Mots contre maux de rjpm

CHAPEAU BAS PEUPLE BURKINABÉ

Par RJPM

Depuis décembre 2013 que l’on a commencé à prêter à Blaise Compaoré l’intention de modifier l’article 37 de la Constitution, en vue de se présenter à l’élection présidentielle de 2015, la majorité de la population et l’opposition démocratique commençaient à soupçonner le probable hold-up constitutionnel en cours de préparation. Il faut rappeler que le grain de la révolte a commencé à germer au Burkina en Février 2011, à la suite de la mort d’un élève battu par les policiers. C’est dans ce contexte de révolution latente, que le projet de loi devant portant modification de l’article 37 de la constitution envenima la situation. En dépit de la contestation populaire, l’ancien président voulait vaille que vaille faire adopter au forceps le projet par l’assemblée nationale, après s’être assuré d’obtenir la majorité des ¾ requis qui permet d’éviter le referendum. D’où l’insurrection populaire contre le pouvoir Burkinabé ces temps-ci.

A priori, la mobilisation avait pour but de demander le retrait du projet de la révision constitutionnelle. Au fur et à mesure que la grogne populaire s’enracinait, les dérapages devenaient inévitables. C’est ainsi que des édifices publics tels que l’Assemblée nationale, la télévision publique, ont été vandalisés. Bien que Compaoré ait dissous le parlement et le gouvernement, les manifestants étaient restés droit dans leurs bottes pour demander in fine sa démission. Tellement la tension était électrique, le président Compaoré a finalement annoncé ce vendredi 31 Octobre 2014 qu’il quitte le pouvoir. En vérité, ce feuilleton historique fera date. L’on se souviendra toujours de ces manifestants qui ont bravé la mort pour mettre fin au despotisme et à l’obscurantisme ambiant.

Mais quelle analyse pouvions-nous faire de la démission de Compaoré qui s’est faite sous la pression de la rue ? Plusieurs leçons méritent d’être tirées du côté des manifestants, des porteurs de tenue, des leaders politiques et même du président déchu.

Du côté des manifestants.

Le peuple de Burkina faso a démontré à quel point il est important de s’unir et se mettre d’accord quand il s’agit de défendre l’intérêt supérieur de la nation. Comme un seul homme, les burkinabés se sont mobilisés, à mains nues contre le projet de la révision constitutionnelle. En aucun cas, ils n’ont utilisé les armes ou machettes pour faire entendre leurs voix. Malgré quelques avancées significatives au Burkina Faso depuis l’accession au pouvoir de Compaoré, le peuple a toujours milité pour une alternance. En s’inscrivant dans la dynamique de Maslow qui disait: « Un besoin satisfait, suscite un autre », le peuple burkinabé vise désormais l’excellence. Son insurrection témoigne sa détermination pour les valeurs démocratiques. Encore une fois de plus chapeau bas.

Porteurs de tenue.

Dans ce climat très confus, les hommes en treillis ont été jusque là irréprochables. Au lieu d’opter pour une violente répression contre les manifestants, les porteurs de tenue ont surfé sur le cordon de la concertation pour éviter un bain de sang inutile. Il serait souhaitable de reconnaitre que les forces de défense ont pratiquement été l’interface entre le Président déchu et les manifestants. En tout cas, chapeau bas pour cette armée responsable.

Leaders politiques.

Les leaders politiques de l’opposition ont montré leur degré de maturité devant l’opinion nationale et internationale. Sans bégayer et sourciller, nous devrions admettre que l’opposition démocratique du Burkina Faso est composé de leaders responsables. Elle avait la latitude de recourir à des forces non conventionnelles pour renverser Compaoré mais elle ne s’est jamais montrée opportuniste ni indélicate. Cette opposition pouvait également encourager le coup d’état constitutionnel qui se pointait à l’horizon mais elle a préféré plutôt obtenir la démission officielle de Compaoré. Une telle opposition mérite un triomphe. En vérité ! Chapeau bas.

Président déchu.

En référence à ce vieux dicton qui dit : « Personne ne marche sur la queue d’un lion et s’en va comme si rien était sans subir la colère d’une fauve », nous pensons que Compaoré est juste victime des affres de la vie, qui puisent leurs sources dans les événements macabres du jeudi noir 15 Octobre 1987 marquant la fin de règne et la mort de Sankara. A force de tripatouiller la constitution et de susciter les soubresauts à tour de bras dans le pays, le président déchu a fini par réveiller ce vieux démon qui sommeillait dans l’esprit des Burkinabés.

Au delà de ce côté sombre, Compaoré est un véritable chef d’orchestre qui a contribué à la modernisation du Burkina Faso. Pendant ses 27 ans de règne sans partage, il a essayé d’insuffler une nouvelle dynamique dans ce pays. Sur la scène internationale, sa réputation de pacificateur et de fin négociateur le précède un peu partout. Quoique le peuple s’est révolté contre le projet de la révision constitutionnelle, il pouvait en outre demander à l’armée nationale de réprimer durement la manifestation mais il a géré de bout en bout la colère de la rue.

Par dessus tout, il pouvait dresser ses partisans contre les manifestants à l’instar des autres chefs d’états africains ou leaders. Mais il a évité une foire d’empoigne désastreuse qui risquerait d’embraser davantage le pays. Au lieu de prendre la poudre d’escampette comme un leader pleutre, Compaoré utilisa toutes les voies de persuasion avant de démissionner à la fin. Quoiqu’il en soit, l’histoire retiendra son passage à la tête du Burkina Faso…Chapeau bas Monsieur le Président.

En somme, si l’histoire se répète dans certains pays africains, elle est efficacement écrite dans d’autres. Aujourd’hui, le peuple burkinabé est devenu un modèle de résistance et il est impérieux que les autres nations africaines s’en inspirent. Quand bien même l’exemple n’est guère synonyme d’exemplarité, il est aisé que les présidents indécrottables voire indéboulonnables s’interrogent sérieusement sur leur avenir.

Ne dit-on pas que si la barbe de ton voisin prend feu, mouilles la tienne ? A vrai dire, il est grand temps que le voisin géant aux pieds d’argile, le natif de Oyo, le vieux popole et les autres chefs d’états préparent leurs valises. En attendant que le chien renifleur de la révolte populaire se pointe devant leur palais, nous continuerons à brandir les mots contre des maux.

Rodrigue Joseph Prudence MAYTE
Chroniqueur, Polémiste

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