Chronique de GJK

LE RÊVE CENTRAFRICAIN DE MARTIN LUTHER KING

« Il y a un peu plus d’un demi-siècle de cela, un grand Oubanguien qui vous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique, signait votre acte d’émancipation en créant la République Centrafricaine. Cette proclamation historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de l’espérance aux yeux de milliers d’Oubanguiens, marqués au feu d’une brûlante injustice coloniale. Ce fut comme l’aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de leur domination.
Mais plus de cinquante ans ont passé, et le Centrafricain n’est pas encore libre.
Plus de cinquante- ans ont passé, et l’existence du Centrafricain est toujours tristement entravée par les liens du sous-développement, les chaînes de l’ignorance; plus de cinquante ans ont passé et le Centrafricain vit encore sur l’île solitaire de la pauvreté, dans un vaste océan de richesses inexploitées; plus de cinquante ont passé et le Centrafricain languit toujours dans les marches de l’Afrique et se trouve en exil dans son propre pays.

C’est pourquoi vous devez sortir aujourd’hui de votre silence pour rendre manifeste cette honteuse situation. En ce sens, vous ferez monter avant tout votre colère, aux autorités de votre pays pour toucher un chèque.
En traçant les mots magnifiques qui forment votre devise, Unité-Dignité-Travail, et votre hymne national, la Renaissance, le Fondateur de votre République, Barthélémy BOGANDA, signait une promesse dont héritait chaque Centrafricain.
Aux termes de cet engagement, tous les Centrafricains, de souche, oui, aussi bien que les non-centrafricains, se verraient garantir leurs droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur.
Il est aujourd’hui évident que la Transition a failli à sa promesse, en ce qui concerne la prospérité, la paix et la sécurité des Centrafricains. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, la Transition a délivré au peuple Centrafricain un chèque sans valeur; un chèque qui est revenu avec la mention « Provisions insuffisantes ». Vous ne pouvez, croire qu’il n’y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en votre pays.

Aussi êtes-vous en droit d’exiger d’encaisser ce chèque, un chèque qui vous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice.Vous êtes également en droit à travers cette réflexion pleine de sagesse, de requérir de la Transition, les exigeantes urgences de l’heure présente.

Il n’est plus temps de se laisser aller au luxe d’attendre, ni de prendre les tranquillisants des demi-mesures. Le moment est maintenant venu de réaliser les promesses de la démocratie; le moment est venu d’émerger des vallées obscures et désolées des exécutions et des exactions, pour fouler le sentier ensoleillé de la justice sociale; le moment est venu de tirer votre nation des sables mouvants de l’injustice sociale pour la hisser sur le roc solide de la fraternité; le moment est venu de réaliser la justice pour tous les enfants du Bon Dieu. Il serait fatal à notre nation d’ignorer qu’il y a péril en la demeure. Cette étouffante saison sèche du légitime mécontentement des Centrafricains ne se terminera pas sans qu’advienne une saison pluvieuse vivifiante de liberté et d’égalité.
Il n’y aura plus ni repos ni tranquillité pour la Transition tant que le Centrafricain n’aura pas obtenu ses droits de citoyen. Les tourbillons de la révolte continueront d’ébranler les fondations de votre nation jusqu’au jour où naîtra l’aube brillante de la justice.

Mais il est une chose que je dois dire à votre peuple, debout sur le seuil accueillant qui mène au palais de la justice : en vous assurant votre juste place, ne vous rendez pas coupables d’agissements répréhensibles.
Ne cherchez pas à étancher votre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Livrez toujours votre bataille sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Il ne faut pas que votre revendication créatrice dégénère en violence physique. Encore et encore, il faut vous dresser sur les hauteurs majestueuses où vous opposerez les forces de l’âme à la force des armes.
Le merveilleux soulèvement citoyen qui s’est nouvellement emparé des Centrafricains, ne doit pas vous conduire à vous méfier de tous vos frères et sœurs étrangers. Comme l’atteste leur présence depuis des temps immémoriaux en Centrafrique, nombre de vos sœurs et vos frères, ont compris que leur destinée est liée à votre destinée. Ils ont compris que leur liberté est inextricablement liée à votre liberté. L’assaut que vous devrez monter ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée civile citoyenne. Vous ne pouvez marcher tout seuls au combat. Et au cours de votre progression, il faut vous engager à continuer d’aller de l’avant ensemble. Vous ne pouvez pas revenir en arrière.

Il en est qui demandent aux Centrafricains révoltés : « Quand serez-vous enfin satisfaits ? » Vous ne pourrez jamais être satisfaits tant que le Centrafricain sera victime des indicibles horreurs de la brutalité des Seleka et des Anti-balles-à-kala. Vous ne pourrez jamais être satisfaits tant que vos corps recrus de la fatigue et des souffrances de « la longue marche vers la liberté », ne trouveront pas un abri dans toutes les maisons paisibles de vos quartiers ou les cases de vos villages. Vous ne pourrez jamais être satisfaits tant que la liberté de mouvement du Centrafricain ne lui permettra guère que d’aller d’un petit coin de son quartier à un autre coin pour se cacher. Vous ne pourrez jamais être satisfaits tant que vos enfants seront dépouillés de leur identité et privés de leur dignité de Centrafricain à cause des exactions des Seleka et des Anti-balles-à-kala et leurs soutiens connus. Vous ne pourrez jamais être satisfaits tant qu’un Centrafricain, où qu’il vive sur le territoire national, ne pourra pas vivre en paix et travailler en sécurité. Non, vous n’êtes pas satisfaits, et vous ne serez pas satisfaits tant que le droit ne jaillira pas comme les eaux, et la justice comme un torrent intarissable.

Je n’ignore pas que certains d’entre vous ont été conduits à la révolte par un excès d’épreuves et de tribulations. D’aucuns sortent à peine de l’étroite cellule d’une prison. D’autres appartiennent à des régions où leur quête de liberté leur a valu d’être battus par les tempêtes de la persécution, secouée par les vents de la brutalité des Seleka et des Anti-Balles-A-Kala.
Vous êtes les pionniers de la souffrance créatrice. Poursuivez votre tâche,convaincus que cette souffrance imméritée vous sera rédemption.
Vivez à Bamingui-Bangoran et en Basse-Kotto ; vivez à Haute-Kotto et à Haut-Mbomou ; Vivez à Kémo et à Lobaye ; vivez à Mambéré-Kadéï et à Mbomou ;
Vivez à Nana-Mambéré et à Ombella-M’Poko ; vivez à Ouaka et à Ouham ;
Vivez à Ouham-Pendé et à Vakaga ; vivez à Nana-Grébizi et à Sangha-Mbaéré ;
Vivez dans vos taudis et dans vos ghettos dans les villes de l’Est, de l’Ouest, du Nord et du Sud, en sachant que, d’une façon ou d’une autre cette situation peut changer et changera.

Ne vous vautrez pas dans les vallées du désespoir. Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si vous devez affronter des difficultés aujourd’hui et demain, je fais pourtant un rêve. C’est un rêve profondément ancré dans le rêve d’Unité, de Dignité et Travail de Bathélémy Boganda.

Je rêve que, un jour, votre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : « Zo Kwè Zo »
Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Bas-Oubangui, tous les Centrafricains épris de justice et de paix, pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve que, un jour, le Centrafrique, tout brûlant des feux de l’injustice, tout brûlant des feux de l’oppression des Seleka et des Anti-Balles-A-Kala, se transformera en oasis de liberté et de justice.
Je rêve que mes frères Centrafricains vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la force de leurs armes mais à la nature de leur mérite.

Je fais aujourd’hui un rêve !
Je rêve que, un jour, partout en Centrafrique où la haine de l’autre est devenue vicieuse, où un Abakar SABONE, a la bouche pleine des mots « sécession » et« partition », un jour, justement en Centrafrique, les petites filles et petits garçons chrétiens, les petites filles et petits  garçons musulmans, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs.

Je fais aujourd’hui un rêve !
Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissés, tout éperon deviendra une plaine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les Centrafricains faits de chair tout à la fois. Telle est mon espérance. Telle est la foi que je garderai jusqu’à ma tombe. Avec une telle foi vous serez capables de distinguer, dans les montagnes de désespoir, un caillou d’espérance. Avec une telle foi vous serez capables de transformer la cacophonie de votre nation discordante en une merveilleuse symphonie de fraternité.

Avec une telle foi, vous serez capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de vous dresser ensemble pour la liberté, en sachant que vous serez libres un jour. Ce sera le jour où les enfants du Bon Dieu pourront chanter ensemble cet hymne auquel ils donneront une signification nouvelle :

« Ô Centrafrique, Ô berceau des Bantous !
Reprends ton droit au respect, à la vie !
Longtemps soumis, longtemps brimé par tous,
Mais de ce jour brisant la tyrannie.
Dans le travail, l’ordre et la dignité,
Tu reconquiers ton droit, ton unité,
Et pour franchir cette étape nouvelle,
De nos ancêtres la voix nous appelle :
Au travail dans l’ordre et la dignité,
Dans le respect du droit, dans l’unité,
Brisant la misère et la tyrannie,
Brandissant l’étendard de la Patrie. » –

Et si la RCA doit être une grande nation, il faut qu’il en soit ainsi.
Aussi, faites sonner la cloche de la liberté sur les prodigieux sommets de vos
Cathédrales et temples, de vos mosquées et lieux de culte.
Faites la sonner sur les impressionnantes chutes de Boali et de Matakil
Faites la sonner sur les hauteurs du mont Ngaoui et le massif des Bongo
Faites la sonner dans l’immense parc de Manovo-Gounda St Floris
Faites la sonner sur les plateaux ondulés du nord-ouest et du nord-est
Mais cela ne suffit pas.
Faites la sonner sur le massif de l’Adamaoua et le bassin Sangha
Faites la sonner sur le fleuve Oubangui et sur les hauteurs de bas-oubangui.

Quand vous ferez en sorte que la cloche de la liberté puisse sonner, quand vous la laisserez carillonner dans chaque village et chaque hameau, dans chaque préfecture et dans chaque commune, vous pourrez hâter la venue du jour où tous les enfants du Bon Dieu, Centrafricains et non-Centrafricains, les juifs et les gentils, les catholiques, protestants et les musulmans, pourront se tenir par la main et chanter les paroles du vieux cantique  « Bia ti Sépéla »: Nzapa mou na ani zendo, lo ma ani bi na la…!»

Discours prononcé par Martin Luther King au Lincoln Mémorial de Washington D.C. le 28 août 1963.

Rélu et adapté à l’attention des Centrafricains par :

GJK – L’Elève Certifié
De l’Ecole Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social

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