À vous la parole

POÈME: ILS SONT PARTIS…

C’était, il n’y a pas longtemps
Je repartais au village
Voir les miens

Le voyage était si long
Non pas à cause de longues
Heures que nous mettions
Pour parcourir cent kilomètres
Mais surtout à cause du grand
Silence jamais connu le long des routes
Aucun animal couché sur la route
Pour lequel le chauffeur klaxonnerait
Aucun aboiement de chien
Qui saluait à l’entrée des villages
Aucun applaudissement des enfants
Qui faisaient la fierté des voyageurs
Il n’y a personne dans les villages
Ils sont partis…

Je devais continuer
Le voyage en pirogue
Le long de l’Oubangui
C’est le voyage que j’appréciais
Mais comme sur les routes
Pas une seule poule
Ne grattait au bord de l’eau
Cherchant des vers pour ses petits
Le seul bruit qu’on pouvait entendre
Celui des cascades
Seules les feuilles des arbres
Saluaient sous les ordres du vent

Il n’y a personne dans les villages
Ils sont partis…

J’allais passer mon village sans m’arrêter
Aucun repère pour me rappeler de lui
Les toits des cases sont couverts de hautes herbes
Des lézards et araignées ont transformé
La paillote du chef en une Tour de Garde
Qui gère les vols des mouches et autres bestioles
Aucune trace de la place du village
Où les femmes faisaient sécher le manioc
Et sur laquelle nous dansions le « Mambo »
L’autel au drapeau rouge du génie « GASSOROMA »
N’est plus qu’une ruine
J’étais complètement perdu

Il n’y a personne dans les villages
Ils sont partis…

Un nain descendit de GBERI, la colline
Se tint sur NONGO, le rocher
Je n’ai pas peur ; qu’il me dise où sont les miens
« Des hommes sont venus de très loin
Beaucoup ne parlaient pas la langue du peuple
Ils ont tué, pillé, incendié des maisons
Certains fils du peuple, censés le protéger ont fait pires
Ceux à qui incombe le devoir de protéger le peuple
Se taisent sur ce qui se passe
Dans ces petits villages des rives de l’Oubangui
Les populations ont pris avec eux, le drapeau à cinq couleurs
Symbole de leur attachement à la terre des ancêtres
Ils ont traversé le fleuve en quête de survie »

Il n’y a personne dans les villages
Ils sont partis…

Alors, les tombes de KORA, GAYA, ZAGA, KOUBA, YAMONGO,
MOKO, GUEMBERE, YAMODO, KEMA …, ceux-là dont les noms
Avec le préfixe « GBA » ont donné les noms des villages
Ne sont veillées que par des herbes qui les dissimulent
Aux yeux des tueurs qui, ne trouvant plus personne à tuer
Se permettraient de « tuer les squelettes » des ancêtres
Par pure plaisir de donner la mort.
Je pleure ceux qui sont tués
Je pleure ceux qui sont partis
Je pleure mon impuissance
je pleure ma solitude
Personne ne prête oreille à mes lamentations

Il n’y a personne dans les villages
Ils sont partis…

Oh ! Dirigeants du peuple

Il n’y a personne dans les villages
Ils sont partis…

Pascal TONGAMBA
L’homme aux cheveux blancs

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