Analyses et réflexions

OUBLIER QUE L’ON A UNE PATRIE ?

Par GJK

Pourquoi s’en cacher ? Vous souvenez vous sans doute, de toutes les fois où pour une raison ou une autre, vous avez été confronté à l’incontournable obligation de décliner votre nationalité.

Alors, comment avez-vous vécu ou vivez-vous généralement ces moments ? Certainement, comme une troublante épreuve de hara-kiri japonais pour la plupart ! Et pour cause.

Régulièrement, lorsqu’il nous arrive de prononcer ou d’écrire ces trois mots pourtant si glorieux et si simples, « Je suis Centrafricain », très souvent, nos esprits défaillent, nos cœurs se troublent, et nos intelligences se rebiffent. Naguère triomphal et jubilatoire, le « je suis centrafricain » aujourd’hui énoncé, vous renvoie presque systématiquement, à des représentations sinon honteuses et dégradantes, du moins peu glorieuses et très peu flatteuses. Dans tous les cas, « je suis centrafricain » semble plutôt incarner  le vide parfait si ce n’est  l’absence totale de tout projet positif.

Aussi, quand le souci que nous portons à notre pays paraît nous habiter profondément, le souci que nous causent la Centrafrique martyrisée et le substantif « centrafricain » bafoué et traîné dans la boue, se révèle encore plus incommensurable et nous rend  inconsolables.

En effet, dans la conception universelle, nommer un pays ou une nation, c’est avant tout, convoquer une réalité physique et géographique, une communauté de vie, un espace commun auquel on est attaché et où l’on est heureux de travailler et d’y demeurer. Dans le cas de la RCA, nos repères se brouillent. Le Centrafricain a hérité d’un paradis et il habite l’enfer. D’où ce sentiment d’un rejet contenu.

Pour certains compatriotes, se réclamer de leur patrie, revendiquer et prouver leur appartenance à la RCA, se révèle généralement impossible, du moins, pas avant d’atteindre l’autre bout d’un long parcours du combattant, ou le sommet du mont Golgotha qui leur est souvent imposé. C’est le mal dont souffrent des dizaines de milliers de Centrafricain à travers l’Afrique et le monde entier. Titulaires de passeport ou de toute autre pièce d’identité nationale longtemps périmés, et donc dans l’incapacité de justifier valablement leur « centrafricanité », nombreux sont ceux qui  aujourd’hui, sont devenus des apatrides et des « sans –papiers » abandonnés à leur sort. Le pire, c’est l’inexistence dans certains pays de résidence de ces Centrafricains, d’aucune représentation diplomatique habilitée à délivrer ne fut-ce que des cartes consulaires. C’est le cas au Sénégal par exemple, où des étudiants  parce qu’ils manquent des moyens financiers pour se rendre à Bangui se faire délivrer des passeports, risquent à tout moment l’expulsion. Quel drame !

Par ailleurs, parler de son pays, c’est aussi se reconnaître à travers ses dirigeants et toutes les autorités censées le représenter et donc représenter, parler et agir au nom des citoyens et ressortissants dudit pays. Or, si chacun peut en juger, nous sommes tous ou presque d’accord sur un point : la RCA mériterait mieux. Et les images que nous renvoient chaque jour l’actualité, sont loin de nous rassurer. Bien au contraire, elles sont de plus en plus déprimantes. Et ce que les Centrafricains ressentent, c’est une compatriote qui l’a mieux  exprimé à travers son commentaire :

« Vraiment qu’est ce que ce pays a fait au bon Dieu ! ».

Surtout, n’allons pas chercher à travers ce sanglot guttural, les traces d’une improbable punition ou d’un quelconque plaisir que Dieu prendrait à punir les Centrafricains. NON ! Cette Centrafricaine que je cite, aurait pu tout autant s’indigner en interpellant en ces termes,  ses compatriotes, et principalement les dirigeants de son pays :

« Diantre ! Dites-nous donc que faites vous là ! Pourquoi tant d’inconscience, de comportements honteux et irresponsables, de népotisme, de tribalisme, de haine, de méchanceté, de viol, de vol, de meurtres, de barbarie et de désordre dans ce Jardin d’Eden ? ».  Á chacun de trouver la réponse.

En définitive, il apparaît de plus en plus lourd de porter la nationalité centrafricaine, et dans certains pays, il ne fait même bon être titulaire de passeport centrafricain, surtout quand celui-ci est estampillé « passeport diplomatique centrafricain ». Dans ce dernier cas, ne soyez plus surpris que depuis la frontière par laquelle vous entrez désormais, et après avoir accompli toutes vos formalités de police et de douane, les agents préposés au contrôle, tiennent à vous poser certaines questions inattendues pour s’assurer de votre degré de dangerosité ainsi que de votre état de santé mentale :

« Vos mains ne portent-elles point les marques de sang de vos compatriotes? N’êtes-vous point un assassin séléka ou antibalaka ? Seriez-vous un vendeur d’or ou de diamant ? Quel est le montant de deniers publics détournés, que vous portez en espèces sur vous,  et dans quelles banques européennes cherchez-vous à placer ces « revenus » de votre travail de malfrat revêtu en diplomate? Ne souffrez-vous pas d’une addiction aux porteuses de jupes ou de pagnes ? Êtes-vous un alcoolique amateur, ou un professionnel et un expert doublé d’un ivrogne achevé ? »

Mais souvent,  avant de vous « libérer » et vous laisser aller vous débrouiller à trouver  un hôtel où vous  pouvez vous reposer après votre long voyage aux frais de l’Etat pour une mission déjà terminée, le préposé aux frontières, parce que vous êtes centrafricain, vous posera  néanmoins l’implacable et fatale question:

«  Connaissez tel ministre ou député de votre pays ? ».  Et quelle que soit votre réponse il ajoutera : «  on m’a dit qu’il a  chié et pissé sur lui lors de son dernier passage ici. Faites donc attention à vous ! »

Eh oui ! Plus on y pense, plus  la question se pose: oublier que l’on a une patrie ?

GJK-Guy José KOSSA
L’Élève Certifié du Village Guitilitimö
Immigré au village frère de KOUÂKÊMBI

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