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L’IMMENSE RESPONSABILITÉ DES POLITIQUES DANS LA CRISE CENTRAFRICAINE

Par RJPM

Bien que le peuple ait décidé d’opter pour l’optimisme politique en dépit des prurits d’incertitude qui se pointent à l’horizon, il lui sera difficile d’oublier l’indignité totale des hommes et femmes politiques centrafricains durant ces décennies de conflits. Autant nous avions passé au crible de la raison critique les erreurs d’appréciation de la Communauté internationale tout au long de cette crise, autant il serait souhaitable de relever l’immense responsabilité de toute la classe politique centrafricaine dans cette brume contemporaine. Pendant que sous d’autres cieux, certains jouent le jeu de la démocratie pour espérer occuper des postes électifs, les politiques centrafricains privilégient plutôt les réseaux, les sectes, les puissances d’en bas, les coups d’état, les rebellions, les pièges, les mutineries, les embûches et les crocs-en-jambes pour accéder au pouvoir. Ces méthodes archaïques, serais-je tenté de dire, auront dressé le lit des rebellions à répétition dans notre pays. La Centrafrique pourra t-elle, un jour, éradiquer le cycle de violence? L’histoire centrafricaine devra t-elle toujours s’écrire à l’ongle des intérêts personnels ? La Centrafrique est-elle l’otage des familiers de tous les drames et les habitués de tempêtes politiques ? Dans cette série d’analyse critique, nous tenterons de mettre la lumière sur le comportement de chaque homme et femme politique. Nous nous intéresserons aujourd’hui à quatre de nos hommes politiques:  Bozizé, Djotodia, Ziguélé et Tiangaye

L’ancien président Bozizé

De tout temps, le Général Bozizé a toujours voulu accéder au fauteuil présidentiel. En 1981, il faisait déjà partie d’un groupe de putschiste qui avaient failli renverser l’ancien président Kolingba. Quelques années plus tard, il se présenta aux élections présidentielles de 1993 et obtint moins d’un (1) % de voix. Cette élection fut remportée par le défunt président Patassé, qui fera de lui un des piliers de son régime. Mais il fut soupçonné d’être l’instigateur du coup d’état manqué de 2001 et rentra en rébellion. Après deux années de maquis, il s’empara du pouvoir le 15 Mars 2003. Il est resté 10 ans au pouvoir jusqu’à son éviction par la coalition seleka dirigée Amdroko Djotodia.

A l’heure du bilan, l’on est tenté de poser la question, qu’a réellement fait Bozizé durant son règne pour améliorer le quotidien des Centrafricains ? Lui qui a lutté toute sa vie pour le fauteuil présidentiel dont il en avait l’obstination, disent certains.

Presque tous les maux, qui ont paralysé les régimes successifs tels que: le népotisme, le clientélisme, l’affairisme, l’injustice sociale, les arrestations arbitraires, l’ethnocentrisme et l’égotisme, tous ces mauvais ingrédients de gestion du pouvoir, occupaient une bonne place sous le régime de Bozizé. En plus, l’état était presque absent dans plusieurs villes excentriques du pays. A titre d’exemple, nous braquons le gril radioactif de la transparence médiatique sur le cas d’une Commune de 2985 habitants appelée Derbissaka. Cette commune est dans la sous-préfecture de Djema (Préfectures de Haut-Mbomou). La distance exacte entre Djéma et Derbissaka est de 70 Km. En revanche, lorsque l’on quitte Derbissaka pour aller à Bangui, l’on doit parcourir 325 km. Dans cette localité, il n’ y a ni école, ni hôpital. Un natif de la ville se serait porté volontaire pour jouer de temps en temps le rôle d’instituteur dans la commune. Or cette zone est immensément riche en diamant et en or. Aussi, les habitants vivent du commerce de poisson. A bien des égards, les éléments de LRA appelés communément « Tongotongo » font la misère tous les jours à ces compatriotes.

Alors comment admettre que Bozizé, qui lorgnait de tout temps le palais de la renaissance, n’ait pu rien faire pour lutter contre la misère dans certains de nos villes et villages abandonnés depuis de longues années ? Pourquoi n’a t-il pas préservé l’intégrité du territoire centrafricain ? Certains le disaient sourd au cri du peuple, d’autres le qualifient de piètre président. Dans tous les cas, nous amplifierons cette analyse en abordant les forces et les faiblesses du pouvoir de l’ancien président Bozizé dans notre prochaine édition. Toutefois, l’on peut déduire que l’offre politique de Bozizé ne convenait pas aux attentes du peuple centrafricain. D’où le déferlement de la coalition seleka à Bangui comme un mouvement d’ensemble des criquets pèlerins.

L’ancien président Djotodia

Il était évident que Amdroko avait aussi des intentions cachées par rapport au pouvoir pour lequel, il n’était visiblement pas préparé et qui lui est tombé entre les mains, telle une manne tombée du ciel. Il surfait beaucoup sur l’isolement géographique de sa région pour justifier la création de sa rébellion composée en grande partie par des jeunes désœuvrés et laissés pour compte. En 2006, son mouvement nommé UFR avait farouchement attaqué les positions de l’armée nationale à Gourdil et Tiringoulou. Après une série de victoire sur l’armée centrafricaine à cette époque, l’UFR décida alors de lancer un assaut sur Bangui. Dans la foulée, l’armée française avait stoppé leur progression à travers une opération spontanée dite: « Opération coup de semence ».

C’est ainsi que Djotodia et ses sbires prirent la fuite et trouvèrent refuge au Bénin. Après un bref séjour au centre pénitentiaire de Cotonou, il réussira à créer une synergie entre différents mouvements armés, c’est ainsi que naquit la séléka qui est à l’origine de la chute du régime de l’ancien président Bozizé le 24 Mars 2013. Très tôt, le peuple centrafricain avait constaté la limite du pouvoir de Djotodia, le patron de la séléka. En un temps record, il aura brisé le tissu social et réussi l’exploit immonde de dresser les Chrétiens contre les Musulmans ou les Musulmans contre les Chrétiens. Avouons-le, Djotodia avait tout simplement décidé de désinscrire la Centrafrique des pays du 21ème siècle et la ramener à l’époque de la pierre taillée. Cela malheureusement ou grâce, selon le côté où l’on se situe, à la complicité des patrons de la plate-forme dénommée Fare. A quoi rimait ce changement brutal? Était-ce pour faire plaisir à certaines personnalités politiques qui combattaient Bozizé?

L’ancien premier ministre Ziguelé

Selon certaines indiscrétions, il semblerait que depuis l’éviction de Patassé en Mars 2003, Bozizé serait dans la ligne de mire de Ziguelé. Même si les deux hommes se côtoyaient parfois, cela n’exclut pas l’inimitié qui s’est développé entre eux. D’ailleurs, Ziguelé avait condamné avec la dernière énergie le coup d’état de Bozizé. Il écumait presque tous les plateaux de médias internationaux pour faire entendre sa voix. Ce qui est tout à fait normal pour un démocrate qu’il est, car un coup d’état quel qu’il en soit reste condamnable à tout point de vue. Après les élections de 2005, l’homme politique arborait la tunique de figure de proue mais son élan s’amenuisera en 2011 avec la « résurrection politique » du défunt président Patassé qui décida de se porter candidat aux élections. C’en est suivi en 2011, une bérézina électorale difficile à accepter. Ses adversaires affirment que c’est à partir de cette élection qu’il fit une fixation sur le régime de Bozizé au point de penser qu’il développait une haine viscérale vis-à-vis du tombeur de son ancien patron. Lorsque Djotodia lança les hostilités contre Bozizé en Décembre 2012, il ne s’empêcha guère de condamner l’ancien locataire du palais, ce qui pour certains paraissaient comme un soutien de manière voilée la coalition seleka. Lors des pourparlers de Libreville, il s’érigea presque en caution morale et politique de la rébellion. L’homme politique avait déclaré dans une interview que « Djotodia était l’homme de la situation ». Il s’en est depuis lors expliqué que la phrase fut sortie de son contexte, et déformée. Bref, la suite de l’épisode, nous le connaissons tous. Une question taraude notre esprit. Le peuple centrafricain était-il victime d’une valse d’égo de Ziguelé et de Bozizé? Le démocrate Ziguelé ne devait-il pas, quoiqu’il en soit condamner tout coup d’état? Visiblement à cette époque, la ligne de démarcation entre rebelle et démocrate était très mince.

L’ancien premier ministre Tiangaye

L’ancien bâtonnier, aimé et admiré en tant qu’avocat se voit aujourd’hui affabuler par certains du titre d’homme politique et leader de circonstance. Et il fait salle comble contre lui. Pourtant, il était la personnalité préférée des Centrafricains depuis le procès de Bokassa. C’était même avec brio qu’il avait géré la présidence du Conseil National de la Transition sous Bozizé entre 2003 et 2005. Fort de ce succès, il créa son parti politique le CRPS et rejoignit la cité du panier de crabe centrafricain. En se faisant passé pour un soutien moral et politique de la rébellion seleka à Libreville lors des négociations de paix, il fut choisi par eux et les groupes de partis politiques d’opposition pour diriger le gouvernement d’union nationale. Sitôt Bozizé renversé, il fut reconduit à son poste par Djotodia. Aujourd’hui l’on reproche à Tiangaye de n’avoir point condamné ce basculement brutal du pouvoir. Bien que les tueries furent insoutenables, l’ancien président de la ligue centrafricaine des droits de l’homme, qui certes avait réclamé l’intervention de la communauté internationale, n’avait en aucun moment accusé publiquement la séléka. C’est à ce niveau que se situe la principale critique et la question de la distinction entre rebelle et démocrate dans ce genre de situation.

La responsabilité de la classe politique

En 2008, la classe politique centrafricaine devrait être unanime face à la montée en puissance des groupes rebelles. Sauf qu’elle avait préféré partager le pouvoir avec ceux-ci et leurs accorder le statut de « militaro-politique ». Cette absurdité politique permit aux rebelles de faire de la surenchère à tous les niveaux de différentes négociations. Aujourd’hui, les rebelles ont démontré que l’on a pas besoin de diplômes ou de compétences spécifiques pour être ministre en Centrafrique. Si la classe politique s’accordait au moins sur l’essentiel, les rébellions n’auront jamais droit de cité. Quelle sera la position de la classe politique durant cette grande messe de la paix ? Va t-elle dérouler à nouveau un tapis rouge aux trublions de la République ?

Alors que faire ?

En somme, d’aucuns diront que cette brume contemporaine est l’émanation de la mascarade électorale de 2011. Admettons que c’en est une ! Cela va sans dire que cette mascarade est l’œuvre de toutes les forces vives de la nation puisque toutes les entités étaient représentées dans la Commission Électorale et Indépendante. C’est quand même trop facile de se déjuger après un échec électoral. S’il doit y avoir faute, elle est collective et non imputable à une seule entité. Et si chaque élection mal organisée devrait se solder par des bruits de botte pourquoi celle de 1999 avec son cortège de Koudoufarisme n’avait pas engendré un conflit armé? Le débat mérite d’être posé et discuté sobrement. On doit le faire avec autant de dépassement que de désintéressement. Nous devrions tous sortir de nos anfractuosités partisanes, ethniques et confessionnelles pour aider ce pays à sortir de l’ornière. Tant que nous continuerons de voir le pays que de nos petites fenêtres et ne veiller que sur nos intérêts personnels et égoïstes, la Centrafrique est donc encore très loin de la paix tant attendue. Bozizé, Djotodjia, Ziguelé, Tiangaye ainsi que tous les autres hommes politiques passeront, mais le pays demeurera. Alors combattons ensemble avec les mots, et surtout pas avec les armes, les maux qui empoisonnent notre beau pays.

Rodrigue Joseph Prudence MAYTE
Chroniqueur, Polémiste

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Un commentaire

  1. Et comment donc RJPM? il en reste encore car il me semble que la mémoire sélective qui est la pathologie première des politiques centrafricains, se doublant d’une forme de sociopathie narcissique, emmènent souvent ces derniers à se considérer comme l’incontournable voie pour le salut du Centrafrique. Les faits ne parlent que par la teneur des réalisations de ces politiques dans le pays. Autant Derbissaka à 1300 km de Bangui, n’a ni école ni dispensaire, Sikikédé c’est pareil, ne parlons pas de certains quartiers de Bangui qui pendent au nez et à la barbes de tous ces personnages qui sont de l’ordre du passif du Centrafrique et qui vaille que vaille se veulent de son futur. Ils ont pour la plupart été de tous les coups portés à la RCA et son peuple, s’en sont toujours sortis avec leurs proches lorsque la maison Centrafrique à laquelle ils ont contribué à mettre le feu brûlait, comment alors ne pas les voire dans une bataille de chiffonniers pour rechercher l’absolution dans un pseudo dialogue, en complice objectif de tous ceux qui s’évertuent de tous temps à maintenir les nombreux forfaits commis sous le tapis. A regarder de près l’on se rend vite compte que toute la classe politique a trempé dans les agapes servies au bal des vampires qui ont bu le sang des Centrafricains.Ils ont été de tous les régimes et de tous les coups fourrés, de toutes les trahisons et même souvent par procuration, l’histoire de la CEI de 2011 est assez édifiante à ce sujet. En définitive, que peut-on valablement attendre de gens, dont les dents jaunies par tous les forfaits, sont génétiquement condamnés à la perpétuation de la perfidie, au complot et à la trahison????

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