Gjk ouvre le débat

GJK OUVRE LE DÉBAT : RUPTURE ET CHANGEMENT EN QUESTION

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Par GJK

Contexte

Pour lancer les discussions sur le présent sujet, chères lectrices et amis lecteurs, permettez-moi simplement en guise de propos liminaires, de vous faire revivre ici, une situation telle que n’importe qui peut l’avoir vécu à sa manière. Il s’agit de la retranscription in extenso d’une conversation téléphonique authentique, entre deux Centrafricains, deux patriotes que l’on soupçonnerait facilement, de brûler de la passion aussi profonde que démesurée de la République centrafricaine, leur pays natal. Leur principal objectif, affirment-ils, c’est de se mettre au service de cette nation et de ce peuple, qui ont bien voulu consentir malgré tout, à leur offrir pendant de nombreuses années, quelques moyens et des conditions relativement bonnes d’études et de formation, jusqu’à l’obtention de leurs diplômes universitaires, et autres titres professionnels.

En effet, ces compatriotes dont il va être question, résidaient tous les deux quelque part en Europe. Le premier – que l’on nommera ici Bakaka -, après une longue période de réflexions suffisamment mûries, ponctuées souvent de grands moments d’hésitation, avait finalement décidé de sauter le pas, en revenant au pays. Derrière sa courageuse décision, il convient de le souligner, Bakaka faisait aussi le choix difficile de délaisser du coup, la confortable situation sociale et professionnelle ainsi que toutes les garanties de sécurité et de stabilité financières que lui offrait son pays d’adoption. De son côté, le second, à qui nous attribuerons volontiers dans ce récit le surnom de Maître Kengs, bien qu’étant dans la même dynamique, ne parvient pas encore à ce jour, à boucler entièrement ses multiples projets d’affaires, tout en portant le regard sur une éventuelle promesse d’insertion professionnelle dans une quelconque administration en RCA. En attendant, Maître Kengs continue de mener l’existence qui a toujours été la sienne en Europe, et profite de toutes les occasions pour approfondir sa réflexion, en mettant particulièrement l’accent sur tout ce qui peut avoir valeur de prémisses pour une véritable rupture et un changement notable, tels que promis par tous les anciens candidats à la présidentielle durant leur campagne électorale.

Veuillez donc « écouter » ce qui suit :

Bakaka: Alloooo mon cher ami et maître Kengs comment vas –tu ?

Maître Kengs : Hooooo comme un charme devrais-je dire ! Ça roule tout simplement vieux frère. Je suis toujours-là dans ce pays de blancs racistes qui nous fatiguent, et n’arrêtent pas de nous en faire voir de toutes les couleurs. Comme si être noir en Europe et broyer du noir tout le temps ne leur suffisait pas comme couleur ! Quant à toi au pays, inutile de poser la question dis-donc ! Ça doit sûrement baigner dans l’huile et je te vois nager comme un poisson dans l’eau !

Bakaka: Oh tu sais gars, c’est toujours un plaisir et une joie profonde de retrouver son pays, les siens, ses amis, et surtout de renouer avec tous les souvenirs d’enfance et de jeunesse. Mais, comme tu le sais aussi, les crises et les guerres sont passées par là entretemps. Heureusement qu’en prenant la décision de venir, je ne me faisais aucune illusion sur ce que j’allais vivre et découvrir ici. Bref, « on essaie de faire avec », comme le veut la nouvelle formule locale!

Maître Kengs : J’imagine. Bon, bon ! Et niveau professionnel, te connaissant, j’espère que tu as pris le temps d’observer et que tu commences à apporter ta petite touche ? Te souviens-tu vieux frère, de tout ce qu’on s’était toujours dit ? N’oublie rien et ne laisse pas le temps au temps. Tu as l’occasion et la chance de mettre les choses en pratique maintenant que tu es complètement plongé dedans, en immersion totale. Je t’assure, pour ma part, je n’oublie rien de nos théories, de nos débats d’étudiants, de nos convictions révolutionnaires et citoyennes. Je continue de travailler sur des projets, de mettre un peu d’argent de côté, de chercher à convaincre le maximum de compatriotes à opter pour le retour au pays natal. Les discours c’est bien. La rupture et le changement c’est maintenant. Même si je n’ai pas le poste qu’on m’a promis, ce n’est pas grave, tu connais mon dynamisme. Je sais me battre, l’essentiel c’est d’être sur place et de trouver un créneau dans les affaires. Sois sûr vieux frère, ma décision est prise. Pas plus de deux ans encore ici en Europe et j’arrive tu peux compter sur moi. Promis !

Bakaka:…(silence à l’autre bout du fil)

Maître Kengs : …Allooooo ! Ah les lignes de Bangui là aussi ! Je parlais donc dans le vide . Je vais raccro….

Bakaka: Non non vieux frère ! Ne raccroche pas. Je te suivais très attentivement en même temps que mon cerveau fonctionne à 100 à l’heure !

Maître Kengs : Ah tu m’as fait peur. J’avais l’impression de n’avoir personne au bout du fil… .donc je disais que…

Bakaka: Oui oui j’ai tout entendu, que je sois sûr… ta décision est prise …dans moins de deux ans tu quittes l’Europe définitivement pour t’installer à Bangui n’est-ce pas ?

Maître Kengs : C’est exactement cela vieux frère et plus rien ne peut me retenir !

Bakaka: Ok vieux frère. Je suis d’accord avec toi. Te souviens-tu à ton tour ? Nous avons trimé de longues années ensemble ; nous avons usé le fond de nos culottes et de nos pantalons sur des bancs d’école et d’université, à nous frotter la cervelle contre celle d’autrui blanc ; à apprendre « à lier le bois au bois… pour faire des édifices de bois... ». Chez nous et pour notre peuple. Aujourd’hui, je suis au pays et je n’ai guère changé de philosophie. Mais vieux frère, crois-moi, plus les jours passent, plus les réalités du terrain ne sont pas celles auxquelles j’avais jusqu’ici crues ; et maintenant, mes convictions s’étiolent, ma bonne volonté est mise à rude épreuve à chaque instant, mon enthousiasme, ma détermination et toute mon ardeur s’émoussent. Pour tout dire, le Centrafricain a perdu complètement le sens du travail. Par ailleurs, on côtoie chaque jour ici la mort, celle qui peut venir à tout moment et de n’importe qui, y compris d’un enfant payé moins de 5000 FCFA pour vous faire votre fête. Alors, ceux qui vous sont proches, ne cessent d’attirer votre attention et de vous apprendre à vous méfier en tout temps et partout,  de tout et de tout le monde, y compris de votre propre ombre. Du coup, on ne vit plus, on survit ; et si l’on vit, on est obligé de restreindre sa surface d’actions et de mouvements, autant que de s’astreindre à des règles strictes de conduite. Au niveau professionnel, c’est à vous enlever l’envie de travailler et de prendre des initiatives. Que de résistances à vaincre ! Quoi que vous essayez de faire, dans votre dos ce sont des railleries du genre: « ho ho ! lo londo na ti losso na ndowa la é ! Huuummm ti so loga nani so mèèèè, lo si andè? za mè ti é ka ! Singa na Nzapa so a saragba a dö kodro ni a za, si singana na zo ti sessë… » – ho ho d’où arrive-t-il avec ça ! Huuumm tel qu’on le voit là, arrivera-t-il vraiment ? Dégages nous les oreilles, même Dieu n’a pas pu et a décidé d’abandonner ce pays. À plus forte raison un simple mortel ? » etc. Mais tiens-toi tranquille vieux frère : ce langage, ne vient pas que de petits agents ! Même des cadres que l’on aurait du mal à imaginer en train de se comporter de cette manière, s’y mettent et peut-être encore plus. Ici, tout le monde, ne guette et n’attend que les opportunités pour « manger » et toutes les occasions pour y arriver sont bonnes. C’est dur. Alors, la rupture et le changement ? Pour ma part, ce n’est ni le Président de la République, ni celui de l’assemblée nationale, ni les ministres – même s’ils ont la mission d’insuffler la nouvelle dynamique et donner l’exemple -, qui réussiront à l’imposer de haut. Tant que le Centrafricain depuis sa maison chez lui, et dans son comportement de tous les jours et partout, ne commencera pas à changer de mentalité, on peut toujours rêver. On peut toujours souhaiter pour le pays un « Kagamé » comme j’entends souvent dire, mais au Rwanda, le Président n’est pas dans tous les coins de rue. C’est te dire !

Maître Kengs : Écoute mon gars ! Quand tu m’as appelé, je m’attendais franchement à recevoir des bonnes nouvelles, du genre, « finis de boucler tes valises rapidement et viens vite, même les mains vides s’il le faut ». Voilà que je suis complètement dépité par ce que mes oreilles viennent d’entendre dire. Maintenant, il me faut revoir ma position. Mais il n’y a pas que moi ! Et tous ces milliers de Centrafricains ! Tous ces compatriotes qui ne rêvent que de rentrer à cause de la rupture et du changement promis! Tous nos enfants qui ont étudié ici, ont des diplômes et de grands projets pour leur pays ! Tous ces Centrafricains de la diaspora qui constituent de véritables légions de ressources en attente de déploiement rapide ! Non non non vieux frère !

Bakaka: Écoute vieux frère ! Je n’ai pas dit tout ça dans le but de te décourager. Bien au contraire, c’est pour que toi et tous les autres dont tu parles, vous puissiez vous préparer suffisamment et vous fortifier le moral en conséquence et en connaissance de cause. Il faut en Centrafrique beaucoup de gens qui veuillent la rupture et le changement et qui soient décidés à en faire leur mode d’existence et de vie. Il faut une « masse critique » raisonnable, afin qu’advienne l’optative « contagion » et que se propage la très gratifiante et espérée « épidémie » de la rupture et du changement qui délivreront la RCA de ses maux incurables et les citoyens de leurs « péchés mortels ». Imagines-toi, les résistances que j’observe ne viennent pas seulement que du côté de ceux que l’on accuse d’être de vieux briscards au cuir épais, complètement formatés et impénétrables. Aujourd’hui, bien de jeunes à peine engagés dans un service, se montrent réfractaires à tout, et sont plutôt très pressés de bâtir le plus rapidement possible une fortune malhonnête, et d’accumuler en même temps d’immenses biens mal acquis ! En plus, l’impunité leur est garantie au bout de leur chevauchée. Pour ma part, vieux frère, j’ai décidé : je suis venu, j’ai vu, je vais rester et continuer à me battre pour cette rupture et ce changement. Je me demande si rupture est le mot qu’il convient. Car derrière ce vocable, il y’a comme un parfum de brutalité et de confrontation brute. Je préfère quant à moi parler simplement de changement, et d’un changement par l’effet d’une crue débordante de bons procédés, une « inondation » ou une montée de bonnes manière et idées ; un débordement d’enthousiasme et de conscience professionnelle. À la fin, une érosion et un engloutissement progressif de toutes les résistances. Plus on sera nombreux à marquer notre différence, plus, cela déteindra sur les personnes et les services, et plus ça produira du fruit. Mais comment faire pour y arriver ?

Maître Kengs : Et c’est là toute la question. Comme toi, je crois qu’il me faut rentrer à Bangui vaille que vaille. Pas question de vieillir et passer ma retraite ici en Europe. Alors, aussi longtemps que je pourrai, je continuerai à prêcher la bonne parole du retour au pays natal tout autour de moi.

Bakaka: Tu me rassures vieux frère. Écoute, l’heure de la pause est terminée. Allez au revoir et tiens bon vieux frère !

Maître Kengs : Au revoir et à bientôt mon grand. Surtout courage à toi !

QUESTIONS

  1. La rupture et le changement sont-ils vraiment possibles en RCA ?
  1. Quelle serait la recette ou plutôt quels ingrédients proposés pour une bonne recette de rupture et de changement ?

GJK-Guy José KOSSA
L’Élève Certifié du Village Guitilitimö

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