Éducation et santé

LES ENSEIGNEMENTS DE L’UPG N°3 : SEULE LA TERRE NE MENT PAS

Que l’on se souvienne toujours : la terre ne ment jamais.

Ainsi, Kolabingui et son ami Deganaï, suivis de Youssoufa et Adama, les deux enfants de Adadji Souleymane, faisaient partie des tout premiers jeunes paysans, qui avaient décidé d’intégrer les groupes de combattants, constitués en milice d’auto-défense villageoise, dans le but de défendre et protéger Guitilitimô, alors en proie aux graves exactions des troupes de la Séléka. L’aventure de ces quatre garçons, les mena petit à petit jusqu’aux portes de la capitale centrafricaine, Bangui, qu’ils découvraient pour la première fois. Machettes et armes en mains, ils prirent très rapidement goût à cette vie de soudards resquilleurs, – où la mort n’était pas pourtant si loin – l’ayant jugée plus facile et plus agréable, que leur rude existence passée de paysans rustres. La suite leur prouva qu’ils avaient tort, car ils durent regretter et condamner tout aussi rapidement, l’instinct aveugle qui les avait poussés pendant plusieurs mois, à se comporter en criminels sans foi ni loi. En effet, quand le vent contraire eut soufflé, du coup, tous les biens mal acquis qu’ils avaient passé leur temps à voler et accumuler entretemps, leur furent violemment arrachés, de la même manière qu’ils se les étaient procurés. En plus, ils manquèrent plusieurs fois de mourir. Aussi, les jeunes paysans qui avaient feint de ne plus savoir où ils habitaient, retrouvèrent tout seuls, le chemin de leur maison dès les premières gouttes de pluie, alors que même les villageois de Guitilitimô eux, avaient jugé mieux de les ignorer !

Sans en donner l’impression, ni prononcer leurs noms, c’est principalement à nos quatre « anciens combattants », que le patriarche vieux Mbi-na-ala-Midowa, ainsi que Guimôwara­-le-­savant, les deux éminents professeurs de l’Université Populaire de Guitilitimô (UPG), semblent avoir voulu s’adresser, à travers le thème choisi pour l’exposé de ce soir .

Aussitôt qu’il eut fini de saluer l’ensemble des participants présents dans l’amphithéâtre, Mbi-na-ala-Midowa, posa quelques questions d’usage à ses étudiants, et répondit par ailleurs à une série d’interrogations. Ensuite, le professeur laissa s’écouler environ cinq minutes de silence absolu, avant de se mettre à enseigner en ces termes :

« Les temps de disette ne sont que des épreuves passagères, les sillons fertiles arrivent toujours par produire les graines et les fruits du bonheur. Chers enfants de Guitilitimô, je vous dissëssë akè tênê nvènê pèpè : la terre ne ment jamais. De la terre, Dieu lui-même a tiré tout homme  qu’il ne fait qu’ébaucher  avant de le laisser venir au monde ; et c’est sur la terre que l’homme se crée, pour ensuite retourner à cette même terre, une fois son temps fini.

Quand l’être humain naît, c’est sur la terre d’un village qu’il atterrit. Mes chers enfants, levez les yeux et voyez. L’oiseau vole dans le ciel, mais n’oublie pas qu’un jour ses os tomberont par terre ! Et dites-vous bien, la plume de l’oiseau s’envole en l’air mais elle termine à terre. Je vous le dis et croyez-moi, le vieux se chauffe avec le bois récolté dans sa jeunesse. L’on appartient à sa « terre » tout autant que la terre nous appartient. Encore une fois, je voudrais que vous compreniez ceci : qui a planté un arbre n’a pas vécu inutilement. Toutes les fleurs de demain sont dans les graines d’aujourd’hui ; et on ne peut pas labourer, semer, récolter et manger le même jour. Travailler la terre, elle ne ment pas. Ce qu’elle doit faire, elle le fera. Il n’est jamais trop tard pour aller au champ. Il faut planter avant de moissonner, semer dans la tristesse avant de récolter dans la joie. Beaucoup de gens autour du plat et silence dans les champs, ne saurait construire ni un village, ni un pays. Sachez enfin, que pour celui qui sème le vent, la tempête sera aussi sa récolte. De même, celui qui plante trop près de la rivière, doit s’attendre à voir ses champs ravagés par l’hippopotame. A vous mes enfants je dis : aimez la terre, elle est notre maman jamais en colère. Elle pardonne tout, et c’est elle qui nous protège. Arrêtez de courir après l’aventure. Seule la terre est fidèle, elle ne ment pas. Qui parle, sème. Qui écoute, récolte. »

« Quant à moi chers enfants, – poursuivit  Guimôwara­-le-­savant – je me rappellerai toujours de ces sages paroles de notre Président-Fondateur, Barthélémy Boganda :

Si vous ne connaissez pas ma politique, la voici en deux mots : Justice et Travail. A l’administration, je ne demande que la justice ; au peuple Oubanguien, je ne demande que le travail pour le redressement du pays tout entier et je donne l’exemple du travail de la terre. (1)

Journalistes, politicards, colonialistes dominateurs, vagabonds affamés, nous avons d’immenses possibilités d’occuper votre temps.  Boganda ? Il est en train de planter des caféiers dans tout l’Oubangui.  Il ne fait pas de « politique » ; pour l’amour de Dieu, laissez-le travailler ! (2)

Je suis un paysan de la Lobaye, occupé à planter mes caféiers et mes poivriers. Vous connaissez l’âme paysanne. Jamais une autorité humaine, jamais un intérêt quelconque, n’a réussi à me faire quitter, ne fut-ce que pour une journée, mes terres de Bobangui(3). J’affirme et je soutiens, qu’un travail opiniâtre pour planter dans la terre Oubanguienne des dizaines de millions d’hectares de caféiers, nous donnera dans un avenir proche, les milliards de francs nécessaires pour faire vivre l’Oubangui et n’avoir plus besoin de tendre la main à la France.(4) »

Bêka le pygmée ainsi que le jeune Kparakongo, écoutaient attentivement Guimôwara­-le-­savant. Dès la fin de l’enseignement, l’un et l’autre, posèrent successivement, les questions suivantes :

« Baba kètè, singuila na ala. Boganda que vous citez si souvent et qui semble très attaché à la terre, n’était-il pas un moundjou voukou, qui a aussi été à l’école, comme ceux d’aujourd’hui ? S’il était président comme vous dites, comment se fait-il qu’il passait apparemment beaucoup de temps auprès des villageois, à cultiver la terre dont il en parle même mieux que nous autres, paysans de Guitilitimô ? Pourquoi tous ceux qui sont à sa place ou dans la politique aujourd’hui, ne font pas la même chose et passent leur temps à nous mépriser ? »

Après un court moment de silence, Guimôwara­-le-­savant déclara, qu’il n’avait aucune réponse à ces questions. Mais il s’empressa d’ajouter : « Tenez ! Bientôt vous verrez dans nos villages, de nombreux moundjou voukou ; ils viennent uniquement pour quémander vos votes afin de devenir président de la république ou député à l’assemblée nationale. Quand ils auront fini de débiter tous leurs discours et distribuer à chaque fois des T-shirt, pagnes et boissons, n’oubliez surtout pas de leur demander de vous dire : où sont leurs plantations et fermes agricoles ? Combien de Centrafricains emploient-ils ? Combien de jeunes paysans ont-ils envoyés en formation dans les écoles techniques en RCA ? ».

Sur ces derniers mots, Guimôwara­-le-­savant remercia les élèves d’avoir pris part aux enseignements du jour, et tout en silence, chaque villageois rejoignit sa case.

GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social

(1) – B. Boganda, Ecrits et discours J.D. Pénel page 296
(2) – B. Boganda « Elu de Dieu et des Centrafricains » par P. Kalck page 152
(3) – Enfin, On Décolonise… par B. Boganda page 13
(4) – B. Boganda « Elu de Dieu et des Centrafricains » par P. Kalck page

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