Chronique du Village Guitilitimô

CVG-09 : LES VILLAGEOIS DÉCIDENT DE RECONSTRUIRE LEUR VIE – PARTIE 2

PARTIE 2 / 2

Quant à moi Mbi-na-ala-Midowa,  mes chers enfants du Village Guitilitimô, franchement,  je bénis Dieu. Il est le maître et le créateur de toutes choses. Qu’il s’appelle Ngakola de nos ancêtres, Jésus des chrétiens ou Allah des musulmans, Dieu est Dieu. Ce Dieu nous a donné de vivre à Guitilitimô, avant les malheurs qui se sont abattus sur nous. Ce Dieu nous a permis d’établir en ces lieux notre campement. Ce même Dieu, chers filles et fils de Guitilitimô, chers enfants et petits-enfants, veut aujourd’hui, avec la bénédiction de nos ancêtres et l’esprit de tous ceux qui nous ont quitté, Ce Dieu dis-je, nous demande de repartir dans notre grand et beau village …Gui-ti- li… ! »

Le patriarche vieux  Mbi-na-ala-Midowa, n’avait pas encore fini tout son discours, que tous les villageois, debout comme un seul homme laissèrent éclater des cris de joie. Ils entonnèrent à l’unisson, de vieux  chants de victoire, et improvisèrent des refrains pour le retour, tout en esquissant différents pas de danse, sans parler des pleurs et des larmes que certaines personnes ne purent  s’empêcher de laisser couler.

Guimôwara-le-savant, et le petit groupe de villageois qui l’avaient accompagné, retourneront à Guitilitimô, quelques jours après leur première visite d’évaluation. S’abritant où ils pouvaient, les membres du groupe se sont mis à nettoyer les débris et à restaurer lentement ce qui pouvait encore l’être. D’autres familles se joindront à l’effort de reconstruction peu après.

A la date fixée, de nuit, on déménagea du campement de fortune, et hommes, femmes enfants et vieillards, prirent le chemin  du village Guitilitimô, qu’ils avaient été contraints d’abandonner quelques mois auparavant. Entretemps, les villageois  avaient mis en place un comité, et des sous-commissions, chacune chargée d’un secteur spécifique : assainissement, habitat, éducation, travaux champêtre etc…Ils identifièrent toutes leurs priorités, et se mirent au travail. Les premiers jours n’étaient pas faciles pour autant. La moindre fausse alerte ou rumeur donnait lieu immédiatement à un mouvement de panique et de fuite. Mais peu à peu, le sentiment de sécurité s’est renforcé, et la vie a repris ses droits.

Plusieurs femmes avaient réussi à cacher soigneusement, et sauver leurs petites économies. Elles décidèrent de s’organiser. Elles se regroupèrent, mirent ensemble tout leur argent, et créèrent une espèce de banque villageoise, qu’elles appellent « kélémba ». Grâce au capital ainsi collecté, on envoya Beka-le-Pygmée, le jeune Kparakongo, toujours armé de son arc Kpembi-Kpomo, ainsi que quinze autres valeureux garçons, dans la commune urbaine la plus proche, mais néanmoins située, à plus d’une centaine de kilomètres. Ils allaient y effectuer divers achats. Ils partirent à pieds un matin, chargés de fruits et légumes ramassés dans la forêt. Ils allaient  réussir à les vendre, et gagnèrent encore un peu plus d’argent, ce qui leur permit d’augmenter le capital initial réuni par les villageois.

A leur retour, les commissionnaires de Guitilitimô, ramenèrent au village, portés à même la tête et dans trois poussepousses, appelées kwakwèkwa, des provisions et produits de premières nécessités, ainsi que des outils de travail: farine, cigarettes, pétrole, oignons, sucre, sel, huile, savon, vêtements, houe, pioche, pelle, râteau, etc…ils trouvèrent aussi à acheter à bas prix, des semences et des intrants, auprès des paysans des villages qu’ils ont rencontrés en route, lesquels leur ont offert gratuitement en plus, une bonne partie du « butin » transporté.

Après quatre jours que dura le voyage aller-et-retour à pieds, le groupe de Beka-le- Pygmée et du jeune Kparakongo, fit son entrée triomphale au village. Ils furent accueillis par des cris, des chants et des bruits de tamtams et d’autres instruments de musique joués à leur honneur. Le comité de village composé de dix membres et dirigé par Guimôwara­-le-­savant, se remit au travail immédiatement. Très rapidement, et suivant les règles et la grille de répartition établies, chaque ménage, sur les deux cents environ que comptait le village Guitilitimô, reçu sa part de provisions, de matériels de travail, ainsi qu’un peu d’argent. Et afin que personne ne puisse manquer du minimum, il s’installa tout naturellement, un système de troc, de travail collectif à tour de rôle au bénéfice de chaque foyer, et aussi au bénéfice de toute la communauté.

Au bout de deux mois, l’ancien Guitilitimö, se métamorphosa tant et si bien qu’il n’avait rien à envier à ses souvenirs du passé. De son côté, Guimôwara­-le-­savant, entrepris de reconstruire son « Université Populaire de Guitilitimô ». L’on se souvient, il s’agit de cette structure villageoise, qui, bien avant l’arrivée des roturiers et assassins  de Séléka et Anti-balles-à- ka, avait surpris par son originalité : presque tous les étudiants, sans distinction de sexe et d’âge, y compris Guimowara-le-savant, étaient à la fois, apprenants et professeurs.  A l’Université Populaire de Guitilitimô, on enseignait et apprenait, de jour comme de nuit, plusieurs matières, à savoir : construire une case, chasser un rat ou un gibier, pêcher, faire des pièges, soigner à partir des  plantes et des racines, comprendre les rites et maîtriser l’histoire, cultiver et entretenir un champ, gérer son argent, se prendre en charge et s’occuper de sa famille, gérer ses relations avec les voisins et les habitants des autres villages, savoir se défendre, défendre son village et son pays. Guimowara-le-savant, parlait de coopérative, d’épargne, des machines, des voitures…et il répondait à toutes les questions sur le pays des blancs.

La nouvelle Université Populaire Guitilitimô, plus reluisante que jamais, avait repris ses enseignements et les villageois étaient de plus en plus nombreux à participer à ses activités. Le premier jour de rentrée, c’était au patriarche, vieux Mbi-na-ala-Midowa, toujours muni de son fusil de marque «Bandaguikwa », qu’était revenu l’honneur de dispenser sa matière. Ce jour, il n’avait parlé ni de ses 54 médailles et sa collection de photos jaunies par le temps ; ni de Bir-Hakeim, Indochine,  et Viêt-Nam, « ses » trois guerres mondiales auxquelles il avait vaillamment pris part. Mais il parla du bonheur d’être soi. Ce soir- là, vieux Mbi-na-ala-Midowa, après un long développement, mis fin à son enseignement en insistant sur les mots que voici :

« Chers fils, filles, enfants et petits enfants du Village Guitilitimô, travaillons et travaillons sans cesse à transformer la terre. Seul par la volonté et le travail de nos mains, nous saurons redonner un sens à l’existence, à l’Homme et à la vie. Je vous dis aujourd’hui : soyez reconnaissants des leçons apprises dans la pauvreté. Car celui qui possède peu n’est pas pauvre, seulement celui qui désire beaucoup. La vraie sécurité ne réside pas dans les biens qu’une personne possède, mais dans les choses dont elle peut se passer. Nous voulons la paix maintenant. Que nos enfants grandissent ici, qu’ils n’aient jamais à fuir ou à craindre dans leur propre pays.

Moralité: L’exemple du village Guitilitimô saura-t-il inspirer d’autres Centrafricains? L’écho de la voix du patriarche vieux Mbi-na-ala-Midowa parviendra-t-elle à toutes les oreilles?

Retrouvez :
La PARTIE 1 / 2 de cette chronique ici
L’ensemble des chroniques du village Guitilitimô, ici

GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social

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