idée c/ idée de a.Lamessi

MAITRE NICOLAS TIANGAYE : LE PREMIER MINISTRE PARATONNERRE

Le Gouvernement peine à trouver ses marques par conséquent à insuffler une dynamique de changement tant espéré. Pouvait-il en être autrement quand nous savons que l’insécurité est endémique, que toute l’administration est par terre et que les caisses de l’Etat sont désespérément vides ? Quelle que soit sa bonne volonté, que peut bien faire un Ministre, fut-il le plus capé du monde, sans aucun moyen d’action ? Lorsqu’un Ministre de la République par exemple, qui a une fonction de représentation, va au travail en taxi-moto, c’est tout le pays qui se vautre dans la boue. Et cela ne fait pas rire.

Si être Premier Ministre du Gouvernement d’union nationale de transition est une excellente opportunité pour mettre en œuvre des idées de progrès économique, de justice sociale, de liberté et démocratie au service de notre peuple, ce n’est pas forcément de la sinécure dans ce contexte singulier de transition. En effet, tout se passe comme si le Premier Ministre était seul sur le bateau ivre de la République centrafricaine au point de recevoir tous les coups et d’être mangé à toutes les sauces d’incompréhension, de suspicion et d’injure. Pire, d’aucuns n’hésitent même plus à le désigner comme responsable de tout ce qui ne va pas dans notre pays depuis l’indépendance en seulement six mois de gouvernement. C’est tout simplement injuste.

Non pas un surhomme mais un Premier Ministre normal

La nomination de Maître Nicolas Tiangaye au poste de Premier Ministre du Gouvernement d’union nationale de transition était applaudie par tout le monde tant le personnage fait l’unanimité. Il a un excellent pédigrée et traîne derrière lui une belle image d’homme intègre : Ténor du barreau, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats centrafricains, avocat de l’Empereur Bokassa, du Général Bozize et des génocidaires rwandais au TPIR de Haroucha, Président fondateur de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme, activiste des CCCCN, etc. Comme dirait l’autre : « C’est le meilleur d’entre nous ».

Premier Ministre de consensus, adoubé par la communauté internationale, Maître Nicolas Tiangaye est très vite apparu comme la caution politique d’un régime en mal de respectabilité tant une partie de la coalition au pouvoir, la si bien nommée Séléka, est vomie à l’intérieur et décriée à l’extérieur. Sa crédibilité personnelle devint le meilleur gage pour promouvoir la mobilisation de la communauté internationale au chevet d’un Etat moribond.

La sauvagerie, la folie et la barbarie de la Séléka auront-t-elles raison de ce démocrate convaincu et défenseur des droits de l’homme invétéré ? Rien n’est moins sûr. Et pourtant….

Le peuple assassiné, agressé, violenté, violé et humilié : Certains auraient souhaité que le Premier Ministre de transition passât outre la solidarité gouvernementale et déclenchât les hostilités contre le Président de la République de transition, Michel Djotodia. D’aucuns n’hésitant même plus à lui conseiller ouvertement la démission comme si la République centrafricaine n’avait pas suffisamment de problème pour se permettre le luxe d’ajouter la crise à la crise. Devrait-il fouler aux pieds les accords de Libreville et de Ndjamena ? Devrait-il tourner le dos aux alliés de la CEMAC, de l’UA et s’isoler de la scène internationale ? Devrait-il détruire tout ce qui est en train d’être mis en place petit-à-petit, suite à ses diverses plaidoiries, par la communauté internationale ?

Le peuple désemparé, frustré, déçu et souffrant dans sa chair : D’autres auraient souhaité qu’il dénonçât avec fracas les exactions, les crimes, les assassinats, les viols et les vols commis sur de paisibles citoyens. Mais où est Nicolas Tiangaye ? Entend-on dire à longueur de journée. Et lorsqu’il plaide avec sincérité, conviction, passion et brio le sort du peuple centrafricain aux prises avec des hordes de barbares, au Conseil de sécurité de l’ONU, à la Commission Européenne, à l’Union africaine, à la Francophonie, en Afrique du sud ou en France et même lorsqu’il dénonce publiquement les tout récents crimes de Boy-rabe, personne ne semble l’écouter sauf bien sûr la Séléka qui exige sa tête au sens propre comme au sens figuré.

Le peuple en colère, un brin revanchard : D’autres encore auraient souhaité qu’il prît la tête de la croisade pour écraser l’ennemi de l’intérieur identifié sous les traits hideux de la Séléka. Voilà que ce démocrate jusqu’au bout des ongles n’a jamais pris la moindre arme ni pour tuer son propre peuple, ni pour déstabiliser les institutions de son propre pays. Quand bien même il le voulait, en a-t-il seulement les moyens ? D’ailleurs la République centrafricaine dispose-t-elle encore d’une armée ? Y a-t-il encore des forces de l’ordre ? Y a-t-il encore des Préfets et des Sous-préfets ? Sur quoi doit-il s’appuyer pour asseoir son autorité ? Une fois qu’on aura répondu objectivement à toutes ces questions, on pourra relativiser les propos.

Lorsque tenant compte de la réalité budgétaire catastrophique de la République centrafricaine, il veut tempérer les exigences salariales des membres de la CNT, certains piqués au vif se résolvent à vouloir organiser une marche populaire pour exiger sa démission. Rien que cela.

Lorsqu’il se rend chez le Président du Congo Brazzaville, Denis SassouNguesso, ce grand panafricaniste que nous ne remercierons jamais assez et qui porte le peuple centrafricain dans son cœur comme son propre peuple, pour solliciter et obtenir un prêt exceptionnel de 25 milliards de francs CFA afin d’alléger la souffrance du peuple centrafricain, payer les fonctionnaires et faire marcher quelque peu l’administration, personne ne lui en sait gré. Bien au contraire on l’accuse de tous les péchés capitaux. Il y a beaucoup d’émotion. C’est fort compréhensible car le peuple centrafricain vit une situation intolérable mais il faut savoir raison gardée. La normalisation prendra du temps.

Quelle est la contradiction principale de la République centrafricaine aujourd’hui ?

La République centrafricaine est notre bien le plus précieux. La contradiction principale aujourd’hui, c’est que notre peuple est assassiné, égorgé et violé tous les jours. Notre pays est menacé dans sa propre existence et dans son intégrité parce que les assassins de la Séléka se retrouvent dans toutes les préfectures, dans toutes les sous-préfectures et dans tous les arrondissements de Bangui. Les Seigneurs de la guerre se sont réparti le pays comme un véritable butin. Nous ne devons pas perdre de vue cette réalité objective.

Depuis les évènements du 24 mars 2013, le sentiment d’appartenance nationale est plus fort que jamais. Nous nous sentons d’abord et avant tout centrafricains et fiers de l’être. Le moindre crime commis à Paoua, à Bozoum, à Nola, à Berbérati, à Boda, à Mbaïki, à Bambari, à Kouango, à Bria, à Mobaye, à Kémbé, à Ouango, à Bangassou et même à Ndélé ou à Birao, nous touche personnellement, individuellement, profondément. En témoigne la mobilisation multiforme que l’on voit ça et là à travers le monde dont la jeunesse est en pointe. Le tribalisme paraît bien dérisoire. J’entends des jeunes de mon pays dire fièrement : Je ne suis ni Yakoma, ni Mandja, ni Banda, ni Kaba, ni Zandé, ni Nzakara, ni Gbaya, ni Ngbaka, ni Mbati, ni Mbimou, ni Ali, ni Ngbaka-Mandja, etc. Je suis centrafricain. Comment ne pas se réjouir devant une telle prise de conscience ?

Cela exige de nous d’être unis et solidaires pour reconquérir notre pays centimètre par centimètre, pour redonner espoir et dignité à notre peuple. Mon intime conviction, c’est que ni Martin Ziguélé, ni Nicolas Tiangaye, ni Anicet Dologuélé, ni Emile Nakombo, ni Gaston Mandata Ngérékata, ni Fidèle Ngouandjika, etc. ne sont des ennemis de notre peuple. Tout leur parcours, tous leurs actes et discours attestent le contraire. Les ennemis du peuple centrafricain sont connus, identifiés et identifiables. Nous les traînerons devant la justice, le moment venu, avec leurs griots patentés et autres porteurs d’eau. Ne nous trompons pas d’ennemis. La Séléka reste et demeure l’ennemie principale de notre peuple.

Personne n’a intérêt que la transition dure longtemps. Plus vite cette transition aura pris fin, mieux notre pays se portera et pourra avoir des projets de développement. Les augures paraissent désormais bonnes lorsque la communauté internationale daigne enfin consentir se pencher sur le sort peu enviable de notre pays. La prestation de serment sur la Charte de la transition, par le Président de transition, sonne le point de départ certes en différé de la transition. Si le prélude est macabre et chaotique, il n’a certainement laissé personne indifférente tant le sang et les larmes du peuple centrafricain martyrisé n’ont cessé de couler. Aujourd’hui nous voulons tourner très vite la page. Nous voulons aller de l’avant.

Quand bien même, les partis politiques, la société civile, etc. dont les membres sont au gouvernement et à la CNT ne semblent pas avoir de stratégie lisible, ils doivent néanmoins se départir de leur incompréhensible apathie pour apporter un soutien franc, massif et public aux institutions de la transition dont ils sont partie prenante au premier rang desquels le Gouvernement et son Premier Ministre Maître Nicolas Tiangaye. Après tout, c’est d’un Gouvernement d’union nationale qu’il s’agit.

Il n’y a plus de majorité, ni d’opposition. Il reste que ce même Gouvernement doive surtout prioriser, même si la situation n’est pas normale, la communication et la pédagogie.

Décidément dans cette période de crise aiguë où les urgences sont nombreuses, les besoins du peuple immenses ainsi que ses exigences multiples et contradictoires, le Premier Ministre est un véritable paratonnerre qui reçoit tous les coups et toutes les foudres. Tant mieux si cela peut éviter la déflagration de la République centrafricaine. Mais seulement, il faut le dire avec force: Nous n’avons plus besoin de martyr. Il y en a suffisamment eu. Le peuple centrafricain a aujourd’hui besoin des héros.

Que Dieu bénisse la République centrafricaine.

Dr Alain LAMESSI

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