Chronique du Village Guitilitimô

KÊTÈNGUÉRÉ CHEZ PETIT MACRO

Par GJK
L’Élève Certifié du Village Guitilitimö
Immigré au village frère de KOUÂKÊMBI

Suite aux multiples déconvenues subies à Karazo son pays natal, le jeune pharmacien et promoteur « malheureux » de l’officine Zikobéla-Zivoundou, Docteur Agbâ-Mozâ, s’était finalement réinstallé en France sa terre d’adoption et pays d’origine de son épouse. C’est d’ailleurs grâce à son beau-frère – un Agent des services secrets -, que Agbâ-Mozâ peut donc raconter avec exactitude à son ami Baba-Kitê le doyen – désormais reclus dans un « Ledger des pauvres » de Karambi la capitale de Karazo -, tous les détails de la visite accordée malgré lui, par le Président Petit Macro de France, au Président démonCrassiquement venu de la République DémonCrassique de Karazo, son excellence Kêtènguéré-Lonaélo-Langögba qui s’était éreinté avant de réussir à arracher ces quelques minutes d’audience. Et voici comment celle-ci s’est déroulée :

Petit Macro : Bonjour une fois de plus Monsieur le Président et très heureux de vous recevoir ici pour la première fois dans cet auguste Palais présidentiel de l’Elysée.

Kêtènguéré : Oui Monsieur, moi aussi je suis très content, vraiment content de venir ici.

 Petit Macro : Asseyez-vous donc Monsieur le Président

(Kêtènguéré se dirige vers un fauteuil placé plus loin et Petit Macro le rattrape)

Petit Macro : Non pas par là Monsieur le Président mais plutôt par ici

Kêtènguéré : Excusez-moi Monsieur

(Petit Macro arrive à se contenir mais se retourne et parle à l’oreille d’un Agent de protocole : « vous êtes sûr que c’est bien lui le Président qu’on devait recevoir ? Et l’Agent de répondre : Je vous le confirme Monsieur le Président mais c’est souvent difficle avec certains rois-nègres)

Petit Macro : Monsieur le Président KeteKeteeuh… j’ai un peu de mal à pronon…

Kêtènguéré : Oui Monsieur. Kêtènguéré c’est moi. Vous faites bien  de détacher mon nom. « Kêtè » qui veut dire « petit » et « Nguéré » qui signifie prix dans notre langue nationale. Autrement dit « petit prix »  ou « moins cher«  parce que moi, contrairement aux autres, je ne vends pas cher mes produits Monsieur.

Petit Macro : Ah oui ! Vous avez un très beau nom en effet. Mais je crains de me tromper Monsieur le Président. Vous êtes Chef d’Etat et non vendeur que je sache. Et si c’est le cas, que vendez-vous donc Monsieur le Président ?

Kêtènguéré : Oui Monsieur. Je suis Président-commerçant. Comme tous mes prédécesseurs. Je vends surtout du diamant. Beaucoup de diamants lors de mes voyages à l’étranger. D’ailleurs je vous offre une pépite en cadeau, pour votre élection et parce vous avez voulu me recevoir Monsieur.

(Kêtènguéré plonge sa main dans la poche intérieure de sa veste pour en extraire le diamant et Petit Macro l’arrête sèchement)

Petit Macro : Arrêtez vos élucubrations de ripou Monsieur le Président s’il vous plaît. Je ne suis pas Giscard D’Estaing II. Et vous non plus n’êtes pas devenu Bokassa II que je m’en souvienne !

Kêtènguéré : Oui Monsieur. Bokassa c’est mon modèle mais je n’arrive pas à commander comme lui. Giscard D’Estaing ne vous en faites pas Monsieur. J’ai aussi pensé à lui pour ses derniers jours. On ne résiste pas au diamant qui brille plus que l’or

Petit Macro : Décidément vous êtes un incorrigible pervers Monsieur le Président.

Kêtènguéré : Oui Monsieur.

Petit Macro : Mais enfin Monsieur le Président ! Arrêtez de me parler de diamant, et surtout de me dire à chaque fois « oui Monsieur, oui Monsieur ». Je finirai par croire que je suis  De Gaulle en face de Bokassa en train de lui servir toutes les secondes  du « oui papa, oui papa ».

Kêtènguéré : Oui Monsieur. J’ai compris Monsieur.

Petit Macro(excédé): Passons donc à l’objet de votre visite si vous le voulez bien Monsieur le Président. Et puisque vous avez tant insisté pour me parler, je vous écoute.

Kêtènguéré : Oui Monsieur. Je viens vous demander, à vous et à la France à travers vous de nous aider. Oui Monsieur, aider notre pays. C’est dur, très dur. Les gens qui ne sont pas au pouvoir souffrent beaucoup et meurent tous les jours. C’est pas ma faute Monsieur.

Petit Macro : Excusez-moi Monsieur le Président. Jusqu’à présent je ne vous suis pas bien.

Kêtènguéré : Oui Monsieur. Aidez-nous Monsieur. Pardon aidez-nous.

Petit Macro : Monsieur le Président, à vrai dire j’ai vraiment du mal à comprendre ce que vous entendez par aidez-nous. Mais qu’à cela ne tienne, m’auriez-vous déjà fait parvenir peut-être un dossier de vos doléances comportant surtout les différents types d’aide que vous sollicitez ainsi que leurs affectations et procédures d’utilisation ?

Kêtènguéré : Non Monsieur. Je suis Président. C’est le travail du Premier Ministre qui lui aussi ne fait rien. J’ignorais qu’il fallait amener un dossier. En gros, nous avons surtout besoin d’argent et de beaucoup d’argent pour faire beaucoup de choses. Et je sais que la France peut nous aider Monsieur.

Petit Macro : Parlant d’argent, Monsieur le Président, tenez et lisez s’il vous plaît ce dossier.

(Petit Macro suit attentivement du regard Kêtènguéré dont la mine déjà défaite à l’arrivée est maintenant complètement déconfite,  et laissant voir couler sur ses joues des grosses perles de sueur )

Petit Macro : Ainsi donc Monsieur le Président, vous êtes un pays de dirigeants corrompus ?

Kêtènguéré : Oui Monsieur. Les autres l’étaient aussi.

Petit Macro : Je ne parle pas des autres Monsieur le Président mais de vous. Voyez-vous, en moins de deux ans Monsieur le Président, vous, votre Premier Ministre en tête de vos proches collaborateurs et complices, vous valez déjà au titre des biens mal acquis, plus que le budget du pays que vous êtes venu demander à la France d’aider.

Kêtènguéré : Ce n’est pas moi Monsieur. Ce n’est pas ma faute Monsieur.

Petit Macro : Mais au fait c’est qui le Président de la République de Karazo ?

Kêtènguéré : C’est le Premier Ministre qui dirige Monsieur. Dans notre couple au pouvoir, c’est lui qui décide et je signe. Á vrai dire, sans lui je n’existe pas. S’il n’est pas là je disparais en même temps. D’ailleurs si vous avez bien lu Monsieur, il a volé plus que moi. Il est à 8 millions d’euros tandis que j’en suis à seulement 30 millions d’euros. Mais cela, parce qu’il ne le sais pas. Il ne sait pas que je me débrouille bien avec la vente de mes diamants dont il ignore à présent les circuits. Je dis la vérité et rien que la vérité Monsieur.

Petit Macro : Je comprends Monsieur le Président que c’est le Premier Ministre qui a été élu et non vous ?

Kêtènguéré : Oui Monsieur c’est lui le vrai chef.

Petit Macro : Si telle est la situation, nous pouvons donc considérez que vous êtes un Président de transition ?

Kêtènguéré : Oui Monsieur, mais s’il vous plaît, laissez-moi juste le temps de me servir encore un peu sinon je risque de devenir aussitôt pauvre. D’ailleurs il y’a encore d’importantes mines de diamants que je négocie avec mes amis de la rébellion qui ne font que tuer. Dès mon retour je mettrai les bouchées doubles maintenant que vous pensez à me faire éjecter.

Petit Macro : Je n’ai rien dis de cela Monsieur le Président. La France elle aussi ne protège que ses intérêts en RCA. Mais dites-moi, Monsieur le Président, de vos citoyens qui meurent chaque jour, vous n’en avez donc rien à faire ?

Kêtènguéré : Oui Monsieur. Ce n’est pas ma faute. Je suis élu.

Petit Macro : C’est vraiment triste Monsieur le président. Retenez néanmoins une chose à partir de cet instant : « on ne peut pas laisser en place un président qui n’a rien pu faire, voire qui a laissé faire ».

Kêtènguéré : Vous aller m’enlevez Monsieur ? Et les diamants s’il vous plait ! Les beaux diamants, mes adorables diamants. Ah il m’a tué. Le premier Ministre m’a tué ! Et ce qui me encore très fait mal, c’est que je ne peux même le regarder en face pour lui dire qu’il m’a tué !

Petit Macro (à son protocole): Faites-lui relire le petit papier pour le communiqué conjoint. Soyez très bref. Même si on est sûr qu’il va malgré tout bégayer et même se tromper de mots. Qu’il s’efforce de lire sans rien ajouter, je n’ai pas de temps à perdre. Quant à moi je vais pour une fois garder les yeux sur mon papier. Je trouverai comment faire passer le message d’une « présidence de transition » ainsi que celui de « pays de dirigeants corrompus »

Mon cher Baba-Kitê le doyen, c’est exactement ainsi que les choses se sont déroulées pendant les trente minutes qu’a duré l’audience de Kêtènguéré chez Petit Macro. Que personne ne te trompes. D’ailleurs, en vieux routier de l’administration que tu es, tu peux suivre et analyser attentivement la vidéo que je t’envoie en pièce jointe, ainsi que les commentaires des journaux. Ce n’est pas pour rien que les services chargés de communication à la présidence karazoënne sont restées presque muettes.

Je me demande une fois de plus si Kêtènguéré lui-même n’a pas suffisamment pris conscience de ses limites. Cette visite était-elle nécessaire ? Kêtènguéré n’a-t-il pas trop forcé tout en sachant que Petit Macro risque de ne jamais le recevoir – du moins pas de si tôt – en visite officielle ?

Et Petit Macro a de quoi inquiéter quand il utilise plusieurs fois des tournures diplomatiques : « accompagner la transition de la Centrafrique » pour éviter de dire clairement que Kêtènguéré est le troisième Président d’un régime de transition qui se poursuit ; « renforcement de la lutte contre la corruption », pour bien signifier que celle-ci égale un niveau jamais atteint, et que les la France va traquer tous les avoirs de ces dirigeants qu’il a désormais à l’œil.

Baba-Kitê mon aîné, mon frère ! Plus que jamais des sanglots m’étouffent.

GJK-Guy José KOSSA
L’Élève Certifié du Village Guitilitimö
Immigré au village frère de KOUÂKÊMBI

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