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LE RWANDA : UN MODELE D’ETAT RESILIENT POUR LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Par Alain LAMESSI

Certains pays africains ont connu des situations aussi catastrophiques sinon pires que celles qui ont précipité notre pays, la République centrafricaine, dans le chaos. Ils s’en sont sortis avec beaucoup de détermination. Leur réussite devrait nous inspirer. Au nombre de ces pays nous pouvons citer : l’Ethiopie, le Rwanda, l’Ouganda, l’Angola, le Mozambique, etc.

Dans ce florilège, le Rwanda et l’Ethiopie méritent une mention spéciale. Et le Rwanda précisément n’a plus cessé de récolter des félicitations de la part de tous les partenaires tout particulièrement de la part des institutions financières internationales tellement son rebond est spectaculaire et ses réussites éclatantes. Ce minuscule pays au cœur de l’Afrique est aujourd’hui cité par les spécialistes comme le meilleur exemple d’un Etat résilient.

Un détour dans le passé de ce pays, vingt-cinq fois plus petit que la République centrafricaine mais trois fois plus peuplé,  va nous rafraîchir la mémoire. En effet, l’histoire mouvementée du Rwanda s’est traduite depuis plus d’un siècle par une succession de guerres et d’exils occasionnant d’immenses pertes en vies humaines. Ce parcours à la fois tumultueux et dramatique est comme souvent exacerbé par cette haine viscérale et ancestrale entre les hutus majoritaires et les tutsis minoritaires. Tantôt monarchie, tantôt république et sous le regard condescendant du colon belge, le Rwanda a payé un lourd tribut à cause des massacres et des représailles dont sont hélas victimes les rwandais eux-mêmes depuis le 1er juillet 1962, date de la proclamation de son indépendance.

Pour bien mesurer le chemin parcouru il n’est pas vain de rappeler qu’en 1994, à la suite de  l’assassinat du Président Juvénal Habyarimana, la guerre civile a fait entre 800.000 et 1.000.000 de morts parmi les tutsis en à peine 90 jours. A titre de comparaison, c’est comme si toutes les populations de Bangui, de l’Ombella M’Poko, de la Lobaye et de la Mambéré Kadéï réunies étaient exterminées en même temps en seulement trois mois. Face à des drames si épouvantables, au lieu de déprimer et de se lamenter sur son sort, le Rwanda a su faire face à son destin. Il a rebondi de façon spectaculaire et à l’admiration de tous. Au lieu de sombrer et de disparaître, le Rwanda est né de nouveau de ses cendres. Et de quelle manière ! Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • Réduction du taux de mortalité infantile qui chute de 86‰ en 2005 à 50‰ en 2010.
  • Le taux de pauvreté a baissé de 25%.
  • Augmentation de l’espérance de vie à 64 ans.
  • Augmentation du taux de scolarisation qui se situe à 79% pour les garçons et 82% pour les filles.
  • L’économie est florissante avec un taux de croissance de 7 à 8% depuis 2001
  • Progression constante du PIB de $353 en 1990 à $ 620 en 2012.
  • La promotion et le respect des droits de la femme : 64% des députés sont des femmes.
  • Tolérance zéro pour le détournement.

En seulement vingt ans, le Rwanda a réussi là où beaucoup d’autres pays, pourtant sensément plus viables, ont trébuché ou trébuchent encore. En effet, il a réussi à  renforcer l’efficacité de l’Etat, à améliorer les services publics, à réduire le niveau de la pauvreté, à augmenter le PIB.

A ce niveau de réflexion une précision mérite d’être apportée. Le Rwanda n’est ni un pays producteur du pétrole, ni un exportateur du diamant ou de l’uranium. C’est une précision qui n’est pas superflue.

Comment un petit pays comme le Rwanda a-t-il pu obtenir de tels brillants résultats dans un laps de temps si court? Là encore, il est intéressant de noter qu’il ne s’agit pas de miracle comme aiment titrer certains journaux. Il s’agit d’une volonté politique forte qui a fixé des objectifs clairs et a élaboré une stratégie basée sur des points suivants :

  • Une aide financière massive. La communauté internationale n’a pas lésiné sur les moyens. Près de la moitié du budget du Rwanda est constituée par aides.
  • Volonté d’unir tout le peuple rwandais. Il n’y a pas d’esprit de revanche des Tutsis sur les Hutus et vice-versa.
  • Un leadership fort et pragmatique qui fixe le cap. On a parfois critiqué la rudesse du régime du Président Kagamé. Mais est-ce que la fin ne justifie-t-elle pas les moyens ? En tout cas, les résultats obtenus devaient faire taire certaines critiques.
  • Haut niveau de bonne gouvernance.
  • Faible niveau de la corruption.
  • Niveau élevé de sécurité.
  • Un plan de développement cohérent basé sur un vaste plan de transformation avec un développement massif des infrastructures : Vision 2020.
  • Soutien total de la population.
  • Impunité zéro : tous ceux qui sont impliqués dans le génocide sont poursuivis et condamnés. Les grands concepteurs sont poursuivis au niveau international, TPIR, et les autres au niveau des juridictions nationales.
  • Volonté d’apaiser les tensions intercommunautaires en mettant en œuvre un système traditionnel de règlement des conflits entre les voisins d’une même colline, le « Gaçaça ».
  • Mise en place du FARG (Fonds d’aide aux rescapés du génocide) : le FARG apporte appui et assistance aux rescapés du Génocide dans le domaine de la scolarisation, de l’accès au logement, aux soins de santé et aux financements des activités génératrices de revenus.
  • Mise en place de l’AVEGA (Association des veuves rescapées du Génocide) qui développe des  programmes d’appui aux veuves rescapées du génocide par la promotion et le développement des activités génératrices de revenus.
  • Mise en place du GIRINKA pour l’amélioration des moyens de substance avec d’un programme d’un bœuf par famille.
  • Mise en place de « Ubudehe-VUP »  qui apporte le soutien aux ménages les plus pauvres par l’accès aux services financiers et surtout par la création des emplois.

Ne soyons pas naïfs. Tout n’est pas beau, tout n’est pas rose dans le meilleur des mondes au Rwanda. C’est encore un pays pauvre avec des indicateurs du développement humain qui doivent encore être améliorés. Mais le chemin parcouru mérite notre respect.

La République centrafricaine peut et doit devenir un Etat résilient 

Lorsque vous voyagez en province et que l’autocar vient à être embourbé, tous les passagers descendent. Accompagnés du chauffeur et des apprentis, ils retroussent les manches et, dans un effort collectif, poussent le véhicule pour le sortir de la boue. C’est la condition de la poursuite du voyage pour espérer arriver à destination.

Aujourd’hui notre maison commune, la République centrafricaine, est délabrée. Le véhicule est embourbé. Pire il est même déjà tombé au fond du trou de l’histoire. Il faut, par conséquent, le sortir de la mauvaise passe et le mettre debout pour qu’il continue la marche en avant. Il y va de la survie de tout un peuple.

La situation de fragilité de la République centrafricaine maintes fois évoquée nous convoque à l’action dont l’unique objectif est sinon d’éradiquer du moins de réduire les nombreux facteurs de fragilité par le renforcement de nos capacités. La résilience interroge notre capacité collective à rebondir après de si graves crises à répétition qui ont eu de multiples conséquences sur la pérennité de la nation et sur le niveau de vie de la population.

Quelques conditions minimales à satisfaire pour une résilience effective en RCA

Est-ce que la République centrafricaine peut-il devenir un Etat résilient dans 10 ou 20 ans ? Telle est la question que l’on est en droit de poser en toute lucidité. En guise de réponse et sans être un devin, nous pouvons dire qu’être résilient pour la République centrafricaine est fort possible. Nous avons de grands atouts avec une jeunesse volontariste, un peuple travailleur, une terre fertile, un sous-sol riche et des ressources humaines de grandes qualités doublées d’énormes potentiels économiques. La République centrafricaine peut s’en sortir et devenir un Etat résilient pourvu que les conditions minimales suivantes soient remplies :

  • L’unité nationale comme priorité des priorités. L’unité, c’est la vie et la désunion, c’est la mort. L’histoire des peuples a montré que rien de grand ne peut se faire sans la nécessaire mobilisation de toutes les forces autour de grands objectifs communs.
  • L’instauration d’un dialogue national permanent. Bien souvent le dialogue a été considéré comme objectif. Le dialogue doit être considéré un moyen pour la cohésion nationale et la paix dans le pays.
  • Un leadership fort, cohérent.
  • Restauration de l’autorité de l’Etat
  • Une bonne gouvernance
  • La lutte contre l’impunité
  • Tolérance zéro à l’égard de la corruption et du détournement des deniers publics
  • La justice pour tous.
  • Satisfaire les besoins primaires de la population.

Plutôt qu’un catalogue de bonnes intentions, ces différents points mis en œuvre permettront de redonner la confiance au peuple.

J’admets volontiers que le Rwanda n’est pas la République centrafricaine. Tout comme je reconnais qu’on ne peut transposer l’expérience réussie d’un pays dans un autre. Néanmoins nous pouvons nous inspirer du modèle de la résilience du Rwanda pour sortir définitivement du cercle vicieux de la fragilité pour rentrer dans le cercle vertueux de la résilience.

Alain LAMESSI

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