Chronique du Village Guitilitimô

DÉFILÉ DU 1er DÉCEMBRE 1968 À BANGUI

Par GJK

Nous étions au début de l’année scolaire 1968-1969. Et c’était à cette époque, que je fis ma première rentrée à l’école. À l’école maternelle Cité Christophe de Bangui plus exactement. Elle était autrefois située au quartier SICA 1, au niveau de l’actuel terrain de jeu Bonga-Bonga. En ces temps, les années scolaires débutaient tous les 1ers du mois d’octobre en cours, et elles se clôturaient les 30 juin de l’année suivante. Soit en tout, neuf (9) mois serrés de scolarité, vacances de Noel et de Pâques ainsi que jours fériés et chômés compris.

Le 1er décembre 1968, les Centrafricains, pour la dixième fois en cette année-là, commémoraient la date du 1er décembre 1958, jour heureux de la proclamation officielle de la République centrafricaine (RCA), par feu le Président Fondateur Barthélémy Boganda. Ce jour avait signé la disparition définitive de l’ancien Oubangui- Chari, qui rappelle l’époque du travail forcé, la chicotte et tous les mauvais traitements infligés autrefois par les colons.

C’était aussi en ce 1er décembre 1968, que le Chef d’Etat de l’époque, le colonel Jean-Bedel Bokassa, après le coup d’état de la nuit de la Saint Sylvestre 1966, qui lui avait permis d’accéder à la magistrature suprême, présidait pour la seconde fois, les cérémonies nationales de cette grande fête de la Proclamation.

Et comme aujourd’hui en ce jour du 1er décembre 2016 où l’on célèbre pour la 58ème fois cette date mémorable, cet anniversaire, depuis ses origines, a toujours donné lieu – à une ou deux exceptions près -, à diverses manifestations, dont notamment le très grand défilé sur l’avenue réservée à cet effet. À ce défilé organisé, prennent part généralement, toutes les  différentes composantes de la nation centrafricaine.

Et le défilé auquel j’allais pour la première fois participer en ce jour du 1er décembre 1968 en tant qu’élève de l’école maternelle cité Christophe dirigée naguère par Madame Gertrude Dallot Befio, se déroulait en ce temps, sur la grande Avenue Barthélémy Boganda. Vue de mon enfance, cette belle avenue, était grande et très large, et elle était séparée à part égale de part et d’autre, sur toute sa longueur, par une plate-forme, où trônaient de grands lampadaires pour éclairer dans ses deux sens la chaussée quand il venait à faire nuit.

La longue file du défilé du 1er décembre, partait souvent du marché central ou plus loin encore, et devait passer devant les différentes tribunes, notamment la tribune officielle que l’on implantait à l’occasion – si ma mémoire est bonne -, à la hauteur du building administratif. Et comme d’habitude lors de cette manifestation, ce jour du 1er décembre 1968, il y avait grand monde. Les uns étaient venus prendre part au défilé, les autres pour voir passer et admirer ceux qui défilaient, et partout, circulaient des vendeurs, tandis que chantaient, criaient et dansaient des foules immenses. C’était vraiment une très grande fête.

Et voici que notre école venait de passer devant la tribune officielle, suivie d’autres élèves et plusieurs autres encore. Arrivés presque au niveau du Pont Dékongo, derrière nous,  il y eut juste en ce moment-là, une forte détonation. S’ensuivit aussitôt, une grande débandade, et la foule se mit à se disperser sur le coup. Or, du côté des tribunes, rien en apparence n’avait bougé. Ou alors, on s’était maîtrisé.

Mais que c’était-il passé alors ? De mémoire de bambin, j’entendis à l’époque, certaines personnes attribuer ce grand mouvement de panique, à une folle échappée d’un certain nombre de chevaux, montés par des cavaliers de la Garde Républicaine, tout vêtus, je me souviens encore, de leur belle tenue d’apparat de couleur rouge, képi en tête, et aux pieds, des paires de chaussures Rangers noires, revêtues en partie à l’extérieur d’une lamelle de cuir blanc. C’était, semble-t-il, les bruits de roulement de canon, qui avaient dû effaroucher les chevaux. Et dans leur course folle, les mammifères avaient en ce moment-là, déclenché dans la foule, le sauve qui peut général. Du coup, l’on s’était mis à fuir avant de se raviser, mais pas totalement. En plus, comme tout le monde avait encore présent en tête les événements de la nuit de la saint Sylvestre, nuit du fameux coup d’état de l’an 1966, les esprits fébriles ne pouvaient que suspecter une autre aventure du genre.

Aussi, je me revois encore, le regard hagard, ne comprenant rien à ce qui se passait tout autour de moi. Alors que toute la marée humaine présente sur les lieux s’enfuyait, et que moi-même j’aurais pu faire autant pour regagner le domicile familial dont je voyais la toiture d’où je me trouvais, je n’ai pu cependant m’échapper. Nos monitrices de la maternelle, visiblement très inquiètes, paraissaient cependant avoir gardé tout leur sang froid. Et telles des mères poules veillant sur leur couvée, elles s’activaient à nous rassembler tous en un seul et même endroit. On les entendait crier des noms et interpeller tel ou tel autre élève, avant de courir dans tous les sens, pour essayer de rattraper ceux qui s’étaient éloignés ; et juste le temps de les ramener, elles repartaient à nouveau chercher certains d’entre nous, qui s’étaient encore égarés entretemps, et qu’il fallait à tout prix rattraper et ramener au niveau du groupe, ainsi de suite. La grande panique dura environ une bonne trentaine de minutes. Ensuite, il avait fallu nous conduire tous à pied vers l’école, située non loin de là, où les parents étaient censés venir nous chercher. À notre passage, j’aperçus ce jour mon oncle qui criait mon nom au milieu de la foule ; et dès qu’il m’eut reconnu, son visage s’éblouit de la joie de m’avoir retrouvé sain et sauf. Aussitôt, après avoir demandé et obtenu l’accord de madame Adèle ma monitrice de l’époque qu’il connaissait, mon oncle me souleva et me posa, assis à califourchon sur ses deux épaules, comme il aimait bien le faire, chaque fois qu’il venait me chercher à l’école. Il me retenait ainsi par les deux jambes, et moi je m’accrochais des deux mains à sa tête pour ne pas tomber. Et à pas pressés, nous regagnâmes notre maison qui se situait dans les environs de la place du défilé.

De ce jour trouble de la cérémonie de défilé 1er décembre 1968, je m’en souviens encore. Et tous ceux qui l’ont vécu comme moi, vous le confirmeront sans doute, quand bien même cela n’est pas de nature à rajeunir notre génération de quinquagénaire et celle de nos aînés.

Que soit à jamais défendue, la mémoire du Grand Homme, le Président- Fondateur Barthélémy Boganda, qui proclama en ce jour du 1er décembre 1968 la naissance de la RCA. À l’occasion, il n’avait point manqué de doter le pays et de nous léguer en la circonstance, UNITÉ-DIGNITÉ-TRAVAIL, notre devise nationale, que l’on retrouve gravée sur les armoiries de la République, sur les papiers à en-tête officiels de nos bureaux, et presque partout au fronton de nos murs, devise souvent assortie de ZO KWE ZO – Tout Homme est Homme -, une version centrafricaine et un véritable condensé de la Déclaration Universelle des Droits de l’HOMME et du Citoyen.

BONNE FÊTE À VOUS TOUS MES CHERS COMPATRIOTES, D’ICI, DE LÀ-BAS ET D’AILLEURS!

GJK-Guy José KOSSA
L’Élève Certifié du Village Guitilitimö

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Un commentaire

  1. Monsieur Camille Fambikakoye,
    Prenez la peine de lire l’article de GJK.
    Nulle part , il n’est dit que la République centrafricaine fut proclamée le 1er décembre 1968.
    L’auteur s’est contenté de narrer la première fois où en tant qu’élève de la Maternelle, il prit part au défilé du 1er décembre 1968 – étant entendu que Barthélémy Boganda était décédé depuis le 29 mars 1959 et qu’on fêtait à l’époque la dixième cérémonie de proclamation de la République.

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