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CHRONIQUE DU CONFINEMENT : …ET J’AI RELU EDEM KODJO

Confinement oblige, l’on lit et l’on relit !

Et aujourd’hui, j’ai relu pour la ènième fois le togolais et panafricaniste « forcené », Edem KODJO, ancien Gouverneur du Fonds Monétaire International (FMI) de 1967 à 1973, mais surtout mondialement connu pour avoir occupé le poste Secrétaire Général de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA l’ancêtre de l’actuelle UA), de 1978 à 1982.

Edem KODJO a écrit en 1985 «… ET DEMAIN L’AFRIQUE », qui demeure sans conteste comme l’un des meilleurs essais sur l’Afrique écrit par un Africain. En tout cas, cet ouvra aura forgé la vision panafricaine et contribué à façonnée quelque peu la mentalité et le, mode de réflexion de la génération d’étudiants que nous étions à cette époque.

Je retrouve ici avec bonheur, quelques passages qui auraient pu servir à refroidir MACRON qui prononça le 8 juillet 2017 cette phrase malheureuse et maladroite dont le monde s’en souviendra : « Quand des pays ont encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien. »

Edem KODJO a quant à lui, une autre vision quand il écrit dans son livre :

« Prêcher la renaissance démographique du monde industrialisé d’une part et prôner la limitation de la croissance démographique du reste du monde de l’autre, n’a-t-il pas quelque chose de suspect ?

M. Gilbert Blardone, dans un ouvrage très détaillé et remarquable, démontre avec pertinence que la pression démographique ne constitue pas un obstacle au développement de la production, que les meilleurs résultats dans le processus de développement sont acquis par l’accroissement de la population active et de la productivité, enfin que les politiques pour accroître la production doivent avoir le pas sur les politiques pour faire décroître la population.

Quant à M. François Perroux, il s’interroge : « On demande de renoncer à procréer à des gens qui voient beaucoup de leurs enfants mourir avant cinq ans. Peut-on éviter qu’ils ne pensent que les Occidentaux prônent le génocide ? »

La population africaine actuelle, en dépit des problèmes que connaît le continent, peut en définitive être une force. Une force qui peut être judicieusement employée pour atteindre un optimum, au regard non seulement des ressources existant aujourd’hui mais de celles à développer demain. Comment arriver à mobiliser cette immense force de travail au service du développement économique de l’Afrique ? L’accélération de la croissance démographique en Afrique pose, il est vrai, en des termes graves la problématique population/développement. Par manque d’une politique d’organisation cohérente du développement, les pays africains ne parviennent pas à satisfaire les besoins fondamentaux essentiels d’une population relativement peu nombreuse. Un des facteurs essentiels à tout développement, la science et la technique, ne peut se concevoir sans les hommes dont la qualification a toujours apparu dans l’histoire comme l’élément primordial de la révolution et de l’expansion industrielles des grandes puissances économiques. Cet apport décisif des hommes milite en faveur de la croissance démographique de l’Afrique.

A l’heure où le taux de mortalité de sa population demeure encore élevé …l’Afrique doit s’attacher à soutenir un taux de natalité susceptible d’assurer le renouvellement des générations, car la croissance démographique représente un investissement pour le futur. Il est clair, quoi que proclament certaines organisations internationales, que la thèse malthusienne doit être considérée à l’envers : ce n’est pas la population qu’il faut réduire, ce sont les politiques économiques qu’il faut réformer. Le succès des réformes assure la croissance du niveau de vie des familles, qui s’imposent des efforts pour contenir le mouvement des naissances. L’Europe elle-même en a administré la preuve, avec la révolution industrielle, comme aujourd’hui les pays à revenu moyen d’Asie du Sud-Est, le Brésil et le Mexique, qui viennent tous d’entrer dans une phase de transition démographique.

Le futur, l’avenir, c’est ce qui commande et doit commander la vision des hommes politiques qui ont de l’ambition pour leur pays. Pour nous, Africains, il ne saurait être question de projeter le présent immédiat à l’horizon futur — une perspective qui n’est que catastrophe — mais plutôt de se fonder sur des réalités géographiques actuelles pour bousculer les données géopolitiques et géo-économiques afin de pousser l’ensemble du continent africain en tant que puissance dans le monde de demain, bref de forcer le destin. Malgré sa passivité présente, sa misère endémique, les facteurs géographiques, qui déterminent la politique des nations et des peuples, en ont toujours fait un des centres de gravité de la politique mondiale, même si l’histoire enseigne la très grande complexité de son évolution.

Disposer d’un vaste espace géographique a toujours, dans l’histoire, servi avantageusement les Etats dans leur transformation en grande puissance et disposer surtout d’une population abondante a constitué un élément décisif. La sécheresse, la désertification, la famine, les déficiences alimentaires qui pèsent sur l’Afrique ne doivent pas nous induire en erreur. Nous ne devons pas nous tromper de combat en nous acharnant à limiter la population alors qu’il s’agit de développer le continent.

Certes, des hommes de bonne volonté comme René Dumont et des experts soucieux de remédier à la situation de détresse du continent ont-ils quelque raison de penser ont-ils quelque raison de penser qu’il faut agir sur le facteur démographique pour l’infléchir dans un sens compatible avec les ressources actuellement disponibles. Ils s’alarment à bon droit, de l’évolution divergente du taux de production agricole (…) et du taux de croissance démographique (…). Ils s’inquiètent de l’appauvrissement des sols qu’accentuent l’exploitation continue de surfaces et la pratique tout à fait insuffisante de la jachère. Ils concluent que les politiques de réforme pour une croissance soutenue de l’agriculture doivent nécessairement envisager une certaine réduction de la croissance démographique. Il n’en demeure pas moins que le véritable combat est avant tout économique. C’est de développement qu’il s’agit et d’un développement qui mobilise les peuples dans un effort colossal et une prise de conscience collective et globale pour leur survie et leur promotion. Le reste sera donné par surcroît. Il ne sert à rien de se lancer dans des politiques malthusiennes sans lendemain, si, au préalable, cet effort global, ce tournant « révolutionnaire » (il n’y a pas d’autre mot pour le qualifier) n’est pas conçu et entrepris.

L’immensité de l’espace géographique offre des atouts au double plan des possibilités de cultures et de ressources minérales qui ne peuvent que favoriser un développement conçu et mis en application par une population à haut niveau de qualification technique et administrative. Élément essentiel du développement économique et du progrès social, de la puissance militaire, le facteur démographique ne saurait être négligé par les Africains : c’est dans sa masse démographique que l’Afrique trouvera les ressources humaines suffisantes et indispensables à la maîtrise de son espace géographique. Cette population créera une forte demande intérieure sans laquelle aucun processus endogène et auto-entretenu ne saurait être mené avec succès. Cette masse démographique constitue également un élément de poids dans les transformations qui s’opèrent sous nos yeux sur la scène politique mondiale. Placée par le hasard de l’histoire à la tête d’une expansion démographique accélérée, l’Afrique a toutes les chances – comme aux temps historiques – se redresser pour constituer de nouveau une puissance qui compte et qui pèse dans l’ordre international futur. Pour ce faire, il faut laisser aux Africains la possibilité de se mouvoir partout sur le continent, ce qui suppose une conception volontariste de la politique des migrations internes et du peuplement global de l’Afrique.

Au-delà des débats houleux…sur la population…un fait demeure, que les Africains doivent garder en mémoire : le développement est la clef du succès, la démographie un facteur de développement. »

Edem KODJO ( …Et Demain l’Afrique)

 

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