Analyses et réflexions

GJK ÉDITO : JE NE SUIS QU’UN SIMPLE CITOYEN DU PEUPLE QUI REFUSE DE SE TAIRE POUR MOURIR-MESSAGE AU PRÉSIDENT

Excellence,

Je voudrais avant tout me convaincre, qu’il ne sera jamais dit un jour, que Faustin Archange Touadera, Président de la République ; Simplice Mathieu Sarandji, Chef du gouvernement ; Karim Abdou Meckassoua, Président de l’Assemblée nationale ; trois universitaires éclairés, confrontés aux réalités de l’univers socio politique – aussi impitoyable, complexe, déprimant et désespérant soit -il, et  auquel ils participent d’ailleurs depuis de nombreuses années, n’ont pas réussi à leur tour, à faire mieux que leurs proches prédécesseurs – qu’on pouvait encore soupçonner de manquer d’idées et d’esprit –, pour sortir leur pays du chaos et du désespoir. Ce, malgré leurs professions de foi et différents engagements pris devant Dieu et devant le peuple.

Et c’est en fait pour conjurer une telle fatalité, que j’ai senti la nécessité, d’exprimer ici et à travers le présent message, personnellement et directement adressé à son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef d’Etat, les préoccupations du Centrafricain et citoyen ordinaire que je suis.

Aussi, me permettriez-vous Monsieur le Président de la République, de convenir au préalable avec votre Excellence, de ce que mon message n’est pas :

Mon message n’est ni une manifestation de rejet, ni une tentative de contestation de votre légitimité de chef de l’Etat : élu démocratiquement Président de la République, vous êtes sans conteste, de jure comme de facto, le Président de tous les Centrafricains ;

Mon message non plus ne devrait être perçu, comme un appel facile à la démission, moins encore, à la révolte d’un peuple qui refuse de se révolter, et s’accommode d’ailleurs silencieusement d’un destin avec lequel il négocie sans cesse pour trouver un arrangement ;

Mon message, n’est ni suggestion, ni confirmation de l’affirmation selon laquelle en huit mois de présidence, vous n’auriez rien fait, et donc qu’au contraire, vous auriez laissé tout faire ; cependant, loin de vous délivrer le moindre satisfecit, j’entends vous exhorter à faire toujours un peu plus, toujours un peu mieux ;

Enfin, que tous ceux qui autour de vous, seraient tentés de voir – à tort -, dans mon message, une manifestation d’opposition ou le signe d’un complot contre votre personne ou votre régime, ou encore simplement, une explosion de haine, de jalousie ou de rancœur, que tous ceux-là, Monsieur le Président, veuillent d’ores et déjà se raviser. Je ne suis qu’un simple citoyen du peuple qui ne demande rien et n’attend rien en compensation de mon engagement patriotique.

J’écris ici, car je n’ai ni d’autres moyens, ni d’autres choix, pour essayer de faire entendre ma voix et celles de beaucoup d’autres Centrafricains qui souffrent de ne pouvoir se faire entendre et écouter ;

J’écris, parce que je suis Centrafricain, et tout ce qui condamne à mort, aux pleurs et aux malheurs un seul Centrafricain, ne m’est étranger. Dès lors, pour m’associer à tous ces cris qui s’élèvent, j’écris ;

J’écris pour partager et exprimer ici, la douleur de ceux qu’on brûle à Kaga Bandoro dans leur case, comme en saison sèche, on met le feu à la brousse, pour pourchasser les rats et les lapins apeurés, et les obliger à quitter leur terrier ;

J’écris, car par mon seul acte d’écrire, je voudrais m’associer au malheur qui frappe tous ceux qu’on assassine et égorge comme des moutons à la tabaski, dans les localités de Kouango, Bambari, Ngakobo, Bouca ou ailleurs, sans savoir que ces sacrifices démoniaques, tôt ou tard, s’en retourneront contre leurs bourreaux impunis ;

J’écris, et j’entends ainsi par mon écrit, prendre part, à la marche de toutes ces femmes de Bocaranga et d’ailleurs, qui osent briser le silence au prix de leur vie, et se sentent obligées d’enfreindre toutes les règles de pudeur, pour offrir aux yeux du monde l’intimité de leurs corps desséchés, que tant de malheurs et de souffrances ont flagellés ;

J’écris surtout Monsieur le Président, parce qu’au-delà de tout, je m’estime porteur d’un message d’outre-tombe, adressé à tous les Centrafricains qui se taisent pour mourir. Ce message, Excellence, vient d’un homme qui, avant de quitter ce monde, mort calciné tout dernièrement à Kaga-Bandoro, s’entretenait encore la veille même avec son frère aîné au téléphone, et lui confiait ces mots terribles et prémonitoires que voici :

« Mon frère, j’ai peur, j’ai vraiment peur pour notre pays et notre terre. À voir ce qui se passe ici à Kaga-bandoro, et à entendre tout ce qui se déroule ailleurs, la RCA ne nous appartient plus. Nous sommes en train de perdre notre pays, nous l’avons déjà perdu. Imagines-toi mon frère, que l’on estimait il y’a encore quelques années, à environ 4000 000, (quatre millions) l’ensemble de la population centrafricaine. Si aujourd’hui, on décompte près d’un million de morts et près d’un million de réfugiés et d’exilés vivant à l’extérieur du pays, le nombre de Centrafricains vivant en Centrafrique, se réduit dramatiquement à 2000 000 (deux millions) au maximum. Alors, imagines-toi encore un seul instant, qu’au rythme actuel, une cinquantaine de personnes en moyenne sont assassinées chaque jour sur l’ensemble du territoire. Combien resterons-nous bientôt ? En revanche, ceux qui viennent d’ailleurs, les non-Centrafricains, ne cessent d’arriver en masse, arrachent nos terres, s’installent et s’enracinent par centaines de milliers. Crois-tu sincèrement que nous réussiront encore un jour à les déloger de notre pays ? Quant à moi, j’ai fait le choix de ne pas abandonner notre pauvre mère de 80 ans, qui elle, ne demande pas mieux qu’à mourir et à être enterrée sur la terre de ses aïeux, à côté de son mari notre père,  et tous ses autres enfants – nos frères et sœurs -, déjà morts assassinés, et dont nous ignorons où reposent leurs corps. Grand-frère, ma décision est prise : s’il le faut, je mourrai ensemble avec notre mère ici à Kaga-Bandoro »

Et l’on ne retrouvera jamais le sépulcre de ces deux personnes mortes brûlées dans des conditions les plus atroces.

Monsieur le Président, vous qui n’aimez rien tant que les équations et les chiffres, que pensez-vous du testament ci-dessus ?

Par ailleurs, qu’ont fait tous ces hommes, toutes ces femmes, tous ces enfants et ces vieillards, à qui une bande de criminels invétérés, a cru devoir réserver une fin si triste ?

De grâce, qu’ont-ils donc tous ces vivants, à perdre encore leur temps à pleurer, à se lamenter, à discourir ou alors à se taire, au lieu d’agir ?

Monsieur le Président, Monsieur le Chef du Gouvernement, Monsieur le Président de l’assemblée nationale, très chers hauts dirigeants de la RCA, chaque Centrafricain que l’on assassine et qui disparaît ainsi dans des conditions atroces, je vous assure, emporte avec lui, loin dans sa tombe, une part de votre légitimité et de votre crédibilité. Chaque cri de plainte et de malheurs qui monte vers le ciel, chaque goutte de sang et de larme versée, vous fragilise, vous personnellement, et fragilise encore plus votre régime, chaque jour et toujours d’avantage.

Aussi, pendant qu’il n’est pas encore tard, je voudrais vous lancer le défi suivant : demandez donc à ce peuple de se lever pour défendre sa patrie! Les Centrafricains n’ont que faire de l’embargo, car ils n’ont pas besoin d’armes pour défaire l’ennemi. Votre seule autorisation, un seul mot d’ordre de votre part et ce sera  la victoire certaine et définitive.

Quant à moi, libre de tout, je me suis fait le devoir de parler librement. Et tant que j’aurais encore assez de souffle pour le faire, je vous en conjure, ni rien ni personne, ne saura me convaincre ou m’amener à me taire, encore et surtout, aussi longtemps que continuera de couler la moindre goutte de sang du Centrafricain le plus impuissant et et le plus innocent.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.

Que Dieu bénisse la Centrafrique.

GJK-Guy José KOSSA
L’Élève Certifié du Village Guitilitimö

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