EN VEDETTEL'œil de l'histoire

REGARDE D’OÙ TU VIENS

Par GJK

« Papa peux-tu m’expliquer s’il te plaît de quel pays sommes-nous, que faisons-nous ici et rentrerons-nous un jour chez nous ? »

Ainsi un jeune garçon d’une famille de mes connaissances, interrogeait son père, Centrafricain, immigré en France où il s’est installé depuis plusieurs décennies. La gorge nouée et les yeux en larmes, l’enfant avait poursuivi :

« chaque fois qu’on me pose la question et que je réponds je suis français, l’on s’empresse toujours de me demander : de quelle origine ? Et quand je dis Centrafrique, on n’est pas pour autant satisfait car l’on attend que je précise : Cameroun ? Tchad ? Congo ? Gabon ? Exaspéré, je lance souvent : Centrafrique de Centrafrique et puis c’est tout ! En réalité, je ne sais plus qui je suis, ce que je fais ici, où je vais. »

Vous ne pouvez imaginer à quel point cela fait mal aux entrailles d’entendre ces propos de la part d’un jeune en quête d’identité. Que dire alors, si le père ou la mère que vous êtes, se trouve lui-même dans la situation d’un Centrafricain né à l’extérieur – ou parti tôt -, et qui n’a de la RCA qu’une idée très vague, et des connaissances plus ou moins diffuses.

Par réflexe facile et normal de nos jours, l’on recourt naturellement à son ordinateur pour s’informer et trouver des réponses à ses questionnements. On entre par exemple le mot « Centrafrique » sur le moteur de recherche « google ». Puis on clique, une page s’ouvre, divers titres s’alignent. Á l’onglet « tous » par exemple, on tombe de suite sur Wikipédia qui, malheureusement, ne nous apprend pas plus que ce que nous savons, et aborde à peine les questions qui nous préoccupent. Plus loin, l’on croit pouvoir aller vite, en cliquant sur les images animées de Centrafrique, ou en visionnant les nombreuses vidéos consacrées à notre sujet.

Patatras ! Le vertige vous prend face à l’horreur qui vous surprend !

Entretemps, votre fils ou petit-fils plus doué en informatique que vous, ayant choisi de laisser tomber ses propres recherches, accourt vous trouver et lance tout de go : « parbleu papa ! Ce n’est pas un pays mais plutôt une jungle la Centrafrique ! Rébellions armées, crimes, vols, viols, sang, larmes, pauvreté, impunité, misère, corruption, gangstérisme, tribalisme, népotisme, affairisme, clientélisme, égoïsme, règlements de compte, chasse aux sorcières, suffisance, arrogance, vengeance, souffrance, décadence…la pagaille généralisée en somme ! »

Du coup, l’on réalise et trouve en même temps des explications à tous ces sourires dédaigneux et à cette condescendance marquée, qui accueillent presque systématiquement, la réponse « je suis Centrafricain » faite souvent à la fameuse question « de quelle origine êtes-vous ? »

Diantre ! Quel triste destin que celui du ce peuple condamné à patauger dans la marée basse du désespoir ?

Nous voici donc rendu à l’évidence et confronté à la réalité : on a et l’on doit avoir du souci à se faire si l’on tient à rassurer, à offrir à notre jeunesse, la jeunesse d’ici, de là-bas et d’ailleurs, quelques raisons d’espérer.

Á notre jeunesse sans repères fiables et dépourvue de repaires stables et prometteurs, à cette jeunesse qui ne sait ni de quoi demain sera fait, ni vers quoi elle se dirige, il convient de rappeler avant tout, l’adage du vieux sage africain : « Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens. »

En outre, le présent tel qu’il se vit sous nos yeux et on le voit bien chaque jour qui passe, ne semble aucunement offrir des perspectives rassurantes à la jeunesse centrafricaine. Cela peut se comprendre et se comprend d’autant mieux – malheureusement – que les actes et les acteurs désespérants qui font l’actualité quotidienne en Centrafrique n’ont plus rien à proposer que de tourner en rond comme des lions ou des singes en cage.

Aussi, comparé à ce présent gris, épouvantable et désolé de la RCA, son passé apparaît plutôt merveilleux et majestueux.

Ce passé gracieux et cette histoire glorieuse doivent servir la cause de l’avenir.

Et cela fait du bien, de constater et de noter avec émerveillement, qu’il suffit simplement et seulement de quelques images de l’ancienne Oubangui – Chari ou de la RCA des lendemains de l’indépendance, pour voir les cœurs se réjouir, susciter des échanges, et faire l’unanimité entre Centrafricains de tous bords, autour des lieux, des personnes, des souvenirs.

Sans doute, existe-t-il là, une piste à exploiter et une voie à emprunter vers l’une des directions qui mènent à des solutions de sortie de crise. Dans tous les cas, rien de tout ce qui peut y contribuer ne devrait  être négligé.

L’heure est déjà là, le moment est arrivé pour les Centrafricains, de convoquer l’Histoire de la RCA pour tirer toutes les belles leçons du passé, mieux appréhender le présent et bâtir en commun le meilleur avenir. Cela est possible. L’Histoire véritable, profonde et partagée de la Centrafrique et des Centrafricains, finira un jour, par réconcilier notre peuple avec lui-même, et à rassembler toutes nos populations au sein d’une même nation.

Et quand nos fils, nos filles et nos petits enfants auront découvert là où coulent le lait et le miel et d’où ils viennent, tous en chœur ils pourront entonner le chant du Cahier d’un Retour au Pays Natal, et chacun au plus profond de son âme pourra alors dire :

« Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : Embrassez-moi sans crainte… Et si je ne sais que parler, c’est pour vous que je parlerai».

Et je lui dirais encore :

Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir.

Et venant je me dirais à moi-même :

Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle,car une mer de douleurs n’est pas un proscenium, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse…»                                                                                                                                                    L’Histoire sauvera la RCA !

GJK- Guy José KOSSA

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