À vous la parole

POÈME: LES MORTS NE SONT PAS PARTIS…

C’était, il n’y a pas longtemps
Je me rappelais les dernières paroles
Du nain qui m’a informé
De ce qui est arrivé dans les villages
Des rives de l’Oubangui :
« Qui vivra verra »
« Ceux qui sont morts ne sont pas partis »
« Et ceux qui sont partis ne pas morts ».

Je devais une fois de plus
Me rappeler les rites d’adieu
Au moment des inhumations
Où les proches parents d’un décédé
Lui confient la charge de rendre justice :
« Vas, mais ne quitte pas des yeux
Celui qui a précipité ton départ »
Je regarde à nouveau le nain
Qui, de sa petite main droite
Tient son menton imberbe
Affichant une attitude de vengeur
Mais ne sachant quoi faire
C’est lui qui m’a dit :

« Qui vivra verra »
« Ceux qui sont morts ne sont pas partis »
« Et ceux qui sont partis ne pas morts ». 

Je n’ai pas peur, que le nain me parle des morts
De l’hôpital de l’Amitié à Bangui
« Dans quel pays au monde
Un mort placé en conservation à la morgue
Meurt deux fois dans le même hôpital ? »
Une douleur aigue me saisit l’estomac
Au point de le vider, de vomir ma colère
A Moi, on demande de priver de lumière
La place mortuaire de celui qui est à la morgue
Si je veux qu’il soit conservé intacte
Ah, si je veux ! Ce n’est donc pas leur affaire
Les dernières paroles du nain
Trottent à nouveau dans ma tête

« Qui vivra verra »
« Ceux qui sont morts ne sont pas partis »
« Et ceux qui sont partis ne pas morts ». 

Avec le cumul des arriérés de salaire
Je ne peux faire face au nécessaire
Qu’il faut pour inhumer dignement les miens.
A la seconde près qui suit leur départ
Ce n’est pas que mon affaire à moi
Il en va de la vie du peuple.
La morgue privée d’électricité
Pour que ceux qui ne croient pas
Qu’ils mourront un jour puissent jouir
Pleinement de la vie, inquiète le peuple
Qui crie son abandon, son désespoir:
« Dans quel pays, dans quel pays au monde… ? »
Et les paroles du nain me reviennent :

« Qui vivra verra »
« Ceux qui sont morts ne sont pas partis »
« Et ceux qui sont partis ne pas morts ». 

Oh, dirigeants du peuple
Responsables de la santé du peuple
Chargés de la gestion de l’électricité sur Bangui
Le nain dit :

« Qui vivra verra »
« Ceux qui sont morts ne sont pas partis »
« Et ceux qui sont partis ne pas morts ». 

Pascal TONGAMBA
L’homme aux cheveux blancs

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