Chronique de GJK

ALORS, JE SUIS CENTRAFRICAIN ET VOUS ?

Depuis que notre pays, s’est volontairement empêtrée dans ses multiples et inextricables difficultés, à cause de ses filles et fils eux-mêmes, il faut le reconnaître, n’importe quel individu – toutes proportions gardées -, ressortissant de n’importe quel pays, revendiquant à tort ou à raison n’importe quel rang ou statut social, se croit obligé d’humilier la RCA, et plus encore, de traiter n’importe quel Centrafricain, de n’importe quelle manière, et dans n’importe quelle circonstance. En tout cas, sans le moindre égard ou la moindre courtoisie. C’est à croire que le Centrafricain, quel qu’il soit et où qu’il se trouve, est subitement devenu un sous-homme, un être de race inférieur, « on aurait dit, un être qui au lieu de descendre du singe comme tout le monde, y retourne irrémédiablement » (Alain Mabanckou). Et pour cause. (1)

Ainsi, dans chaque coin du monde bien informé, et particulièrement dans la sous-région d’Afrique Centrale – sauf en Centrafrique bien sûr -, les populations ont chacune, leurs idées, leurs définitions, leurs commentaires, et même leur petit lexique non-écrit, des différents vocabulaires et attributs – naturellement peu amènes -, qu’elles déversent systématiquement, dès lors qu’il s’agit de Centrafrique et de Centrafricain.

Aujourd’hui, il suffit simplement de prononcer les mots Centrafrique ou Centrafricain, pour que tous les regards quasi automatiquement, se tournent vers vous, presque instinctivement. Les plus curieux vous assailliront de questions aussi pernicieuses que désagréables, et auxquelles vous n’avez aucune envie de répondre. Certains individus bienveillants, s’empresseront, non sans écarquiller les yeux, de détaler rapidement, comme pourchassés, par des êtres invisibles, armés de fusils et de machettes. Beaucoup enfin, se limiteront à grogner en silence : « ah oui, encore un de ces sauvages criminels, cannibales et anti-musulmans, qui nous arrive de cette république bananière tropicale du cœur de l’Afrique (2)

Mais que la RCA passe pour être le pays le plus misérable au monde, et ses ressortissants traités de tous les noms d’oiseaux, apparemment, ne semble pas empêcher certaines grandes nations et leurs citoyens connus ou non, à faire la ronde et le pied de grue derrière sa case remplie de pestilences, à la recherche de toutes les opportunités pour se gaver de ses « vomissures » qui valent de l’or, du diamant ou encore de la bauxite et du pétrole etc.

Que mijotent en RCA, les USA et surtout « notre amie de toujours la France » ? Dans tous les cas, drôle de « destination touristique », que cette Centrafrique infréquentable, qui pourtant irrésistiblement attire les Guéant, Fabius fils, et autres mafieux et bandits de grands chemins, de l’hexagone et d’ailleurs ! Le grand Ministère des Affaires Etrangères de la grande France, aurait-t-il rayé définitivement notre pays, de la liste de ceux qui sont à risque, et donc vivement déconseillés à tous les ressortissants français dont la présence n’est pas indispensable ? Comme quoi, « le grain du pauvre a nourri chez nous la vache du riche ».

Par ailleurs, très sérieusement et très franchement, je me demande pourquoi tous ces étrangers qui ont envahi la RCA, tiennent absolument à ce que les pauvres habitants de cette dernière de toutes les Républiques d’Afrique Centrale, leur reconnaissent la nationalité Centrafricaine.  C’est à ne rien y comprendre.

D’un côté, il y’a là, pour les Centrafricains devenus des « nécessiteux et parias », comme une malédiction de l’univers, que la crise et les dures réalités actuelles cautionnent. Ils auraient plutôt aimé naître et vivre peut-être tous, sous d’autres cieux et sur d’autres terres. Curieusement, aucun Centrafricain ne s’en plaint, et n’exprime aucunement ce souhait au fond. A ce niveau, l’on ressent bien  la fierté, le patriotisme, le nationalisme qui frise un certain chauvinisme du Centrafricain. Et c’est tant mieux.

De l’autre côté cependant, on ressent et voit bien, cet espèce d’engouement « inexpliqué » de la part des « autres », qui tiennent à tout prix aux terres et à la nationalité centrafricaine. A vrai dire, cela a quelque chose d’irrationnel. Mais à y réfléchir, ils ne sont pas si « bêtes et fous » que cela les envahisseurs!  Du coup, le Centrafricain de s’interroger lui-même intérieurement: « qu’y a-t-il chez moi de si bon, qui puisse attirer les autres comme le miel attire la mouche, ou comme la lumière des lampadaires qui attire les sauterelles kindagozo ou bobo? » . C’est ainsi que sont nés alors et grandissent l’instinct de conservation du Centrafricain, la prise de conscience de ses propres valeurs, ainsi que la volonté de préserver et de défendre ses riches potentialités, « jusqu’au sang ».

Que l’on se comprenne bien. Je ne dis pas que tous ceux que l’on considère et traite injustement d’étrangers, le sont effectivement. Par contre, qu’ils s’en aillent, tous les envahisseurs venus d’ailleurs – la majorité des rebelles de la nébuleuse Séléka –, qui tiennent à la confessionnalisation des critères de nomination aux hautes responsabilités de l’Etat, insinuent des dérogations malveillantes aux principes fondamentaux de la charte constitutionnelle, et ne rêvent que de la partition du pays.

Tout bien considéré, la RCA reste un pays très ouvert, parmi les plus ouverts au monde. De plus, les suites favorables réservées à la plupart des demandes régulières d’acquisition de la nationalité centrafricaine et d’intégration sociale, – bien d’autres le diront -, ont de quoi rassurer les plus sceptiques et hésitants. De même, si c’est de diamant, de l’or et du pétrole dont vous avez besoin, chers messieurs de l’étranger, rassurez-vous. Vous n’avez point besoin de kalachnikov, de roquettes et autres fusils d’assaut. Tous les investisseurs sont les bienvenus en RCA. Les Centrafricains ne demandent pas mieux que de voir leur pays sortir rapidement de sa misère ! En revanche, ils ne sont pas prêts, mais alors pas du tout prêts, à se laisser dicter et imposer les lois de leur pays, moins encore par la force des armes.

Le Centrafricain n’est pas étranger chez lui, et l’étranger qui n’est pas encore Centrafricain reste un étranger.

Alors, je suis Centrafricain, et vous ?

GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social

(1) et (2) sont des extraits  réécrits de nos articles «Centrafricain du monde entier, exprimez-vous – Février 2014»  et «Qu’est ce qu’être un centrafricain aujourd’hui, GJK, Février 2014»

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