idée c/ idée de a.Lamessi

LA DISSOLUTION DU CONSEIL NATIONAL DE TRANSITION : UN VRAI FAUX DEBAT

Paraphrasant Goethe, poète et romancier allemand du XIXème siècle  qui avait dit : « chaque pas vers un but doit être lui-même un but », le Président Jacques Chirac a intitulé  le premier tome de son livre-mémoire « Chaque pas doit être un but ». Ce qui me plaît dans ce livre, ce n’est pas tant le dépucelage du futur homme politique à l’âge de 18 ans dans un bordel algérien, encore moins son attrait de l’hindouisme pendant sa jeunesse. C’est surtout le parcours combattant de l’animal politique qui s’apparente à une course de haies. Aujourd’hui, il n’est pas exagéré de dire qu’il a remporté cette course avec beaucoup de brio. C’est un homme heureux qui a laissé en héritage un pays debout et bien portant à ses successeurs.

Pendant plus de cinq décennies, notre pays a évolué sans boussole, ni gouvernail. Aucun objectif à atteindre n’a été fixé. Aucun cap  à suivre n’a été déterminé. Aucune méthode n’a été définie. Seule la prédation est érigée en système de gouvernement. La République centrafricaine a tourné en rond comme un bateau ivre dans une mer agitée. Au lieu d’avancer, nous avons reculé. Pire, nous n’avons plus confiance en nous-mêmes. Personne ne croit plus à personne. Tout le monde conteste tout le monde. C’est à croire que nous sommes devenus un peuple déprimé qui voit tout en noir parce que fatigué et triste.

Pourquoi dissoudre le CNT ? 

Au moment où la communauté internationale, dans un élan de solidarité jamais démentie, se mobilise pour venir en aide à la République centrafricain, un état failli et pour soulager les souffrances innommables d’un peuple meurtri, des voix rocailleuses, à peine audibles, s’élèvent pour demander la dissolution du CNT. Comme les féticheurs qui dansent le « nganga » dans la forêt de Bagandou, certains démocrates sincères, semble-t-il, en sont  réduits à gesticuler devant le parlement, pour se faire entendre. Une prestation certes gratuite mais qui n’attire pas foule. Néanmoins, une question me taraude et je n’hésite pas de la poser avec tout le calme et sérieux nécessaires: en quoi la dissolution du CNT peut-il faire avancer un tant soit peu la cause du peuple centrafricain ? Pour faire entrer quelques représentants de cette organisation criminelle qui continue hélas de semer deuils et désolations dans les familles centrafricaines a-t-on vraiment besoin de faire des tapages nocturnes ? Au moment où les Anti-balakas continuent de faire étalage de leur abjecte propension au déni de la vie et à un manque évident de considération des droits humains, surclassant en cela l’hydre à plusieurs têtes, la bien nommée Séléka, il est malsain de continuer de faire la promotion de ces diablotins.

Demander la dissolution du CNT au seul motif qu’il faut y intégrer les Anti-balakas est un peu court comme argument si ce n’est hélas cette « réduction vicieuse de la réalité ». C’est une exigence fondée sur une perception tronquée de la souffrance du peuple centrafricain. A moins que ce ne soit là encore le prétexte fallacieux trouvé par on ne sait quels parrains tapis dans l’ombre pour entrer par effraction dans les institutions de la République fussent-elles provisoires. Quelle est la plus-value que l’on peut bien espérer de la présence des Anti-balakas dans les réunions plénières ou dans les différentes commissions du CNT quand on sait par ailleurs toute la morgue dont leurs représentants ont fait preuve dans les différents gouvernements de transition ainsi qu’à la Présidence et à la Primature ?

Evidemment, nous ne sommes pas une contradiction près : On peut imaginer un scénario moins rocambolesque et plus simple. Ce qui est décidé par un arrêté peut être modifié par un autre arrêté. Le Premier Ministre peut décider en toute responsabilité d’intégrer par arrêté les représentants des Anti-balaka au sein du CNT. Le consensus sur ce point sera facile à obtenir. Quitte à en informer le médiateur en temps voulu.

Le CNT est un parlement à responsabilité limitée

Quand bien même ses membres ne sont pas élus mais cooptés, le CNT n’est pas moins un parlement. C’est bel et bien une Assemblée nationale dans la forme et dans le fond. Toutefois, il a des moyens d’action fort réduits.  En effet, la fonction législative ne pose aucun problème en ce que le Conseil National de Transition vote le budget de la nation, lève les impôts mais aussi vote les lois et ratifie les traités internationaux. Par contre la fonction de contrôle est volontairement réduite aux questions orales et écrites. Les concepteurs des organes de la transition centrafricaine avaient certainement voulu avoir une transition apaisée en évitant de mettre dans les mains du CNT trop de pouvoirs. Ce qui aurait eu l’inconvénient de fragiliser l’exécutif. A la crise, il ne fallait surtout pas ajouter une instabilité institutionnelle. C’est à dessein que le CNT est amputé de ce qui fait la force de tous les parlements en période normale : l’arme fatale, la motion de censure. Le CNT ne peut pas renverser le gouvernement de transition. Nous sommes dans le cas d’espèce où le Chef du gouvernement n’a pas obligation de faire la déclaration de politique générale, ni d’engager sa responsabilité devant le CNT qui à fortiori ne peut le démettre. D’aucuns auraient souhaité que le CNT jouât un rôle qui n’est manifestement pas le sien. Désolé, cela ne se passe pas ainsi.

Ceci étant, le CNT a tout le loisir de s’autosaisir des questions de portée nationale pour faire la lumière chaque fois que cela est nécessaire sans aller jusqu’à faire tomber le gouvernement. Pourquoi ne pas, par exemple, mettre en place une commission d’enquête pour faire la lumière sur les multiples cas d’assassinats des citoyens qu’ils sont sensés représenter ? Pourquoi ne pas mettre en place une commission d’enquête pour faire la lumière sur « l’angolagate » à la centrafricaine qui défraie la chronique depuis quelques jours et qui enlève toute crédibilité aux autorités de transition?

En plus de la rédaction de la nouvelle constitution en cours, il y a matières  à occuper nos parlementaires tout le temps que durera leur mandat provisoire. Cela présente deux avantages : primo il fera taire ceux qui pensent à tord ou à raison que les parlementaires de transition gagnent des millions de francs CFA à ne rien faire. Deuxio, il confirmera que le plus important reste après tout de laisser les traces de son passage pour la postérité.

Il ya des combats qui ne valent pas la peine d’être engagés tout comme il y a des prises de position dénuées de bon sens mais artificiellement motivées par une affectivité mal maîtrisée dont l’odeur colle à la peau comme le phéromone qui indique la présence d’un bouc. Aujourd’hui plus que jamais, il faut laisser le combat d’arrière-garde à ceux qui se complaisent de rester à l’arrière-garde. Notre énergie, toute notre énergie doit se concentrer pour résoudre la seule problématique qui vaille, la contradiction principale qui est et qui demeure la sortie rapide de la crise en République centrafricaine.

Alain LAMESSI

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Un commentaire

  1. Le débat sur le CNT, fondation du régime putschiste criminel Séléka constitue un impératif catégorique. La Charte Constitutionnelle issue du CNT n’est autre que le Statut et les règlements intérieurs d’une entreprise privée. S’ils sont mal rédigés et ou mal exécutés, l’entreprise sera mal gérée, et cela pouvant conduire a une faillite. Depuis le 24 Mars 2013, la RCA vit un régime d’exception marqué d’un saut de fer des criminels Séléka. La question est comment sortir de cette crise ? Il faut bien appeler un chat un chat, et commencer par refonder un autre état avec une nouvelle Assemblée Constituante et des nouevaux pouvoirs issus d’un consensus sincère et démocratique, et non des baillonettes des criminels islamisants, tels les ISIS combattus aujourd’hui en Irak et Syrie. Ne pas le faire c’est prolonger de manière certaine l’agonie du peuple. L’arrivée de la MINUSCA ouvre cette fenêtre d’opportunité, amplifiée par les dérives mafieuses de Catherine Samba-Panza et ses partisans familiaux-claniques-amicaux. Le débat sur la dissolution du CNT et ses dérivés, PR et PM, constitue bel et bien une urgence démocratique de survie du peuple centrafricain.

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