Chronique de GJK

POUR MON PEUPLE, J’ACCUSE

Audience du Tribunal de la Conscience et de la Raison du 28 mars 2014.

Parole à GJK.

« Mesdemoiselles, Mesdames et Messieurs

Courant semaine passée, alors que je débattais durement de la RCA avec un ami de mes connaissances, je fus envahi, par un profond sentiment de culpabilité. Pendant un court moment, je me senti totalement déstabilisé, moralement accablé, et sèchement à court d’argument. En effet, en pleine intervention, mon interlocuteur eut subitement la gorge nouée. Tout son corps se mit à trembler, et des vagues de larmes, perlèrent du coin de ses yeux à ses joues. Aussitôt, une atmosphère de deuil, de malheur et de tristesse emplit le sobre salon où nous nous trouvions. Malgré tout, d’une voix pleine d’émotion mais remplie de dignité, mon ami m’adressa ces paroles : 

– Mon frère, tu ne peux pas comprendre ce que je vis. Tu peux te permettre de dire certaines choses, toi dont aucun membre de ta famille n’a vraiment souffert des événements de Bangui. De plus, tu n’as rien perdu de tes biens ; tu vis tranquillement, avec épouse et enfants, loin des réalités quotidiennes du Centrafricain moyen. Estime-toi simplement heureux.

En réponse à cette extrême affliction, qui s’exprimait de manière si déroutante et si pénétrante, j’ai laissé passer quelques petites secondes, le temps de me remettre les idées en place, et de paraître rester maître de mes convictions. Aussi, d’une voix  décidée bien qu’émue, je répliquai avec douceur et franchise : 

– Mon frère, je regrette sincèrement d’en être arrivé à ouvrir en toi, des blessures encore béantes d’une existence bouleversée. Je crois avoir compris que le couple islamo-chrétien que formaient tes parents, comptaient parmi les premières victimes, des toutes premières incursions qui ont eu lieu dans votre village. Par la suite, tes deux frères, musulman et chrétien, ainsi que ta nièce, ont été tous trois, massacrés par les Seleka, laissant  en vie quatre orphelins mineurs, filles et garçons,  kidnappés à leur tour, par les Antibalaka ; on ignore exactement où ils se trouvent présentement. Par ailleurs, tous les biens, meubles et immeubles, fruits de plusieurs dizaines d’années de sacrifices et de dur labeur de tes parents, ont été emportés. Je comprends parfaitement ta douleur, et une fois de plus, je partage ta grande souffrance. Cependant, tu vois, je m’estime aujourd’hui tout aussi inconsolable que n’importe quel Centrafricain, conscient de ce qui se vit dans notre pays. Car tu vois, mon frère, à tout prendre, en plus de toutes tes pertes à toi, qui sont également miennes, il me faut compter plus de 20 000 Centrafricains à ce jour décédés, et qui sont à la fois mes pères, mères, frères, sœurs, oncles, nièces et neveux. A ceux –là, ajoutons tous ces blessés graves et moins graves ; ces femmes, hommes, enfants, filles et garçons, exilés intérieurs et extérieurs. Tous ces centrafricains sont les miens. Des milliers et des millions de Centrafricains, meurent en ce moment, de faim, de soif et de maladies. Tous, ils survivent plus qu’ils ne vivent. Je crois frère, qu’il nous faut dépasser les barrières de nos « petites considérations » familiales, transcender tout ce qui fait de l’autre Centrafricain, un être différent de soi. Dans les moments que nous connaissons, pour survivre et espérer vivre, la RCA doit rester, une seule et même RCA, pour chaque Centrafricain et tous les Centrafricains unis et solidaires. Chers compatriotes, « Voici… vos enfants que l’on commande. Qui donnent leur vie comme le pauvre son dernier vêtement. Que nous répondions présents à la renaissance du Monde ! (de la Centrafrique !). Ainsi le levain qui est nécessaire à la farine blanche. Car qui apprendrait le rythme au monde défunt des machines et des canons ? Qui pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphelins à l’aurore ? Dites, qui rendrait la mémoire de vie à l’homme aux espoirs éventrés »(L.S.Senghor).

Quand l’ami qui versait un torrent de larmes revint à lui, je l’entendis  chuchoter  simplement : « jusqu’ici, j’ai toujours eu ce reflexe devenu normal, de ne penser qu’à ma propre sécurité et à celle de quelques personnes qui me sont proches par le sang. Maintenant, je comprends. Et maintenant que je comprends, pour la cause de mon pays, je ne me tairai plus ; pour mon peuple meurtri, je dis oui, j’accuse et je dénonce ;  je dis non, je plaide et je partage mes idées».

Ainsi, pris moi-même depuis lors dans cet élan de notre conversation, je veux, pour mon peuple, accuser et dénoncer, toujours et encore.

– Je dénonce la classe politique dite centrafricaine, celle des briscards au cuir épais, des brebis galeuses et vieux routiers indéboulonnables, ainsi que des gérontocrates impénitents, corrompus et imbus de leur supériorité. Ils sont tous auteurs autant que complices des malheurs et misères du peuple centrafricain, qu’ils ont sacrifié sur l’autel de leurs ambitions égoïstes.

– J’accuse d’association de malfaiteurs et d’escroquerie internationale à grande échelle, tous ces hommes politiques Centrafricains, qui ont choisi de déserter leur pays, pour se réfugier dans les capitales européennes, où ils font le tour des bailleurs de fonds de leurs futures campagnes électorales. Ils hypothèquent déjà les richesses du sous-sol centrafricain et compromettent l’avenir d’autres générations à venir. Ces faux-politiques, se repaissent du sang des Centrafricains, et de là où ils se trouvent, on ne les voit  jamais, prendre l’initiative d’organiser d’exceptionnelles réunions de tous les centrafricains ; moins encore, ils n’osent jamais se mêler à la masse, pour soutenir  les jeunes et les moins jeunes, qui se dévouent pour la cause de la RCA. Ils préfèrent cependant, à la vraie Centrafrique, des déclarations oiseuses et sans contradicteurs, sur les chaînes de télévision et de radio étrangères.

Par ailleurs, je m’insurge contre tous ces jeunes ambitieux, prétentieux,  arrivistes suffisants sans vision. A force de mimétisme sans intelligence, ils en viennent à ressembler, puis à dépasser leurs aînés séniles, dans l’art de petits calculs politiciens et égoïstes. Ils passent tout leur temps, à forcer les regards sur leur personnage sans relief, et à tenter de se faire une personnalité. On les voit çà et là, se fondre de déclarations nombrilistes sans intérêt pour le peuple ; intervenir au cours d’insignifiantes rencontres et conférences, où ils viennent mettre en pratique, leur manuel du « comment parler en public ». En tout cas, je n’ai jamais compris cette tendance qu’à le Centrafricain, à se croire sorti de la cuisse de Jupiter, et à vouloir à tout prix se fabriquer un destin national dès lors qu’il  peut se prévaloir  du moindre diplôme d’université ; d’avoir occupé, même sans éclat particulier, un poste quelconque au gouvernement ou à l’international ; de posséder un petit carnet d’adresses mal rempli, et d’être soutenu par un petit « machin familial », estampillé parti politique…

J’accuse donc de non-assistance à peuple en danger, de trahison et d’escroquerie intellectuelle, cette classe de jeunes loups, atteints de dégénérescence précoce, à l’esprit étroit, droits dans leurs bottes, et qui refusent de se livrer à une bienfaisante autocritique salutaire.

Je m’en voudrais de passer sous silence tous ces candidats « indépendants » virtuels, à la Présidentielle, qu’ils attendront jusqu’à épuisement total. Si certains croient passer inaperçus, il nous faut dire simplement, que la République des Centrafricains les observe et les « sent venir». Tapis dans un coin, ils paraissent lâches, mais ne peuvent se priver de « manger, respirer, boire et parler », toutes choses qui les rendent « vulnérables ». Quant aux autres, ceux et celles qui « gesticulent » effroyablement,  cesseront- ils d’enivrer le monde, avec leurs critiques mal formulées à l’endroit du régime de transition ? Leur seul et unique programme politique, consiste à se délecter des échecs apparents de ceux qui ont le mérite d’avoir essayé et réussi à être là où ils sont, même s’ils sont aussi incapables qu’indéfendables.

Je me pose souvent cette question : pourquoi Bozizé et Djotodja, que je me refuse à qualifier pour ne pas tirer sur des ambulances -, depuis qu’ils ont souillé de sang, de honte et de pestilences, le Fauteuil Présidentiel Centrafricain, celui-ci attire de plus en plus, alors qu’il devait rebuter le Centrafricain normal ?

Décidément, la Centrafrique rend fou !

Poursuivant mon acte d’accusation, je serai injuste de ne pas parler de la société dite civile. Non, pas celle des personnes et des entités au-dessus de tout soupçon, et qui forcent le respect du Centrafricain qui lui dit : Merci.

Malheureusement, on retrouve, mêlée et confondue à la digne société civile, cette classe d’aventuriers et d’escrocs notoires, qui trouvent dans le malheur du peuple centrafricain, une source de revenus et de gain facile. Je serai curieux de savoir, –  bien que j’en ai déjà une idée – combien de ONG sont apparues, ou sont « ressuscitées », en l’espace d’une année, depuis l’avènement du phénomène Séléka, et plus encore, depuis sa chute ? Dans tous les cas, j’accuse un bon nombre de ces associations et mouvements qui se disent de la société civile, de crime contre le peuple centrafricain, et d’enrichissement personnel.

Mesdemoiselles, Mesdames, Messieurs

Je trouve qu’il y’a quelque chose d’intuitivement indécent et indicible, à organiser des soirées dansantes sous prétexte d’apporter un quelconque soutien à des centrafricains qui ne dansent plus ; de réunir des banquets payants pour « s’empiffrer », au nom de tous ceux pour qui, manger est un besoin physiologique à satisfaire certes, mais hors de portée. Tout cela confine en une exploitation  immorale, honteuse et criminelle du peuple Centrafricain exténué.

Et si l’on pouvait me démentir, je n’en serais que plus ravi. Toutefois, je réclame ici et maintenant, à toutes les associations qui se trouvent dans cette situation, de publier immédiatement leur comptabilité détaillée, uniquement pour ce qui est du chapitre ici visé. Mieux, en vertu d’un certain parallélisme des formes, autant l’on voit des demandes de don et autres aides circuler sur la toile, autant, il serait souhaitable de faire circuler de la même manière et après coup, les résultats et les affectations des fonds ainsi collectés. Tout cela, ne contribuerait-il point à rehausser l’image du Centrafricain et à le rendre plus crédible ?

Ainsi donc, voici la RCA, écartelée entre sa classe politique d’inhumains prédateurs, et une partie de sa société civile, grande organisatrice de bals hypocrites en tous genres, et à des fins non élucidées. Se pose dès lors, un véritable problème d’éthique de la responsabilité des actions politiques et humanitaires.

Plus j’y pense, plus je me convaincs qu’il faut à la RCA, des solutions exceptionnellement radicales pour son devenir.

De la dictature de Bokassa qui a produit les malheurs que l’on sait, à la transition impuissante de Samba-Panza, en passant par le régime tribalo-régionaliste tant décrié de Kolingba, l’intermède démocratique interrompu de Patassé, le régime autocratique et dynastique de Bozize, la transition criminelle de Djotodja, la RCA aura tout connu, le centrafricain tout vécu.

Aujourd’hui, après la tentative de mise sous-tutelle, l’on nous brandit l’épouvantail de la partition. Quoiqu’il en soit, il n’est pas certain que la RCA s’en sorte indemne, de ce qui se déroule sous nos yeux.

Par conséquent, je plaide…

….A suivre

L’audience de ce jour est levée.

GJK – L’Elève Certifié
De l’Ecole Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social

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