Chronique de GJK

CNT : SILENCE ! ON DETOURNE

Comment appelleriez-vous cela ? Des individus supposés représenter le peuple centrafricain au sein d’un parlement provisoire ; vivant pour nombre d’entre eux, une bonne partie de leur temps à l’étranger ; régulièrement payé, semble-t-il, à hauteur de 800.000 FCFA, à ne rien, mais alors absolument à ne rien foutre pour le peuple. En plus, pour certains, à effectuer des missions inutilement coûteuses, afin d’assister à des réunions où ils arrivent toujours à la fin, si encore ils arrivent.

Remarquez ! La dernière fois, un ami de mes connaissances, – j’en ai un bon paquet dont l’amitié me fait souffrir – de passage à mon petit appartement de la banlieue parisienne, me confia  tranquillement, qu’il arrivait ainsi de Lyon, pour percevoir ses quatre mois de « rente », que devait lui ramener de Bangui, un de ses collègues, Conseiller au CNT (Conseil National de Transition). Mes yeux s’écarquillèrent malgré moi, l’espace de quelques secondes. Comme j’ignorais tout du parcours de cet ami, avec qui nous ne nous sommes plus revus depuis tant d’années, je fis de grands efforts pour me retenir de poser la question, qui me brulait les lèvres, et les tordait visiblement du mauvais côté. On aurait pu ainsi passer à autre chose, et moi, rester à cogiter plus tard en silence, pour tenter de comprendre et admettre cette situation paradoxale: la RCA reconnue financièrement très pauvre verse des « rentes » à ses parlementaires provisoires. Cependant, l’ami très futé, ayant noté ma gêne perceptible, poursuivit ses explications, et comme pour se dédouaner, se mit à me raconter son histoire personnelle relative au CNT, que je reprends ici en substance :

« Qu’est-ce que tu veux mon cher, j’étais pour moi tranquille dans mon coin au Km5 à Bangui, à me débrouiller comme tu le sais. On est venu un jour m’annoncer que mon nom avait été retenu, pour gagner 800.000FCFA par mois. Qui est fou ? Moi qui n’ai jamais vu la couleur d’un seul franc CFA de l’Etat centrafricain, devrais-je refuser ? J’ai accepté tout de suite, d’aller m’asseoir dans la grande salle de réunion, où je ne parle jamais et ne comprends jamais rien à tout ce que ceux qui ont fait les grandes études, passent leur temps à raconter. Ils ne sont  jamais d’accord sur rien d’autre, que la manière de gagner toujours plus d’argent. Quant à moi, en cas de vote, j’attends les consignes de celui qui est notre chef. Comme lui, je dis « oui » quand il est content et dit « oui ». Quand il est fâché avec les autres sur certaines choses, que lui seul comprend, il me demande de sortir de la salle de réunion ou  de dire « non », et je dois le suivre. D’ailleurs, je ne suis pas le seul dans ce cas. Comme moi, il y’a plus de 100 Conseillers sur les 135 que compte le CNT, qui font la même chose: des femmes qui vendaient du bois de chauffe, des retraités qui ne touchaient plus de pension, des « je reviens » certainement chômeurs en France, sinon, que seraient-ils venus chercher s’ils avaient du travail là-bas? Ecoute mon cher, quand il avait fallu partir au Tchad pour chasser Djotodja, on s’était presque tous caché, du moins ceux qui étaient à Bangui. Mais dès qu’on nous a parlé d’argent, nous sommes tous accourus, oubliant les conditions de sécurité que nous-mêmes avions posées auparavant. De retour de notre déportation, puisque moi-même, comme tu le sais, je suis musulman, j’ai préféré regagner ma famille qui a toujours vécu en France. Et depuis lors, je fais mes affaires avec les pays d’Afrique de l’Ouest, où j’ai d’énormes facilités grâce au passeport diplomatique, qu’on nous avait distribué gratuitement. Mes 800.000 CFA, continuent de « tomber »régulièrement. En plus, quelque fois, puisque je suis ici sur place, on me désigne pour aller dans des missions en Europe. Pour cela, on m’envoie les billets d’avion que je transforme vers des destinations que je souhaite ; et pour ce qui est des frais de mission, je reçois généralement la moitié du montant, et mes bienfaiteurs prennent aussi l’autre moitié pour « services rendus à la République ». D’ailleurs te rappelles-tu de cet autre collègue du lycée, lui aussi Conseiller, qui est là depuis des mois et des mois en France, et passe son temps à organiser des spectacles pour s’enrichir au nom des Centrafricains qui meurent au pays ? Tu sais, mon gars, j’ai compris que dans ce milieu, chacun ne cherche que ses propres intérêts. Tous ceux qui font semblant d’être ceci ou cela, pourquoi eux-mêmes qui sont Conseillers aujourd’hui, et qui n’ignorent pas que le CNT n’est qu’une coquille vide ; pourquoi dis-je, ces grands démocrates devant l’éternel, ces grands activistes de la société civile, tous ces forts en gueule donc, pourquoi ne demandent-ils pas la dissolution du CNT, parce qu’il ne représente rien et ne sert à rien ? On ne scie pas la branche sur laquelle on est assis me dira-t-on. C’est cela ton pays mon frère.»

Je n’en revenais pas. Quel ami, quel patriote consciencieux que celui-là ? Alors, je lui répondis à peu près ceci : «si tu avais commencé, à refuser de prendre ta part de « rente »,comme tu l’appelles, tu serais plus légitime de dénoncer cette pratique, d’attirer les attentions, et même de prendre la tête d’une révolution parlementaire. Ce qui est extraordinaire dans notre Centrafrique, c’est que «l’enfer c’est toujours les autres » ; personne n’est jamais responsable de rien. En attendant, des Centrafricains, il en meure chaque jour, et l’on trouvera toujours d’autres Centrafricains pour se repaître de leur sang rouge sur cette terre rouge de sang.».

Mais avant de conclure, que l’on veuille bien noter ceci : ils ne sont pas tous pourris, tous malhonnêtes, nos Conseillers nationaux. Heureusement d’ailleurs. C’est pourquoi, Il faut reconnaître et souligner, qu’il existe bien au CNT, de vrais patriotes, et d’honnêtes militants de la cause nationale, dont le parcours doit servir d’exemple. Qu’ils soient salués et encouragés. Certes, nous devons éviter de faire des amalgames, mais j’insiste et précise clairement, que le courage en politique, c’est  aussi  celui de pouvoir prendre des mesures, avant qu’il ne soit trop tard pour tous, contre ceux qui,  par leur comportement anti-républicain, nuisent dangereusement à l’image de cette institution censée représenter le peuple. Vivement, que soit mis fin au CNT, à cette espèce d’omerta que s’imposent complaisamment les Conseillers, tous complices les uns des autres. C’est aussi l’occasion de se demander, pourquoi le « contrôle physique de tous les fonctionnaires centrafricains », initié par le Premier Ministre, ne devrait-il pas trouver son pendant « parlementaire » ? Quand on est représentant du peuple, ne devrait-on pas le représenter en donnant le bon exemple ?

Décidément, la Centrafrique rend fou. Et des Centrafricains, effectivement fous, tiennent à rendre fous, ceux qui ne sont pas du tout fous, et ceux qui ne sont pas encore totalement fous.

GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social

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Un commentaire

  1. Les centrafricains savent pertinemment que certaines personnalités nommées au sein du gouvernement de la République sont membres de famille,appelés à venir partager le gâteau parce que leur tour de soif est arrivé(manger,boire et piller ). Et les centrafricains sont au courant que ces autorités qui ne sont pas à la hauteur des taches dans les ministères qu’elles dirigent sont smicards en France ou en Europe et effectuent dans leurs cadres de supposées missions les percevoir (double salaire et autres fraudes.). Tout ceci sur le dos des pauvres et malheureux centrafricains certains Diplômés et qui n’ont pas des parents connus et cotés pour les aider à accéder à certains postes de travail.Vivement les élections présidentielles pour que les choses s’éclaircissent. Nos yeux ne sont pas fermés.Les tueries continuent toujours pour celles et ceux qui ne peuvent pas se défendre.

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