Chronique de GJK

CENTRAFRIQUE : QUAND DEUX MANDJA SE SUIVENT LE SECOND SE MET A VOLER !

Sacré Yamodo-le-mandja-voleur-par-tradition, l’inaltérable narrateur, conteur et humoriste de la classe – promotion – 1982/1985 de l’ENAM, était vraiment un incorrigible provocateur et moqueur hors pair. Il prenait prétexte de tout et de rien, à tout moment et en toutes saisons, pour faire à chaque fois, au moins une « victime » de ses sarcasmes. Ainsi, il réussissait à nous « voler » naturellement et avec notre consentement, tous nos petits moments de recréation et de détente entre les cours, le réfectoire, le dortoir, ainsi que les activités militaires obligatoires. Et même si certains collègues préféraient s’éloigner des petits rassemblements que Yamodo provoquait spontanément, c’était pour revenir aussitôt grossir les cercles et les rangs, dès que fusaient les éclats de rires, signe que le « spectacle des magnangouts » – ainsi on aimait s’interpeller mutuellement -, avait levé ses rideaux !

Sacré Yamodo, il faut le signaler, avait vraiment l’œil, l’ouïe et la mémoire ! Et aussi intelligent qu’il était, qu’est-ce qu’il savait s’en prendre aux Mandja, les étudiants de son ethnie, c’est-à-dire à lui-même. Mais ne vous y méprenez guère. C’était souvent pour trouver une certaine « légitimité » pour les défendre quand il le faut, et s’attaquer aux autres étudiants des autres ethnies. Dans tous les cas et en plus, chacun individuellement en prenait pour son « béret et ses rangers ! ».

Et voici que ce jour, comme à l’accoutumée, aux environs de 20 heures, nous venions à peine de finir de nous gaver au « caviar », notre éternel repas militaire très angoissant, composé de sauce rallongée, au-dessus de laquelle flottait toujours des oignons et du persil non découpé, avec en immersion profonde, de gros morceaux de viande dur à cuir. Des fois, pour retrouver ces morceaux, il fallait « jeter son filet » comme dans l’épisode de la pêche miraculeuse des évangiles. Bref.

Donc ce soir-là, il se forma spontanément autour de Sacré Yamodo-le-mandja-voleur-par-tradition, du côté de sa salle de spectacle – le couloir menant aux dortoirs -, un petit cercle de « magnangou–de-mauvaisgoûts » ainsi qu’on l’on s’interpellait mutuellement. Et pour imposer le silence afin qu’on puisse bien suivre quelques morceaux de son « répertoire de conneries », lui le maître de la parole, de sa voix forte, lança trois fois de suite : « banzaïwabanzaï ! » et l’assistance répondit « banzaï ! ». Cet appel que nous utilisions régulièrement – à tort et à travers -, avait dit-on, servi de cri de guerre aux japonais pendant certaines de leurs épopées.

Aussi, une fois le silence obtenu et l’attention toute tournée vers lui, Sacré Yamodo, l’air tout d’abord grave et très sérieux, improvisa un récit, avec un trémolo dans la voix, faisant ainsi la démonstration de son art maîtrisé de la narration. Mais chacun savait d’avance comment se terminent naturellement ses histoires. En  kemersse aux éclats de rires.

« Chers amis, il y’a une semaine, Guerengounza et Willibona, – le célèbre couple d’amis siamois surnommé Guere-Bona -, sont venus me voir pour se plaindre des cas de vols intervenus presque régulièrement dans leur chambre ces derniers temps. Malgré toutes leurs investigations et des efforts pour surprendre les auteurs de ces « cambriolages » sans effraction et à répétition, ils n’ont pas jusqu’ici réussi à leur mettre la main dessus. Pour ma part, je vous assure, il ne faut pas chercher de midi à quatorze heures. Il vous souviendra, chers collègues, que notre professeur Victor Moudio, nous avait raconté une histoire de meurtre entre amis et en conclusion il avait dit : en matière de crime et avant toute preuve, poser la question « où est la femme » ?
Alors moi je vous dis en Centrafrique, chaque fois qu’il y’a un cas de vol, posez la question « où est le Mandja » ? Après seulement, vous pouvez aller voir ailleurs. Donc, je dis à nos amis Guere-Bona, de scruter et suivre désormais tous les moindres faits et gestes de tous nos collègues Mandja de l’internat, y compris moi-même le premier. Et je vous donne une semaine vous verrez ! Soit le vol cessera, soit on mettra la main sur au moins un Mandja. Mais je vous garantis d’ores et déjà une chose. Ce n’est pas le vol qui cessera, mais plutôt un Mandja qu’on finira par prendre la main en train de se promener « à l’insu de son plein gré » quelque part dans la chambre de nos amis ! En tout cas, c’est plus fort qu’eux, le vol chez les mandja ! Chez mes parents Mandja, voler est une question d’art, culture et de tradition. Exactement comme pêcher des poissons au fleuve l’est, dans la famille de ce Guerengounza-le-chieur-aquatique ; ou se soûler au « bilibili-bière » avant la bagarre chez le gbaya Willibona ; ou encore pratiquer le « gbèrèwèrè-fétiche » chez notre classe Dongombé, cet ali de Boali !
Pour tout bon et digne mandja qui se respecte – je ne vous parle pas de ces faux mandja ignorants qui ne savent même plus d’où ils viennent et où ils vont, donc dis-je, pour tout mandja « pur-sang », voler quelque chose à quelqu’un, ou dans le pire des cas se voler lui-même, est une question de BA, c’est-à-dire de « bonne action quotidienne », tel qu’on nous l’a appris au scoutisme de notre enfance. Autrement dit, ne pas voler dans une journée que Dieu a faite, c’est désobéir à une prescription « divine », injurier l’esprit des ancêtres, commettre un péché capital et même mortel ! Et comme le vol est l’ami intime du mensonge, allez-y comprendre.

Tenez, je vais vous raconter l’histoire d’un de mes « honorables » voisins Mandja de Boy-Rabé. Je n’ai jamais su ce qu’il faisait, mais toujours est-il qu’un homme qui quitte sa maison chaque matin, et ne rentre chaque fois qu’aux mêmes heures que les « fonctionnaires », est en tout cas sensé être un travailleur. Ceci dit donc, ce voisin marié à une Mandja, avait l’habitude de revenir chez lui chaque soir avec son « butin quotidien » ; et ensemble avec sa femme qui rapportait aussi sa part, l’époux et l’épouse faisaient les comptes de cette famille-mandja-voleur-par-tradition.
Et voici qu’un jour qu’il ne put rien trouver à se « mettre sous la main », le mari alla se coucher le cœur serré et l’esprit accablé. Quatre heures après, il n’avait pas toujours trouvé le sommeil. Tandis que sa femme dormait du sommeil du juste et que l’on pouvait entendre à vingt mètres à la ronde le ronflement des enfants, notre honorable chef de famille Mandja, se dit en lui-même, que son insomnie résultait  certainement du non accomplissement de sa BA de ladite journée. Il eut alors une idée « lumineuse ». Il sortit de chez lui sans faire aucun bruit ; fit un tour dans le quartier, et revint sur ses pas. Toute cette gymnastique, dans le but de se donner « bonne conscience » afin de trouver le sommeil. C’est alors qu’il entreprit de cambrioler sa propre maison. Il réussit à briser une des fenêtres de l’habitation, et se comportant en véritable voleur, fouilla d’abord partout, avant de tomber sur le coffre où le couple thésaurisait sa petite fortune. Son plan, c’était de repartir avec son butin en main, puis ensuite revenir correctement cette fois-ci chez lui normalement par la grande porte dont il avait les clés. Ainsi, se disait-il dans sa tête de mandja-voleur-par-tradition, il aurait au moins le sentiment d’avoir voler de la journée, et retrouverait sans doute le sommeil. Mais voilà qu’au moment où il enjambait la fenêtre brisée pour sortir avec en mains le coffre « volé », de jeunes noctambules le surprirent et crièrent au voleur. Pris de panique, notre « honnête » homme pris sa jambe au cou empruntant une direction qui le séparait de plus en plus de sa maison. Dans la course poursuite qui s’est engagée, le Mandja, père de famille à l’embonpoint « administratif », ne put aller au-delà des deux cent mètres. Les jeunes garçons, se saisirent de lui, et lui arrachèrent son coffre. Quelques coups bien appliqués à sa nuque, et voilà le voisin complètement groggy. Les jeunes noctambules s’en allèrent tout joyeux, tandis que le pauvre Mandja, assommé et rattrapé par le sommeil qu’il cherchait, ne fut réveillé qu’à l’aube par les passants qui le raccompagnèrent chez lui. Quant à moi Yamodo, je vous laisse imaginer la suite de l’histoire de ce Mandja imprudent quand il arriva dans sa famille… ».

En même temps qu’il finissait son récit, le « semainier », l’étudiant chargé de signaler les différents horaires de l’emploi du temps du jour, fit retentir la cloche, et nous tous qui constituions le public du Spectacle de Couloir de Yamodo, fûmes obligés de nous disperser dans une folle ambiance d’hilarité totale, pour aller retrouver nos cahiers.

Encore aujourd’hui, toutes les fois que je suis dans mon bar malfamé de la gare de Melun – Centrafrique sur Seine -, en train de boire tranquillement mon verre de vin rouge « CLOCHARD NOUVEAU », je me rappelle toutes ces histoires et cette belle époque, plus belle encore maintenant qu’elle est passée.
Alors, à vous, je vais faire une confidence et surtout ne le dites à personne s’il vous plaît, sinon je vais mourir de honte et peut-être même me suicider. Pardon gardez ce que je vais dire pour vous seul et n’oubliez quand même pas que je suis marié et père de famille et j’ai même de petits-enfants qui, Dieu merci, sont loin d’être malheureux. Seulement si je meurs maintenant ils ne seront pas content de rejoindre le club des orphelins. Ils n’aiment pas du tout et pourtant, ils savent que que j’ai regagné ce club à 7 ans du côté de mon père et à 21 ans quand ma mère m’a abandonné. C’est peut-être pourquoi je suis un des meilleurs joueur de l’équipe de la vie. Bon, bref voici donc mon secret :

Le samedi dernier, j’ai voulu en fait faire le mandja-voleur-par-tradition à « l’insu de mon plein gré ». C’était au supermarché Leclerc d’Epinay. Je vous dis, compatriote, juste pour un vin bon marché et une bouteille de Chivas, le seul whisky que les nouveaux riches dirigeants Centrafricains de la transition connaissent grâce à Bokassa, et auquel je n’ai jamais goûté. Je t’assure, ita ti mbi, yé ti kamènè a wara kota koli ; alagboumbi ma ! Ainsi donc, je me suis fait attraper pour deux bouteilles d’alcool et gardé à vue 48 heures chez moi à la maison, à côté de mon épouse. Chiche !
La procédure judiciaire prendra du temps. Pour être tombé si bas comme la Centrafrique, oh mon Dieu.

Quant à toi que je n’ai pas encore eu le privilège de rencontrer, cher frère et compatriote, Passi Keruma – à qui je dédie cet article -, toi le digne défenseur des mandja sur facebook, dis-moi sérieusement : Comment peut-on ne pas être mandja, et voler comme un mandja, sans jamais se faire attraper comme un mandja fondamental ?

J’offre une bouteille de Chivas et un vin bon marché à qui me donnera la bonne réponse !

AH GUI BON !

Guy José KOSSA
GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social

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