Grand format de J.Gréla

GRAND FORMAT : LE PLAGIAIRE, IMMOBILISME OU NANISME INTELLECTUEL

« Entre deux maux, il faut choisir le moindre » nous avait souvent répété notre maître de l’école indigène. Entre le plagiat et la tricherie, aucun choix ne s’impose. N’en déplaise au maître qui s’évertuait à nous ouvrir l’âme pour que l’honnêteté intellectuelle ne périsse point en nous, que l’honnêteté intellectuelle ravive et libère notre esprit: l’écriture est une vertu et lueur pour les autres. « Apprenez-bien, soulignait-il inlassablement, écoliers les règles claires de la grammaire française. Si vous citez l’expression ou la phrase d’un auteur ou du vieux sage de votre village, dans votre expression écrite ou rédaction, je vous recommande de la mettre entre les guillemets. Car elle n’est pas votre phrase. Elle n’est ni issue de votre pensée, ni de votre imagination apparemment créative. Elle n’est pas à vous, tout simplement ». Alors la définition des guillemets selon le livre unique de français de l’écolier africain appelé communément IPAM 6, dans sa page 21, devrait être retenue et récitée par cœur : « Les guillemets (« ») encadrent les paroles de quelqu’un ou les écrits que l’on cite ».

« Tricheur, voleur d’idées. Toto ne comprend rien»

Pour caricaturer l’élève qui ne mettait pas, entre les guillemets, les phrases et expressions tirées de ses lectures, le maître le traitait de voleur, de malhonnête et de tricheur, tout court. Il recevait les morsures du serpent noir pour cette contravention aux règles.Il portait au cou deux ardoises percées,dont l’une, accrochée sur la poitrine, l’autre dans le dos, sur lesquelles était écrit : « Tricheur, voleur d’idées. Toto ne comprend rien». Toto était le nom du mauvais élève souvent puni par monsieur Diallo, dans le livre des classes de CE1, de nos écoles indigènes, intitulé : « Les premières lectures de Mamadou et Bineta », baptisé « Mamadou jaune » par les maîtres.

Ainsi copier sur le voisin du table-blanc qui ne manquait pas de crier : « eeeeh,tu triches !» ou sur le livre, était un délit suivi d’une lourde peine. C’est une stérilité d’un cerveau qui ne pense pas, un désert intellectuel.

Dans un tel désert, celui qui ne trouve pas une oasis s’éteint, meurt de soif, de déshydratation et d’inanition. Son recours : tuer le dromadaire, son unique véhicule qui le porte, s’abreuver de son sang comme un vampire. Il se transfigure en sanguinaire incapable de poursuivre son voyage de la traversée de ce désert intellectuel. Le comble de l’écrivain.

Quelle misère intellectuelle face à sa feuille vierge ! Il rumine, tousse, regarde à gauche et à droite, le cou allongé, la tête penchée discrètement, prêt à lorgner du coin des yeux la feuille remplie de son voisin. Parfois, il tort son stylo qui, malheur pour lui, est juste asséché. Il mâche le bout du capuchon comme s’il était dans une salle de classe lors du concours d’entrée en 6ème. « Ô ! Mama mia, que miseria » disent les italiens ;traduisez, « Ô ! Ma mère, quelle misère ! »

Que faire ?

Dans cette situation, l’écrivain est tenté de trouver une issue : écrire et toujours écrire quelque chose sur sa feuille. Vite,il saute sur un livre, vite,il se rappelle d’une expérience de lecture ou d’un texte. Vite,il le copie, il le paraphrase sans en indiquer l’origine. Vite,il le signe et le publie, sans prendre garde. En langage informatique, les spécialistes définissent cette méthode de « copier/coller », une véritable imitation, une apparence du vrai. Une inattention ? Une négligence ? Non ! Une faute intellectuelle indigne. Sa plume est stérile ; l’encre essorée. Les jeunes diront tout simplement, « je sèche ».

Là encore, c’est un acte prédateur. Une prédation intellectuelle. L’écrivain en cours d’arguments, l’écrivain improductif, infructueux fait la chasse aux idées, aux textes d’autrui, aux discours, aux programmes, aux expressions des tiers. Il les épouse sans contrats de guillemets, en d’autres termes, les copie et ainsi, fait sienne la propriété des autres illégalement, frauduleusement. C’est un déshonneur dans un sable mouvant ; tel écrivain, pensant drainer un mouvement intellectuel, manque de probité, un gage d’un savoir toujours renouvelé. Il ne pense pas. Il copie. Il ne crée pas. Il est ombre de la réalité, une apparence. C’est une usurpation éhontée, indigne. Une disgrâce ou une déchéance de sa matière grise. « Un intellectuel distingué, auguste,selon mon maître, ne s’englue pas dans cette médiocrité surannée ». Les moines, les religieux dits « copistes » dans les temps anciens, étaient des « disques durs ». Par leur métier de copistes, ils sauvegardaient ainsi les documents mais non à leur nom propre. Ils étaient l’imprimerie, la photocopie, la duplication. Mais ça, c’était avant. Et surtout,avant la « révolution Gutenberg », avant l’imprimerie.

Cette situation cataclysmique intellectuellement « tsunamienne »augure une défaillance de la pensée de l’écrivain, sa une chute vertigineuse.

Avec son « plagiat », (ah ! enfin ce mot plagiat), il peut être inauguré dans « le dictionnaire de girouettes » et des pensées immobiles. La défaite de l’intelligence ou plutôt dudit écrivain est au bout de ce chemin de plagiat, chemin comparable à l’eau de la mer qu’on ne peut arrêter avec la main.

Le plagiat, une forfanterie burlesque de grands pseudo-intellectuels, de beaux hâbleurs, aux allures des sophistes qui n’inventent rien mais qui osent tout démontrer, tout expliquer sans solidesfondements. « Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute » soutiendra le renard dans les fables de la Fontaine pour faire tomber le fromage du bec de beau corbeau. Aujourd’hui, apprenez que tout plagiaire vit aux dépens de la photocopie ou du « copier/coller de la production des autres sans autorisation aucune.

« C’est du plagiat, ta dissertation »

Toutefois, la réminiscence me transporte de l’école indigène au collège. Le maître, pourtant instituteur plein, ne nous avait pas appris ce néologisme, « plagiat ». C’était un grand mot difficile à comprendre à notre âge. Mais au collège le professeur de français, énervé et éviscéré contre un condisciple, lui avait vomi cette phrase : « C’est du plagiat, ta dissertation. Espèce d’idiot, tu as copié tes phrases et tes descriptions dans un livre ». Depuis ce jour, on l’appelait « monsieur plagiat », sobriquet qu’il porte encore à ce jour.

Etonnés d’entendre ce mot à consonance barbare et inculte à nos oreilles de néophytes, mes camarades et moi, attendions avec impatience dans un vacarme persifleur, la définition. « Le plagiat est le fait de copier les phrases des autres et se l’approprier. Cela constitue une faute. Leplagiaire, ou le copiste peut être intenté en justice par la victime, auteur, si son acte est considéré comme une « contrefaçon » disait-il. Les auteurs de Wikipédia désignent le plagiaire comme « celui qui s’approprie indûment ou frauduleusement tout ou partie d’une œuvre littéraire, technique ou artistique ». L’auteur du plagiat est un usurpateur « de gloire indue » qui s’appuie sur le contenu de la pensée des autres sans les signaler. Il est tout simplement un voleur comme l’affirmait notre maître à l’école indigène de brousse, de la propriété intellectuelle et immatérielle.

Plagiat, délit de contrefaçon puni par la loi

Selon le dictionnaire Larousse, le plagiat est l’« action de plagier quelque chose ou quelqu’un ».Plagier, verbe transitif signifie « piller les œuvres d’autrui en donnant pour siennes les parties copiées ». En droit français, le plagiat peut être assimilé à un « délit de contrefaçon » encadré par les articles L335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle : « Toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi ».

Nous supposons que la loi centrafricaine, pour sa part, a prévu un cadre juridique pour la protection de la propriété intellectuelle. L’auteur du plagiat, le plagiaire est un penseur frappé de strabisme intellectuel. Non, pas un penseur, mais un menteur. Ce qui le déshonore. Sa renommée est éclaboussée. Son texte, de même, est flétri, telle une rose fanée sans saveur et sans odeur.

Il n’en demeure pas moins que tout écrivain est toujours tenté de plagier. Or, le plagiat est une prédation punie par la loi. Le plagiaire est un prédateur, donc un hors-la loi. Le « copieur/colleur » est un prostitué intellectuel qui ne trouve du plaisir qu’à copier le texte des autres, mais ne pense pas.

A chaque auteur d’un texte, un effort constant de s’élever au dessus de cette tentation, synonyme d’un immobilisme ou d’un nanisme intellectuel,est nécessaire : le plagiat.

Qui ne veut pas penser…ne copie pas.

Joseph GRÉLA
L’élève du cours moyen
De l’école indigène de brousse de Bakouté

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Un commentaire

  1. De l’école Sous-préfectorale à l’école de la mission catholique, tous les maîtres, Instituteurs de leurs écoles, soucieux de former de bons élèves, se sont éfforcés de faire passer ce message. Mais, un tricheur reste un tricheur. Idem pour le voleur.

    Chers compatriotes, Internet permet de détecter les cas de plagiat. par exemple, votre moteur de recherche Google permet de:
    • Sélectionner dans le texte suspect quelques mots .
    •Les copier dans Google entre guillemets.
    •Lancer la recherche.

    Le choix de l’extrait est déterminent

    Une autre solution plus puissante, puissante : http://www.plagiarism.org devenu http://www.turnitin.com

    Jean-Pierre MARA
    Coordonateur de waAza
    Animateur du CNC France

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