non classé

L’opposition politico-militaire face à l’inaptitude du gouvernement à trouver une solution rapide à la crise en Centrafrique

Par Mario Azou-Passonda

L’élection du professeur Faustin Archange Touadéra en décembre 2015  avait suscité beaucoup d’espoir chez les Centrafricains et ceci pour deux principales raisons :

  • C’était la première fois que les Centrafricains choisissait pour un second tour des élections des hommes contraires aux habituelles tripatouillages des élections orchestrés par la France ; et par conséquent un homme de leur volonté à la tête du pays, puisque le favoris de la France était éliminé dès le premier tour ;
  • Même si le projet de société de Touadéra par rapport à celui de Dologuélé n’était pas le meilleur, il incarnait également l’espoir d’une sortie de crise et des priorités bien définies permettant d’endiguer les violences rapidement.

Cependant, le signe d’un éventuel échec du président dans la mise en œuvre d’une politique de réconciliation était apparu dès sa première visite dans l’arrière-pays où il a refusé de rencontrer les responsables des rebelles qui s’étaient déplacés spécialement à cet effet. Cet espoir d’un retour à une situation normale s’est peu à peu transformé en doute et inquiétude du fait de l’accroissement du niveau de l’insécurité. Depuis l’amorce de la deuxième année au pouvoir du président Faustin Archange Touadéra, des violences quasi-quotidiennes ont ressurgi par endroit dans les provinces au point où 12 des 16 préfectures sont hors du contrôle gouvernemental. Ces derniers temps, le niveau des violences ont augmenté d’intensité dans le sud-est du pays (Alindao, Mobaye et Bangassou) ainsi qu’à Bria et autres. Ceci a entrainé l’extrême mécontentement d’une partie des Centrafricains à l’égard du pouvoir exécutif. Dans un discours lors d’une marche pacifique contre l’amnistie réclamée par les rebelles en Centrafrique, le Premier ministre a dénoncé un complot visant à l’écarter pour mieux atteindre le président en vue de l’assassiner et établir une nouvelle transition.

Cet épisode de la vie politique centrafricaine comporte en elle-même les raisons fondamentales qui empêchent la RCA de parvenir à une solution pacifique jusque-là.

La question qui s’impose ici est celle de savoir: quelle est la position des divers acteurs politico-militaires de la crise centrafricaine face à l’inaptitude du gouvernement à trouver une solution rapide à la crise qui a déjà fait tant de victimes ?

Notre analyse est basée sur l’analyse de la vie politique centrafricaine, sur des témoignages ainsi que sur des articles de presses y relatifs; d’où la divergence de vue que puisse susciter un tel débat.

Ainsi, il nous importe de déterminer les raisons qui ont poussé l’opposition démocratique et les groupes armés à douter de la capacité du Gouvernement centrafricain à sortir le pays du chaos tout en exposant l’attitude des uns et des autres.

L’attitude de l’opposition démocratique à l’encontre du pouvoir exécutif centrafricain inapte à apporter une solution rapide à la crise

La gestion chaotique de la crise par le Gouvernement a créé un profond sentiment de doute mêlé d’inquiétude pouvant pousser l’opposition démocratique dans un probable logique intentionnel de déstabilisation de l’Exécutif centrafricain.

  • Le profond doute de l’opposition démocratique centrafricaine sur la capacité du Gouvernement à apporter une solution rapide à la crise

Ce doute se justifie par le regain des violences dans l’arrière-pays nées de l’absence d’une stratégie gouvernementale à apporter une solution rapide à la crise. Les élections de 2015 s’étaient déroulées sans incidents majeurs. Même après les violences avaient baissé significativement d’intensité. On espérait une normalisation qui devait aboutir à une cessation définitive des hostilités et l’établissement d’une paix durable, concrétisée par la mise en œuvre du DDRR. Voilà que ces derniers temps, des violences ont éclaté dans les villes d’Alindao, Bangassou, Bria, etc. Aucun humain ne pouvait rester indifférent devant ces attaques délibérées qui ont coûté la vie à des paisibles citoyens ainsi qu’à des soldats de l’ONU. Le gouvernement ne parvient toujours pas à obtenir un cessez-le-feu effectif.

Légitimement, les parlementaires se sont saisis du dossier et ont décidé d’interpeller les membres du Gouvernement concernés, conformément à la Constitution. Seulement, les membres du Gouvernement ont catégoriquement refusé d’honorer de leur présence aux interpellations des parlementaires. Ce refus est dû, soit à une crise profonde de communication pendante entre l’exécutif et le parlement qui avait poussé les membres du Gouvernement à refuser de répondre aux interpellations des parlementaires; soit au fait que les ministres en question trouvaient inutile de se présenter devant les élus étant donné que seule la levée de l’embargo par le Conseil de sécurité pouvait résoudre la situation. Dans les deux cas, le Gouvernement a commis une faute grave. D’une part, il est du devoir des membres du Gouvernement de répondre aux interpellations et questions des députés et, ce devoir découle des dispositions de la constitution. D’autre part, devant de pareilles situations de crises sécuritaires, seule l’unité nationale devait être privilégiée au détriment des intérêts et caprices égoïstes. Mais le Gouvernement a failli, incapable de susciter une unité républicaine. D’où le mécontentement de la classe politique qui estime que le Gouvernement n’est pas à la hauteur de la situation. C’est ce qui a poussé les parlementaires dans une mobilisation pour le vote d’une motion de censure contre le Gouvernement, mais qui n’a finalement pas eu lieu, suite à un tête-à-tête entre le Président de la République et le Président du Parlement. A la suite de ce tête-à-tête, le Premier ministre et certains membres du Gouvernement se sont immédiatement présentés devant le parlement, sans même les prévenir.

En visant les Parlementaires dans ses propos, le Premier ministre était guidé par le constat général en matière d’intérim constitutionalisé selon lequel tout ce qui est susceptible de provoquer la chute du président de la République rapproche, par voie de conséquence, le président de l’Assemblé Nationale de la présidence de la République. Le Premier ministre voit ainsi le chef du parlement à la solde de ceux qui font tout pour tordre le cou aux actions de l’Exécutif. A juste titre, puisque le président de l’Assemblée Nationale était déjà cité par Joseph Zoundéko, l’un des chefs de la Séléka, d’intelligence avec l’UPC de Ali Darassa et a même affirmé détenir des preuves faisant état de son implication dans des préparatifs de coup d’Etat orchestré par le président du parlement. Comme un véritable coup de bol, Zoundeko sera tué dans une attaque de la MINUSCA quelques jours plus tard. Un acte que le Gouvernement et la quasi-totalité des Centrafricains ont considéré comme un complot gigantesque.

  • L’opposition démocratique dans un probable logique intentionnel de déstabilisation de l’exécutif centrafricain par tous les moyens

Pendant que se tramait la question du vote d’une motion de censure, le Gouvernement était déjà au courant des préparatifs d’une nouvelle vague de violence, avec au fond la destitution du président de la République. Les discours musclés du Chef du Gouvernement lors de la marche pacifique contre l’amnistie était à la hauteur de l’ampleur de la situation. Quelques jours plus tard, Anicet Georges Dologuélé, le leader de l’opposition s’est fait piégé par Joachim Kokaté qui a enregistré leur conversation en cachette. La transcription de cette conversation laisse froid dans le dos :

« […] faire de l’opposition ce n’est pas que Touadera tombe bas encore, on fait l’opposition pour qu’il rectifie les tirs […] Il faut savoir que ce qui se passe à l’assemblée nationale, pour que le gouvernement passe dans la déstabilisation, je pense, sans me tromper, que l’assemblée nationale prochaine soit ce qu’il faudrait. Tout le monde est mieux pour cela. Car les spectateurs commencent déjà. Ceux qui se lient dans le petit calcul -là, même les gens des cœurs unis, ils sont terrorisés dans cette situation. Donc cette crise au niveau du gouvernement, notamment de vouloir dissoudre l’assemblée, ils ont fait des bêtises. Qui sera incapable de trouver un premier ministre ? Même les gens de l’opposition sont en pleine cohabitation. Donc il faut que les conditions soient créées à seul […] On voit tout le monde est unanime que le gouvernement paralyse le pays. Donc, le gouvernement de Sarandji là on va le faire tomber. Depuis quelques jours, nous avons fait deux concertations, une pour les députés, et une autre ce matin avec ce qu’on appelle la conférence des présidents. C’est la conclusion naturelle que tout le monde a retenue. Toute fois, je leur ai dit que cela doit se faire sans moi. Mais tous ont dit que c’est vous que la population regarde, disant que c’est vous qu’elle a élu. Il faut prendre vos responsabilités. Bon, je suis là. Je suis en train de voir qui est qui, s’il y ’a un courageux qui veut écrire le premier papier […] je crois la semaine prochaine je viserai deux choses: la France et l’assemblée nationale. Une fois après, nous pouvons nous voir »[1].

A y voir de prêt, l’objectif premier de l’honorable Anicet Dologuélé est de jouer son rôle d’opposant démocratique pour que Touadéra « rectifie les tirs ». Pour y parvenir, il faut « faire tomber » le Gouvernement de Sarandji. L’on peut également faire tomber le gouvernement de Sarandji par un coup d’Etat puisque faire tomber le gouvernement de Sarandji n’est pas nécessairement l’unique option pour que Touadéra rectifie les tirs. L’honorable Dologuélé est aussi prêt à saisir une opportunité pouvant parvenir au renversement de l’Exécutif. Par ailleurs, il est clair que l’Assemblée Nationale doit maintenir la pression puisque des « concertations » ont déjà eu lieu avec « les députés » et  avec « ce qu’on appelle la conférence des présidents ». Mais de quels présidents s’agit-il ? Sûrement les présidents des partis politiques ; mais, il peut aussi s’agir des présidents des différentes commissions de l’Assemblée Nationale, ce qui n’est pas certain pour la seconde catégorie.  Enfin, Dologuélé est déterminé car il vise à faire « deux choses » au courant de la semaine à venir : contacter la « la France et l’assemblée nationale ». En clair, l’honorable Dologuélé a l’intention manifeste de semer le trouble en association de malfaiteurs.

Cependant, en droit pénal centrafricain, les actes préparatoires, sont en-dehors du champ pénal car l’article 3 du Code pénal centrafricain dispose : «  Toute tentative de crime qui aura été manifestée par un commencement d’exécution, si elle n’a été suspendue ou si elle n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, est considérée comme le crime même »[2]. En d’autres termes, un acte devient punissable seulement à partir du commencement d’exécution ; car, dans L’iter criminis  (chemin criminel), cet acte intervient juste après les actes préparatoires. Mais dans les cas d’infractions formelles (empoisonnement, attentat à la pudeur, attentat à la sûreté de l’Etat, etc.), la situation est tout  à fait différente. Afin d’éviter de se lancer dans des théories doctrinales et jurisprudentielles, il importe de laisser le soin au juge d’en décider, en cas de saisine.

Ce dernier rebondissement démontre clairement qu’il y a un problème réel avec l’élite politique centrafricaine ; et il faut dire clairement que l’élite politique centrafricaine vieillissante est réellement malade. En démocratie un coup d’Etat ne se justifie pas. Mais, contre toute attente, en mars 2003, le professeur Abel Goumba l’a fait pour la prise du pouvoir de François Bozizé qui lui a permis d’être Premier ministre, puis vice-président. Nicolas Tiangaye et Martin Ziguélé ont été accusé par la majorité des Centrafricains d’avoir donné leur feu vert pour le renversement de François Bozizé par la Séléka, le 24 mars 2013. Par la même occasion, Alexandre Ferdinand Nguendet a pris la tête d’une manifestation publique de soutien à la prise du pouvoir par la Séléka ; ce qui lui a permis d’être imposé président du Conseil National de Transition, puis président de la République par intérim.

On voit simplement que la France n’est a priori pas la cause première des problèmes de la RCA ; mais l’élite politique centrafricaine elle-même. On comprend aisément que la France ne fait qu’exploiter des situations qui lui sont offertes par des tarés qui sont obsédés par le pouvoir. L’intérêt national ou le patriotisme n’existe pas chez les politiciens centrafricains de la vieille école coloniale.  Mais, ils oublient la loi de la nature qui dit : « qui règne par les armes périra par les armes ». Les différentes dictatures qui ont existé dans ce monde en sont une preuve suffisante (Saddam Hussein avec un rôle déterminant lors du coup d’État du 17 juillet 1968 qui a porté le parti Baas au pouvoir en Irak, Mouammar Khadafi, etc.). Blaise Compaoré au Burkina-Faso est contraint à l’exil. Amadou Toumani Touré était très apprécié en RCA. Dans son pays, il a pris le pouvoir par la force en 1991 avant de le remettre en tant que président de la transition au nouveau président élu. Il était revenu plus tard lors des échéances électorales, mais deux mois avant la fin de son mandat, il était renversé par un coup d’État qui  l’a contraint à l’exil jusqu’à maintenant. Ça été le même cas en RCA : Bozizé a pris le pouvoir par la force et il en était parti par la force ; Patassé a fait un hold up électoral en 1999 pour son second mandat et il en était parti par la force ; Kolingba a pris le pouvoir dans un coup d’Etat qui ne disait pas son nom en 1981, il en était parti contre son gré et contraint à l’exil plus tard ; même chose avec le ping-pong de David Dacko avec son cousin Jean-Bédel Bokassa depuis le coup d’Etat mortel contre le président fondateur Barthélémy Boganda. André Kolingba a essayé de reprendre par  la force  en 2001, le pouvoir perdu par les urnes en 1993, et il n’a pas parvenu. Donc ce n’est pas aujourd’hui que cela va réussir en RCA pour que Bozizé puisse reprendre par la force le pouvoir perdu en 2013; parce que la RCA n’est pas le Congo de Dénis Sassou-Nguesso. Alors l’élite politique centrafricaine ne doit pas se méprendre, les mêmes causes produiront les mêmes effets et la RCA restera une éternelle assistée en Afrique Central par leur faute.

L’attitude des groupes armés face à la gestion de la crise par le pouvoir exécutif centrafricain

La Cour Pénale Spéciale mise en place constitue une épée de Damoclès suspendue sur la tête de tous les groupes armés, ex-Séléka et  Anti-Balaka, même si on note une apparente sérénité de ces derniers. Tous ces groupes armés convergent sur une amnistie générale permettant de mettre un terme au chaos.

  • Le sentiment de haine des ex-Séléka à l’égard de la Cour Pénale Spéciale et l’apparente sérénité du Mouvement Anti-Balaka

La crise centrafricaine est une crise qui a fait beaucoup de victimes, essentiellement civile. La sacralité de la personne humaine ne trouve pas son sens dans cette crise où des crimes odieux ont été commis et continuent d’être commis dans l’impunité totale. Pour mettre un terme à ce sentiment d’impunité, le gouvernement a mis en place, en concertation avec certains partenaires internationaux, une cour pénale spéciale. Nul ne peut ignorer aujourd’hui que la Cour Pénale Spéciale déjà mise en place fait énormément peur aux criminels de guerre. Les Anti-balaka font preuve d’une certaine sérénité depuis lors. C’est juste parce que cette Cour est encore embryonnaire pour eux ; mais il est évident qu’il y aura des soulèvements le moment venu. Leur capacité à paralyser la ville de Bangui n’est pas liée à la détention des armes conventionnelles ; donc, ils constituent toujours un danger potentiel. Le portrait avait déjà été dressé par la libération de Bertin Béa « par des badauds qui sont venus le chercher au bureau du juge au nez de la gendarmerie et des forces internationales »[3]  (disait le ministre d’Etat en charge de la Justice, Aristide Sokambi). Partout dans l’arrière-pays des jeunes se réclamant du mouvement Anti-Balaka grouilles et font la loi dans les zones sous leur contrôle. Les dernières révélations sur « la réalité » des évènements de Bangassou et Alindao montrent que leurs conspirateurs espèrent des ralliements après le lancement de leurs attaques. Mais, il est impossible de douter que les Anti-Balaka ou du moins leur coordination à Bangui étaient au courant de cette machination et qu’ils attendaient le moment venu pour semer le chaos dans leur propre pays.

Quant à la Séléka rénovée, c’est elle qui exprime publiquement ses craintes par rapport à l’existence de cette Cour. Bien qu’ils aient adhéré au processus de paix, les ex-Séléka cherchent par tous les moyens à arracher une amnistie dans le flot du sang de leurs propres compatriotes par la puissance de leur feu en multipliant les violences dans les localités sous leur contrôle. Les tentatives de négociations engagées par les autorités ne portent pratiquement pas de fruit du côté des ex-Séléka réorganisés et éparpillés qui, malheureusement continuent à semer le chaos dans leurs zones respectives. La Séléka avait pris le pouvoir, mais a échoué lamentablement parce qu’ils n’arrivaient pas à asseoir une politique sécuritaire apaisée. Jusqu’à présent, ils continuent à circuler avec des armes, à tuer, à incendier, à violer, etc. Ce qu’il fallait faire, c’est de mettre en place une stratégie permettant de ramener l’ordre dans leur rang permettant d’assurer la sécurité de la population qui se trouve dans leurs localités.

Les groupes armés sans exception ont choisi d’entretenir un chaos humanitaire partout où ils se trouvent. Dans la logique des conflits à travers le monde, lorsque le dialogue est enclenché, les hostilités doivent cesser en guise de bonne volonté afin de donner une chance à la paix. Dès l’ouverture des négociations, chaque camp doit préconiser l’intérêt de la nation qui commence par la protection des personnes et des biens qui ne sont pas des objectifs militaires dans le sens des Conventions de Genève qui ont établi le droit humanitaire. Les personnes qui sont des militaires et qui sont désarmés doivent être protégés en tant que prisonnier de guerre. Or, dans le conflit Centrafricain, la personne humaine n’a aucune valeur. Ces rebelles n’ont pas des militaires sur leurs passages, mais des pauvres villageois qui, pendant des années ont mené leur existence dans l’ignorance totale des tripatouillages électoraux et n’ont jamais bénéficié des retombées des détournements orchestrés par les différents responsables politiques de ce pays.

Les groupes armés mènent cette politique de terre brulée dans l’unique but de faire pression sur le Gouvernement afin de parvenir à leur fin. Dans une considération plus limitée de la situation, Bertin Béa ex-Secrétaire général du parti de Bozizé, a estimé : « Les chefs de guerre vivent de l’exploitation minière et du prélèvement de taxes en tous genres dans les zones qu’ils occupent. Ils ne vont pas renoncer à cette manne sans contrepartie. Ce ne sont pas les projets qui les intéressent, mais les postes ministériels et l’argent »[4]. Mais, il faut élargir au cadre judiciaire.

  • La nécessité d’une amnistie générale réclamée par tous les groupes armés

Beaucoup de personnes partagent cette question essentielle : Le Gouvernement Centrafricain a-t-il les moyens de traquer les rebelles et de les livrer à la Cour Pénale Spéciale nouvellement créée ?  Il suffit de s’arrêter un instant et de réfléchir : une personne qui est plus puissante que vous grâce à la force de ses armes ; s’accapare une bonne partie de votre territoire sous vos yeux impuissants ; exploite les richesses du sous-sol paisiblement et sans inquiétude. Vous venez lui demander de déposer les armes. Vous souhaitez lui donnez une contrepartie qui ne vaut pas ce qu’elle gagne dans l’illégalité et, vous lui faites la promesse de devoir la poursuivre devant la justice en fin de compte. Je crois bien qu’il faudrait être fou pour accepter une telle proposition, surtout lorsqu’on sait que son adversaire est réglementairement privé de tout moyen de dissuasion. Alors, il va falloir trouver une contrepartie conséquente ; et l’amnistie générale est le seul moyen pour y parvenir si on veut vraiment donner du répit au peuple centrafricain.

Le Gouvernement n’a aucun moyen de dissuasion. Le patron de la MINUSCA et son Commandant militaire ne cesse de répéter qu’il n’y a pas de solution militaire et qu’ils ne sont pas là pour aller chercher les rebelles afin de les arrêter ou de les tuer. Alors, sur qui ou sur quoi comptent vraiment le Gouvernement et les partisans des poursuites judiciaires pour contraindre les rebelles ? Les formateurs de l’Armée centrafricaine parlent d’une montée en puissance des FACA dans deux ou trois ans, pendant ce temps les ex-rebelles sont déjà surpuissants, occupent les 2/3 du territoire national et n’ont pas d’égard pour la personne humaine. Même si les FACA étaient opérationnels du point de vue formation, il faut leur acheter des armes que le Gouvernement n’en a pas les moyens ; il leur faut des blindés, des hélicoptères de combat et de transports de troupes que le Gouvernement n’en a pas les moyens ; il leur faut une bonne condition de ravitaillement sur les théâtres d’opération (en munitions, en nourriture, en carburant sur une longue période) que le Gouvernement n’en a pas les moyens. Par-delà, il faut savoir qu’affronter les rebelles revient à affronter ceux qui les soutiennent et qui eux aussi sont pour l’amnistie (Tchad et Congo pour le compte des ex-seleka, Ouganda et l’Angola pour le compte de Bozizé et les Anti-balaka, et bien d’autres Etats encore sans oublier l’Union Africaine)  et ceux qui se cachent dans l’ombre  pour tirer les ficelles (tel que la France, …). Est-ce que l’Armée centrafricaine encore embryonnaire est-elle prêt à affronter tout ce monde ? L’Armée centrafricaine rénovée a-t-elle la capacité de faire face à la puissante Armée tchadienne qui se trouve être le premier partenaire de la France dans la lutte contre le terrorisme en Afrique sub-saharienne et qui soutient indéfectiblement Nourredine Adam ? A-t-on déjà oublié la géopolitique sous régionale où la France s’est toujours appuyée sur le Tchad pour parvenir à ses fins en Centrafrique ? A-t-on déjà oublié que des forces internationales étaient bel et bien en RCA lorsque la Seleka avait pris le pouvoir et que la même chose pourrait bien encore arriver ? Les FACA pourraient bien attaquer le jour où elle atteindra sa puissance prédéfinie par les occidentaux, mais il faut bien savoir maintenant que c’est là où les FACA n’auront plus la possibilité d’avancer sur le terrain que constituera sûrement les frontières de la nouvelle RCA version Touadéra/Sarandji, c’est-à-dire une partition de facto et de jure de la RCA.

La Cour Pénale Internationale est là pour poursuivre ce genre de crimes et ils en ont les moyens. Ça a été facile pour la CPI de cueillir Laurent Gbagbo, Jean-Pierre Bemba et autres ; elle le fera pour ces rebelles le moment venu. Il faut accorder l’amnistie aux rebelles pour donner une chance à la paix en RCA, parce que c’est la mission de ce Gouvernement. Ce Gouvernement n’a pas le droit de condamner à mort d’autres Centrafricains supplémentaire par son incapacité à affronter la réalité des choses. Ceux qui sont morts, le sont déjà et on n’y peut rien ; il faut sauver le reste des … (on ne sait combien de millions de Centrafricains après toutes ces tueries de depuis 2012). Il est clair et net que les Etats qui nous soutiennent dans la théorie les poursuites judiciaires ne nous enverrons pas leurs militaires pour combattre à nos côté, et moins encore les ONG qui ne sont là que pour réduire le taux de chômage dans leurs pays. Il faut être réaliste et opter pour l’amnistie générale ; l’Afrique du Sud l’a fait après le massacre des enfants et bien d’autres crimes encore contre les noirs. Il n’y a jamais eu de tribunal spécial en Afrique du Sud, parce qu’ils ont accepté de vivre avec comme une histoire qui ne doit pas se répéter.

En somme, L’opposition militaire est aujourd’hui dans une logique de déstabilisation totale du pays. L’opposition politique, quant à elle, est gagnée par la tentation de changer les choses radicalement. Le réalisme doit être de mise parce qu’en démocratie, le coup d’Etat ne se justifie pas ; et les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. La réalité des choses est que le Gouvernement n’a pas les moyens de sa politique. Pendant que les FACA sont à la recherche d’une montée en puissance, les ex-Séléka sont déjà sur puissants et les Anti-Balaka qui jouent profil bas en ce moment, sont trop imprévisibles. Etre réaliste signifie accorder l’amnistie aux ex-Séléka et Anti-Balaka, et sauver ce qui reste du peuple Centrafricain ; parce que la Cour Pénale Spéciale n’est pas l’unique juridiction compétente pour connaitre des crimes en RCA qui sont déjà des crimes imprescriptibles.

Mario Azou-Passonda
Enseignant-chercheur, Université de Bangui

Référence bibliographique

[1]) « LE GOUVERNEMENT DE SARANDJI ON VA LE FAIRE TOMBER » DIXIT ANICET GEORGES DOLOGUELE ALIAS M.10%, Centrafrique Libre, 02 juin 2017, http://www.centrafriquelibre.info/?p=24041 (dernière consultation, le 5 juin 2017) ;

2) Loi N°10.001 du 06 Janvier 2010  portant Code Pénal Centrafricain ;

3) Centrafrique : Bertin Béa libéré de force devant une justice aux ordres, CARnews, 21 Août 2015

https://centralafricanrepublicnews.wordpress.com/2015/08/21/centrafrique-bertin-bea-libere-de-force-devant-une-justice-aux-ordres/ (dernière consultation le 4 juin 2017) ;

4) Malu-Malu (M. D.), Centrafrique : un an après l’élection de Faustin-Archange Touadéra, où en est la paix ?, Jeune Afrique, 11 avril 2017, http://www.jeuneafrique.com/mag/424075/politique/centrafrique-an-apres-lelection-de-faustin-archange-touadera-paix/?utm_source=Newsletter_JA_Actu&utm_medium=Email&utm_campaign=Newsletter_JA_Actu_11_04_17 (dernière consultation le 29 mai 2017).

 

[1] « LE GOUVERNEMENT DE SARANDJI ON VA LE FAIRE TOMBER » DIXIT ANICET GEORGES DOLOGUELE ALIAS M.10%, Centrafrique Libre, 02 juin 2017, http://www.centrafriquelibre.info/?p=24041 (dernière consultation, le 5 juin 2017

[2] Loi N°10.001 du 06 Janvier 2010  portant Code Pénal Centrafricain

[3] Centrafrique : Bertin Béa libéré de force devant une justice aux ordres, CARnews, 21 Août 2015

https://centralafricanrepublicnews.wordpress.com/2015/08/21/centrafrique-bertin-bea-libere-de-force-devant-une-justice-aux-ordres/ (dernière consultation le 4 juin 2017).

[4] Malu-Malu (M. D.), Centrafrique : un an après l’élection de Faustin-Archange Touadéra, où en est la paix ?, Jeune Afrique, 11 avril 2017, http://www.jeuneafrique.com/mag/424075/politique/centrafrique-an-apres-lelection-de-faustin-archange-touadera-paix/?utm_source=Newsletter_JA_Actu&utm_medium=Email&utm_campaign=Newsletter_JA_Actu_11_04_17 (dernière consultation le 29 mai 2017).

Commentaires

0 commentaires

@Lesplumes

www.facebook.com/lesplumesderca - www.twitter.com/lesplumesderca

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page