Grand format de J.Gréla

L’IMAM DE BANGUI INSENSÉ OU RAISONNÉ?

Un oublié du conflit centrafricain : l’humanitaire

« Être pris en charge par le HCR, c’est accepter d’être nourri par un tiers sans un avenir radieux. Mais où allons-nous habiter ? Et que devrons-nous faire et avec quoi, » s’interroge Moustapha Lamine, un centrafricain musulman perdu dans cette ville de Ndjaména, inconnue, austère et étrangère, (Anadolu du 06 mars). Des centrafricains, parce qu’ils sont musulmans sont pourchassés au même titre que les selekas dont ils seraient complices. Malgré la précarité, les maladies, la famine, le déracinement et les regards méfiants des autochtones, ils« n’envisagent pas retourner au pays avant une décennie ».

En attendant d’être transférés vers un centre unique à Goré, près de deux milles séjournent à Ndjamena. D’autres comme eux, mais en Centrafrique, chrétiens et musulmans confondus, s’entassent dans les églises et les mosquées dans la peur d’une attaque de tous ordres. Après avoir tout perdu à Bangui, dans leurs villes et villages, dit le journal, « ils ne demandent qu’à être installés dans un endroit et penser, malgré tout, à l’avenir. Un avenir loin de leur pays, la Centrafrique » assaillie par une haine et une violence qui ne disent pas leur nom.

Le hachoir de la haine s’installe dans le cœur de la femme centrafricaine

Cette haine a conquis le cœur de jeunes femmes centrafricaines qui s’exhibent sur France TVinfo (06/03/2014) comme des « amazones »,  machette en main assurant, martèlent-elles, « la protection d’un millier de familles ayant fui les hostilités pour se réfugier sur l’île des Singes à Bangui ». Selon Valérie Kowal  reporter à Francetvinfo, crâne rasé, elles rassurent n’avoir plus peur et montent la garde. « Les Séléka ont frappé mon petit neveu de 12 ans avec la crosse d’un fusil», raconte Yolanda, jeune femme de 19 ans et de poursuivre : « Je veux me venger des Sélékas. Je suis prête. Je suis décidée». « Les Séléka ont tué mon grand-frère, le 15 décembre », explique Joanna Indiu, 20 ans. Pour des raisons diverses, beaucoup ont rejoint les sections des antibalakas et se disent «déterminées à défendre la population.»

Dans ce contexte l’imam de Bangui, qui prêche dans le désert est, encore une fois de plus, incompris, tel un prophète, par des centrafricains musulmans radicaux, ce jeudi, 6 Mars 2014 sur Alwihda Info. « Ce monsieur n’a pas le droit de parler au nom  des musulmans de Centrafrique encore moins au nom de l’Islam. Je sais que, comme argument, tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, on les traite d’extrémistes », raconte dans ce journal, Zagor. A titre de rappel, l’imam de Bangui, Kobine Layama, est un élu, représentant, et président de la communauté musulmane de Centrafrique qui s’exprime ainsi : « Si les musulmans centrafricains n’avaient pas opté pour un silence complice, cela n’aurait pas duré plus d’un mois », sur une chaîne internationale selon Zagor. Cette déclaration sonne-t-elle aux oreilles des musulmans centrafricains comme une sorte de mea culpa « tardif » ? Il y a lieu de s’y attarder.

« Ce sera une négociation difficile… »

Le conseil de sécurité des Nation-Unies s’est décidé de répondre au plan décliné en six points de son secrétaire général, présenté la semaine dernière et de fixer les modalités de son financement. Il est à noter que Centrafrique est un pays mal aimé de la communauté internationale. Alors qu’une « crise alimentaire menace », seuls 16%  des 551 millions de dollars de l’appel de fonds de l’ONU pour 2014, ont été versés. Le financement est insuffisant. Centrafrique attend toujours le déploiement de l’Eufor-RCA qui ne se bouscule pas à ses portes, pourtant prévu début mars.

Corsematin.com du 06 mars 2014 rapporte que la question de la taille et du financement du projet visant à déployer 12000 casques bleus était au cœur des discussions du Conseil de sécurité. L’ambassadeur français Gérard Araud prédit « une négociation difficile ».

« Pour beaucoup de pays, le coût des opérations de maintien de la paix pose problème », a-t-il souligné à l’issue de la réunion.

Et pourtant, « tous les Etats membres comprennent la nécessité d’une opération de maintien de la paix » mais certains émettent des réserves, posent des questions, nuancent la nature de la menace. L’opération est lourde. Elle est inscrite dans la durée, ce qui coûterait plusieurs centaines de millions de dollars par an, selon les estimations de l’ONU.

La presse internationale admet sous la plume de l’AFP que la France va proposer dans les semaines qui viennent à ses partenaires d’adopter une résolution autorisant cette opération malgré le coût. Cette opération prendra le relais de la Misca, déjà présente aux côtés des 2000 soldats français de l’opération sangaris.

L’AFP s’empresse d’ajouter que, selon l’ambassadrice américaine à l’ONU Samantha Power, les Etats-Unis « soutiennent » la demande de M. Ban et sont prêts à « travailler en collaboration étroite avec leurs partenaires sur ce projet ». Serait-ce une invitation adressée à la France de maintenir un contingent en Centrafrique ? Les USA n’enverront aucun homme en treillis.

D’accord… mais…

Cependant une difficulté s’impose aux négociations et au financement. L’administration Obama convaincra-t-il le Congrès de financer l’opération ? Le Congrès a institué un plafond de dépenses qui ne permet pas actuellement à l’administration de financer une nouvelle opération. Or les États-Unis contribuent à hauteur de 28 % à ce genre de mission (7 % pour la France), observe Jeune Afrique. Dans le même temps, la France, déjà présente par ses propres moyens, a du mal à convaincre ses partenaires de s’impliquer. A ce jour, Polonais, Estoniens, Géorgiens et Espagnols qui ont promis des troupes, voire, en petit nombre se hâtent  lentement.

« Nous sommes d’accord sur l’objectif (…) mais un certain nombre de questions ont été posées », a de son côté expliqué le patron des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Hervé Ladsous. L’opération serait « flexible », progressive afin d’amortir un « coût important », qu’il a chiffré à « des centaines de millions mais pas un milliard » de dollars par an.

En présentant le plan de M. Ban au Conseil, M. Ladsous avait reconnu qu’il n’y avait « pas de solution miracle en RCA », mais que l’opération est indispensable. « Retarder », a-t-il plaidé, cette opération pourrait avoir un « impact négatif potentiel pour la stabilité de la région, y compris une division du pays et la création d’un terrain propice aux groupes extrémistes ». Il y a lieu donc d’intervenir vite mais en automne.

Enfin, en attendant l’arrivée des Casques bleus, M. Ladsous avait appelé « à apporter d’urgence à la Misca un soutien financier rapide et généreux ». Car la plupart des futurs Casques bleus viendront, tout simplement, des rangs de la Misca.

De son côté, la patronne des opérations humanitaires de l’ONU Valerie Amos a, elle aussi, plaidé pour l’envoi de renforts. « A l’heure où je vous parle, des gens vivent dans la peur d’être attaqués et la communauté internationale semble paralysée », a-t-elle déclaré devant le Conseil, souligne l’AFP du 07 mars.

Il faut donc rétablir la sécurité pour faciliter la livraison de l’aide humanitaire. La route de Douala, à Bangui n’est pas sûre et cela oblige à acheminer les secours par avion, « ce qui coûte presque huit fois plus cher que par la route », a-t-elle expliqué.

Antonio Guterres, le patron du HCR revenant de Centrafrique, a confié au Conseil qu’en huit ans de mandat « il avait rarement ressenti autant d’émotion » que pendant cette visite, et, explique-t il, 15000 musulmans étaient encore « pris au piège » dans l’ouest du pays, sous la menace d’éléments anti-Balakas.

C’est vrai, des voix concordantes plaident pour la RCA, mais les résultats tardent à germer. Centrafrique se résout à attendre, puisqu’il n’a ni les moyens de se défendre, de se battre, de circuler, d’assurer sa santé, de donner à manger à ses fils, de se faire entendre par les anti-balakas.

On observe que toutes ces négociations, toutes ces plaidoiries demeurent encore virtuelles.

Pendant ce temps :

Les éléphants se battent, les herbes souffrent. C’est couple vulnérable, la mère et l’enfant.

Dans Le Figaro, Thierry Brigaud, président de Médecins du monde, lui,soigne et témoigne.

« A Bangui, il est de plus en plus difficile de soigner, de plus en plus urgent de témoigner », lance-t-il d’une voix engourdie d’émotion, devant l’immensité de la tâcheLes populations terrorisées ne se soignent plus.« Quotidiennement, les équipes de Médecins du Monde constatent avec effroi combien les transports sanitaires sont devenus à hauts risques […] Des ambulances sont immobilisées, parfois attaquées. Beaucoup de patients préfèrent ne plus tenter l’aventure », même les mères et leurs enfants.

Ouest France s’indigne et s’alarme devant la situation humanitaire et l’escalade des vengeances décrites par les Médecins du Monde et le HCR. Il y aurait selon Antonio Guterre environ 290000 réfugiés au Cameroun, au Tchad et en République démocratique du Congo. L’organisation humanitaire Human Rights Watch affirme que « les forces africaines et françaises déployées en RCA ne suffisent plus à endiguer la violence ». Le MSF estime, pour sa part, que l’escalade de la violence empêche le déploiement de l’aide humanitaire.

Le MSF « constate chaque jour les conséquences du manque de protection de la population en RCA. Les civils sont pourchassés, tués, et des centaines de milliers de déplacés et de réfugiés ne reçoivent pas une aide suffisante », témoigne Sylvain Groulx, chef de mission en RCA.« Le ciblage des organisations humanitaires internationales est inacceptable et entrave l’aide apportée à la population. Alors que les besoins restent énormes, la réduction des activités médicales de MSF à Kabo a des conséquences désastreuses pour plus de 50000 personnes vivant dans la région », déplore-t-il.

Le paludisme est une pathologie qui reste la première cause de mortalité dans le pays. La saison des pluies, malheureusement, arrive avec son lot de maladies et l’aide humanitaire apportée reste largement insuffisante, à cause des déplacés.

Pendant que la communauté internationale se penche sur les recherches de financement et du déploiement des hommes pour le maintien de la paix en Centrafrique, Le parisien.fr du vendredi, 07.03.2014 signale, au Soudan, que « près de 300 fondamentalistes musulmans se sont réunis à Khartoum pour dénoncer la présence française en Centrafrique, la qualifiant de « criminelle », et appelant au jihad, lors d’un rassemblement en soutien aux musulmans centrafricains ». Un autre panneau appelait les pays musulmans à« boycotter la France » a constaté le journaliste.

Les manifestants ont scandé les mots « jihad » (guerre sainte) et « Allah Akbar » (Dieu est le plus grand).

Enfin le quotidien l’Agora de Bangui écrit dans ses colonnes du 06 mars 2014 qu’au PK11, route de Damara, au camp de RDOT, des « ex-selekas demandent leur délocalisation sans désarmement, tandis que d’autres patrouillent à Malimaka ».

« Face à notre destin », titre l’éditorialiste de l’Hirondelle du 06 mars 2014. Il y rapporte l’expression de Mgr Yongbandji, du CNT à la radio Notre Dame, « la balkanisation de la capitale » Centrafricaine.

A Bagneux, le 08/03/2014

Joseph GRÉLA
 
 

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