Libre opinion

UNE ELECTION SINGULIERE, DES CANDIDATS INSOLITES

Par Passi Keruma

La singularité de cette élection s’est définie par son contexte, son organisation, son enjeu mais aussi par le profil de ses candidats. Jamais une élection n’a généré tant d’engouements, de passions, de spéculations et de fantasmes en Centrafrique. Elle a drainé toutes les couches de la population vers les urnes d’une manière ou d’une autre. Chaque centrafricain a eu l’occasion de s’exprimer librement même si les contestations, les fraudes et quelques entorses électorales n’ont pas manqué d’être au rendez-vous comme, d’ailleurs, toutes les élections en Afrique. Les différentes figures politiques centrafricaines s’y sont représentées des plus nantis au plus démunis. On avait tout comme dans une foire: des acteurs, des cirques et des décors.

De plus, il convient de préciser que cette élection s’est aussi singularisée par la pléthore des candidats, trente. Cela semble avoir battu tous les records de candidatures présidentielles sur la planète, et notamment en Afrique. Malheureusement, une vingtaine de candidats n’ont pas pu atteindre plus de 5%. Les 1 million d’électeurs ont su faire la part des choses. Les critères classiques tels que: appartenir à un grand parti politique, être populaire, utiliser de grands moyens pour les campagnes, etc. ont été déjoués de tout pronostic.

Par ailleurs, il y a lieu de s’attarder sur les contestations. D’abord, il faut souligner que c’est la première fois que tous les candidats partent sur les mêmes pieds d’égalité. Il n’y a pas eu de président sortant même si, au-delà de toute attente, la présidente de la transition a été accusée par de mauvaises langues d’avoir favorisé un candidat. Ce qui n’en était pas le cas. Les résultats ont formellement démenti tous ses détracteurs. Rien d’étonnant! Ne l’oublions pas, l’un des vices bien ancrés dans les mœurs centrafricaines : ce sont les rumeurs et les spéculations.

Remarquons aussi une autre chose. Généralement, les contestations se font après la proclamation définitive des résultats, mais il est inédit de remarquer que plus d’une vingtaine de candidats dont la plupart n’ont pas atteint la moitié de 5% ont désapprouvé les résultats dès le début du dépouillement. Ce qui n’a pas laissé les observateurs indifférents sur les comportements étranges de ces malheureux candidats. Heureusement, la raison a pu remporter sur cet aveu d’échec imminent.

Il est à noter sans détours que cette élection du 1° tour a été émaillée de beaucoup de surprises. Nous en retiendrons quelques-unes parmi tant d’autres. Au départ, les candidats dits de « poids lourds » étaient déjà prédestinés à une victoire inéluctable par certains observateurs. Tous les pronostics se portaient sur les deux grands partis politiques, notamment le MLPC de Martin Ziguélé et le RDC de Désiré Zanga Kolingba bien implantés dans le paysage politique centrafricain. Mais la première surprise, c’est de voir ces deux candidats de ces deux grands partis éliminés au 1° tour. Personne ne s’y attendait même s’il y a eu des signes précurseurs pour l’un des deux. La deuxième surprise, ce sont deux anciens PM qui se qualifient pour le 2° tour avec de très faibles résultats : Dologuélé et Touadéra. Ces deux-là ont quelques points communs qui font d’eux des candidats insolites. D’abord, ce sont des anciens PM de deux différentes écoles politiques mais liées d’une manière ou d’une autre aujourd’hui au parti KNK de l’ancien Président Bozizé pour le besoin de la cause.

C’est pourquoi, à ce deuxième tour, le paysage électoral deviendra clair et dégagé de toutes confusions égoïstes et partisanes, mais ce sera aussi embarrassant. Car, l’embarras se trouve au niveau des militants de parti travailliste KNK. Ils ont un leader incarné du KNK qui est maintenant au 2 tour même s’il en a été exclu. Pourtant, il a toujours voulu être fidèle à son parti mais cette vélléité de poser sa candidature lui a causé du tort. Sera-t-il pardonné et reconsidéré comme un enfant prodigue de son parti? En Afrique, le succès d’un homme peut parfois réparer tous ses torts. En sera-t-il ainsi le cas ici?

En effet, la troisième surprise est un dilemme de choix idéologique. Qui des deux les militants de KNK choisiront-ils? Vont-ils assurer la continuité de leur ligne idéologique ou vont-ils épouser une autre idéologie? Il convient de rappeler que l’ancien PM Touadéra incarnait ou incarne encore l’idéologie du parti KNK. Ce même Parti soutient officiellement par alliance son adversaire du 2° tour Dologuélé qui, il faut le souligner, est d’un autre bord politique. Certains militants KNK récusent, d’ailleurs, cette alliance qu’ils jugent contre -nature.

In fine, cette question cruciale implique tous les électeurs centrafricains. A ce 2° tour, voteront-il un homme ou un programme inspiré d’une idéologie politique ? Un peu comme aux USA où l’on est démocrate ou républicain, en France où l’on est de gauche ou de droite, en Angleterre où l’on est travailliste ou conservateur, ou ailleurs où l’on est libéral ou anti-libéral? To be or not to be, that is the question. Car, c’est une nouvelle expérience démocratique pour le peuple Centrafricain. Et c’est la plus grande singularité de cette élection. Au-delà des considérations partisanes, ethniques ou affectives, le centrafricain est interpellé aujourd’hui à une nouvelle option électorale : c’est de choisir une posture idéologique.

La Centrafrique retrouve ainsi sa nouvelle voie démocratique parsemée d’innovations, de singularités et de choix ultime. Comme quoi,  » A quelque chose malheur est bon ». En d’autres termes, comme nous le confime Michael Girardi avec raison: « Les leçons du malheur nous en apprennent plus que celles de Socrate et de Platon réunies » . Que Dieu bénisse ce 2° tour et que le meilleur gagne pour le bonheur du peuple centrafricain !!!

Passi Keruma

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Un commentaire

  1. La logique voudrait que tout le KNK et je bien TOUT, , se range derrière Touadéra car l’accord signé avec le parti URCA de Dologuélé est effectivement contre nature et s’explique par les velléités d’être amnistié aux fins de retourner au pays que nourrit Bozizé.
    Ce dernier se croyant aussi indispensable et incontournable sur l’échiquier politique centrafricain .Ce qui est fondamentalement FAUX

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