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RCA : UNE AUTOCRATIE TROPICALE ÉMERGENTE

Le décor est définitivement planté. Á l’heure actuelle, Faustin Archange Touadera dit FAT, entouré de ses proches, doit savourer ses victoires et se réjouir de tous ses multiples coups fourrés. Le Président de la République a su vaincre sans péril ses adversaires, et réussi sans coup férir, à verrouiller à double tour le jeu démocratique dans son pays. Un triomphe sans gloire et sans lustre.

Celui qu’on affublait jadis du surnom peu flatteur et peu glorieux de « Baba Lango », semble s’être réveillé en colère. Désormais il peut gouverner avec une intransigeance insolente, s’imposer avec un aplomb quasi dédaigneux, et dicter à tous les Centrafricains ses oukazes, tel le dieu-devin Zeus rendant ses oracles du haut de l’Olympe.

En Centrafrique dorénavant, la seule volonté de Touadera supplée la loi dans tous les domaines, et son bon vouloir en toute circonstance, a force de droit.  Cependant – pour paraphraser Barack Obama en reprenant sa belle formule – « la Rca n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes ».

Alors ?

Alors, ils doivent s’arracher les cheveux en ce moment, ceux qui croyaient avoir trouvé et porté au pouvoir en Rca, un homme-marionnette malléable et corvéable à volonté. Et de même, pour n’avoir pas su empêcher à temps Touadera de prendre une si grande dimension et autant d’assurance, ses opposants et détracteurs de tout bord, se retrouvent aujourd’hui dans leurs petits souliers, à mordre le doigt d’impuissance et de regret. Ceux qui ont hâtivement présumé de leur force et de leur intelligence politique supérieure, ainsi que tous ceux qui ont sous- estimé avant l’heure les capacités de ce chef d’État hermétique à toutes les dissonances, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Ils ne devraient s’en prendre  qu’à eux-mêmes, et n’en vouloir qu’à leur propre naïveté.

Á la vérité et pour le dire en verlan, FAT nous l’a proprement fait à l’envers. Sans même avoir eu le temps de se retourner et de le réaliser, le peuple centrafricain dans sa grande majorité, telle une victime consentante, s’est laissé tomber pieds joints, dans le piège tendu par son propre Président.

Tenez !

Avec une habilité déroutante qui eut mérité révérence si elle n’était guère que déviance, le Chef de l’État entouré de ses fins stratèges, a réussi à jouer simultanément sur un double registre.

Sur le registre du meilleur, FAT a clairement rebattu les cartes. De son présidentiel chapeau, il a sorti son joker la Russie, qu’il a aussitôt mise en concurrence avec la France. Du coup, le peuple avili par l’ancienne puissance coloniale qui avait promis faire son bonheur mais n’a fait que l’exploiter depuis des décennies, ce peuple dis-je, a senti la brise légère souffler, et une aube nouvelle se lever à l’horizon. Même si les résultats de cette politique russe se font attendre, le peuple a béni Touadera, lui a apporté dans sa grande majorité son soutien, et l’a rassuré de son adhésion à la nouvelle vision présidentielle.

Aussi, depuis ce que l’on peut appeler le coup de maître de Touadera, ses opposants ainsi que tous ses adversaires et détracteurs, semblent avoir choisi de se murer dans un silence plein de perplexité. Certains préfèrent carrément raser le mur, et d’autres apporter leur caution au Chef de l’État. Tous en effet, craignent de se voir reprocher une espèce de francophilie morbide et primaire.

Alors, conscient de cette « victoire » sur la France qui l’a rendu aussi « célèbre » que « populaire » parmi ses compatriotes, le Président FAT peut se permettre d’en rajouter. C’est ainsi qu’il décide de jouer sur le registre du pire qui est celui de l’aventure totalitaire.

Sous nos yeux, le Chef de l’Exécutif centrafricain, peu à peu, s’égare dans une escapade despotique que personne ne devrait plus craindre de nommer.

Par un cynisme millimétré, Touadera a conquis et mis en coupe réglé une assemblée nationale qui jusque-là, essayait de jouer son rôle, mais surtout, se refusait d’apparaître comme un organe législatif complice des multiples égarements et autres détournements du pouvoir exécutif.

Et quand le Président de la République pour des raisons purement partisanes, s’offre en spectacle, flanqué à la fois du Président de l’Assemblée Nationale, des ministres du gouvernement de la République, et surtout des Présidents de toutes les institutions au premier rang desquelles la Cour Constitutionnelle, on a simplement envie de crier : « Ils ont souillé la République et tué la Constitution ! « 

Une dictature vient de naître sous l’équateur. Á ceux qui doutent encore des penchants visiblement très autocratiques de ce chef d’Etat qu’entoure un halo d’ambivalence, je réponds simplement : « wait and see ».

Et si l’opposition et la société civile n’entendent pas prendre dès à présent toute leur responsabilité, que personne demain ne vienne jeter la pierre à Touadera. Certes,  l’absence de contre-pouvoir est un danger pour le pouvoir lui-même. Mais il n’en demeure pas moins que le pouvoir a horreur du vide. Auquel cas, il déborde.

GJK –Guy José K

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