacun doit assumer les conséquences ainsi que sa part de responsabilité devant le peuple. Dans cette quête perpétuelle de la vérité, on a juste des mots contre les maux.

Rodrigue Joseph Prudence MAYTE
Chroniqueur, Polémiste

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