Chronique de GJKCoup de coeur

QUAND J’ENTENDS LE MOT RECONCILIATION, JE SORS MON REVOLVER !

Republication du 02/02/2014

L’issue de l’innommable tragédie qui perdure en R.C.A,  demeure pour longtemps encore, à n’en point douter,  un sujet de préoccupation quotidienne pour quiconque vit au pays ou se réfère à ses attaches centrafricaines. L’étendue du territoire national,  apparait désormais,  comme une immense scène de théâtre d’horreur, où les acteurs sanguinaires de SELEKA et ANTIBALAKA,  jouent des rôles diaboliques et interchangeables. En groupes, petits groupes, ou même individuellement, on s’organise, attaque et tue gratuitement. En représailles, les autres tuent aussi. Et dans cet abominable dispositif qui s’enchevêtre, chacun ou chaque camp se défend. Nul n’épargne l’autre. Tout le monde est bourreaux et victimes à la fois. Tous pleurent, tous déplorent, et aussitôt, tous posent à nouveau, les mêmes actes criminels et barbares ; toujours avec plus de violence, et une cruelle détermination. Dans le même temps, la haine interpersonnelle et communautaire naît,  s’enracine, se développe et s’installe dans les cœurs de milliers de victimes, aussi innocentes qu’impuissantes.

Celles-ci ne comprennent rien à ce qui leur arrive. Pour quels motifs et comment  en sont- elles à se détester si violemment ? On ne parvient plus à se parler,  à se regarder en face, à se supporter, à  tolérer et  à accepter l’autre ou les autres. Ces « autres » aux mêmes regards éplorés, avec qui on vivait, mangeait et marchait ensemble. Ces « autres » qu’on traitait il n’y a pas si longtemps, en toute humanité et en compatriotes ; ces « autres », subitement métamorphosés en tueurs, que l’on se doit à son tour de traquer et assassiner avec délectation ; ces « autres » qu’on se réjouit  maintenant de brûler vifs, de traîner les cadavres,  et même de mordre dans la chair morte. Tel est, malheureusement, la détestable image, la très triste image, que retient le monde entier de la Centrafrique et des Centrafricains, en cette 15ème année du 21ème  siècle. A tort ou à raison, qu’importe.

Et voici qu’en pleine  barbarie généralisée,  on entend des voix s’élever,  pour demander la réconciliation. Aussi,  la question que l’observateur avisé se pose, est celle-ci : la réconciliation serait-elle, la nouvelle invention technique, susceptible de contraindre au désarmement, des criminels et des bandits impénitents, qui prennent en otage le pays,  ses populations entières, et les privent de paix et de stabilité ? Par ailleurs, quelle connotation donner à ce mot de réconciliation, quand il est prononcé aussi bien par de respectables religieux et le Chef de l’État élu, que par des politiques malintentionnés, et des seigneurs de guerre sans foi ni loi ? La réconciliation, peut-elle être perçue de la même manière,  par ceux  qui ont été plus ou moins épargnés par les violences de cette dramatique crise centrafricaine, que par le «  cannibale de Bangui », ce jeune Centrafricain, devenu le symbole des victimes de toutes les violences et exactions ; lui qui a assisté, impuissant,  au massacre de  sa fillette, sa femme enceinte, ses deux parents, ses neveux, ainsi que ses frères et sœurs ?

En effet,  que l’Archevêque de Bangui, l’Imam et le Pasteur, fassent de la  rhétorique religieuse de la réconciliation,  la substance de leur discours, et de leur très honorable engagement, en faveur du retour à la paix civile en R.C.A, cela se comprend aisément ; car, leur combat est avant tout, celui de l’apaisement des esprits, et du « désarmement des cœurs ». Dans tous les cas, les religieux ont de tout temps, dans toutes les sociétés humaines, occupé une place de choix, et joué un rôle important, dans la culture de paix.  Ensuite, que la Présidente de Transition, prône dans ses discours, la nécessité de parvenir à une paix durable, laquelle passe par le désarmement volontaire ou forcé des combattants, et l’amorce d’un processus de réconciliation, demeure une aspiration légitime, découlant de sa responsabilité républicaine et morale.

Mais là où l’on peut s’interroger, c’est quand un politique, candidat déclaré ou non, exhorte les populations à aller ici et maintenant à la réconciliation. N’y a –t-il pas là, un certain cynisme, une volonté délibérée d’instrumentalisation et de transformation de la notion de réconciliation, en un mécanisme de propagande électorale ? Quelle que puisse être l’intention d’un prétendant au siège présidentiel, la première des priorités de son agenda politique, ne devrait pas le prédisposer à « vendre »  précipitamment, aux populations encore meurtries, l’illusion  d’une réconciliation abusive

Quant aux seigneurs de guerre, ainsi que leurs commanditaires, tels Abacar SABONE et Patrice Edouard NGAÏSSONA, qu’ils veuillent bien « foutre » la paix une fois pour toute aux Centrafricains, et les laisser définitivement pleurer et enterrer tranquillement leurs morts. Car il est inconcevable d’entendre SABONE, parler de scission de la R.C.A la veille, et oser prôner le lendemain la réconciliation. Cela relève d’un mépris total du  Centrafricain en général, et des familles éprouvées en particulier. De même,   que penser  de  NGAÏSSONA, qui, tout en entretenant la terreur et les terroristes,  afin de mendier quelques postes ministériels,  s’évertue à singer l’apôtre de réconciliation sincère ? Le peuple centrafricain n’a pas la mémoire si courte,  et il n’est pas dupe. Dans tous les cas, l’utilisation abusive,  comme par le passé, de la  réconciliation politique, – suivie d’une amnistie générale-,   comme  mécanisme de protection des auteurs de crimes, ne passera plus. Aussi bien au niveau national qu’international.

En définitive, aux uns et aux autres, il est inutile de rappeler, que le destin final de tout Homme, est d’être réduit tôt ou tard en poussière. Tous ces Centrafricains qui nous ont précédés dans l’au-delà, toutes ces personnes lâchement assassinées et massacrées, attendent pour la plupart aujourd’hui, d’être un jour à nouveau enterrées dignement, afin de permettre aux  familles de se décider  enfin à faire leur deuil. Il faut absolument que les autorités de notre pays, s’engagent fermement à ériger un haut lieu de la mémoire de ces crimes de masse, sans précédent en Centrafrique. Ainsi, la République rendra éternellement hommage à tous ces hommes, femmes, jeunes  et vieux, chrétiens et musulmans, victimes de la bêtise humaine. Par ailleurs,  oserions-nous  croire,  que  c’est  de réconciliation ou de pardon,  dont « le cannibale de Bangui », – et ils sont des milliers comme lui-,   a-t-il besoin d’entendre parler dans son état actuel ? Avouons que non! Il revient aujourd’hui  à l’État Centrafricain,  de prendre en charge, dans les meilleurs délais, toutes les personnes traumatisées, les orphelins, les sans-abris, les mutilés,  bref, toutes ces victimes  de la barbarie à grande échelle, afin de leur assurer le minimum vital,  avant d’oser parler de « justice, vérité, réconciliation ».

Enfin, il faut penser à refectionner en urgence les prisons actuelles, et à en  construire d’autres. Car, la vraie réconciliation, la vraie culture de la paix et l’indispensable réinsertion sociale, passent nécessairement pour les bourreaux,  par un séjour obligatoire dans un établissement pénitentiaire. Faute de quoi, l’impunité restera la porte grandement  ouverte,  à la récidive individuelle et collective.

C’est pourquoi, tant que tous les dispositifs thérapeutiques ne seront pas mis en place, tant que toutes les dispositions relatives aux auteurs de crimes ne seront pas prises en amont, «  quand j’entends le mot réconciliation, je sors mon revolver ! »

GJK – L’Elève Certifié
De l’Ecole Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social

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